Le contexte historique de Jésus.
Israël est le peuple de la Torah. Il n’a qu’un seul Dieu qui est le Dieu unique du monde et a proposé à tous les peuples la Torah dans leur langue. Seul Israël a accepté et la majorité de l’humanité se situe en ennemi de la Torah. En Israël, la pratique doit être Une car Israël est Un.
Le sermon sur la montagne propose une pratique nouvelle, c’est une pratique très concrète : la monogamie, l’amour des ennemis… la pratique d’Israël n’est donc plus uniforme, c’est si grave que la controverse va le conduire à la croix.
Dans la controverse,
certains pensent qu’aucune lumière ne manque (principalement les sadducéens) : l’actuelle Torah est complète et la pratique est décidée à la majorité du sanhédrin (la prophétie est fermée, l'exégèse intelligente des sages suffit).
Un autre courant (apocalyptique) attend qu’une lumière neuve soit donnée pour connaître la Torah car le péché l’a voilée : on reconnaîtra que ce qui est neuf vient de Dieu grâce à une intervention d'Elie, ou de Moïse, ou d'un messie. (1)
Jésus dit :
« Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir »
(Mt 5,17)
Accomplir, signifie trois choses (1) :
1- Donner tous les sens possibles : aussi, ne supprimez pas de la Torah un seul iota, une seule de ses possibilités d'interprétations (surtout celle qui prévoit le messie).
2- Donner la pratique (halakha) pour aujourd'hui.
3- Donner le sens eschatologique, le sens final, conforme à la venue du Royaume de Dieu.
« On vous a dit, moi je vous dis… »
(Mt 5,20-48)
« On vous a dit » fait référence à la loi écrite ainsi qu’à ses commentaires oraux que les pharisiens font remonter aux Sinaï et à Moïse.
Jésus se met donc au-dessus du consensus du sanhédrin, il parle de sa propre autorité, sans même faire le traditionnel commentaire des Ecritures par les Ecritures.
D’où lui vient cette liberté ?
« Les foules étaient frappées de son enseignement : car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. »
(Mt 7, 28-29)
Et Jésus est suivi, si bien qu'il doit multiplier les pains pour les foules (Mt 15, Mt 16).
Jésus n'est donc pas seulement une nouvelle Torah descendue du ciel, il est un Verbe de vie. En disant "Verbe" nous disons "action" : sa parole est agissante, créatrice.
Jésus recrée l'image de Dieu dans l'homme notre frère.
Dire que le frère est "vide" (traduit par crétin dans notre Bible), alors que le frère est présence de Dieu, cela mérite le tribunal de Jérusalem, lieu de la Présence, c'est-à-dire le sanhédrin. (1)
Dire que le frère est "fou", alors que Dieu lui donne la Sagesse, cela revient à juger Dieu, et mérite le tribunal du ciel (la géhenne). (1)
Ainsi,
"Eh bien! moi je vous dis: Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal; mais s'il dit à son frère: Crétin [Raca, vide]! il en répondra au Sanhédrin [tribunal de Jérusalem, lieu de la Présence] ; et s'il lui dit: Renégat [môre, fou]!, il en répondra dans la géhenne de feu [tribunal du ciel]."
(Mt 5, 21-22)
Le texte araméen dit : « quiconque se met en colère contre son frère sans raison est condamnable lors du jugement. »
Dans les traductions française nous n'avons pas « sans raison ». Nous le retrouvons pourtant dans la moitié des manuscrits grecs, dont le Codex de Bèze. La Peschitta l'a gardé, et ce choix a semblé très cohérent aux pères orientaux. Jésus veut former une conscience limpide, délicate : n'importe quelle petite chose peut être grave ! (2)
"Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis reviens, et alors présente ton offrande."
(Mt 5, 23, 24)
Se réconcilier avec son frère qui est l'image de Dieu bien visible est nécessaire avant d'offrir un sacrifice à Dieu qu'on ne voit pas. (Mt 5, 23-24)
Et il est possible de lire la suite de l'Evangile, notamment l'amour entre époux et la fidélité sont des enseignements inséparables du fait que Jésus a recréé l'homme et la femme dans leur unité originelle, à l'image de Dieu (Gn 1, 27). (1)
(1) Cf. J. BERNARD, Les fondements bibliques, Parole et Silence, Paris 2009, p. 346
(2) Monseigneur ALICHORAN, L'évangile en araméen, abbaye de Bellefontaine, p. 101-102
Françoise Breynaert