Sans vouloir entrer dans des problèmes de datations des divers textes, nous pouvons affirmer avec certitude ceci :
La prophétie de Nathan au roi David
12 Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles (et j'affermirai sa royauté. 13 C'est lui qui construira une maison pour mon Nom) et j'affermirai pour toujours son trône royal.
14 Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils: s'il commet le mal, je le châtierai avec une verge d'homme et par les coups que donnent les humains.
15 Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l'ai retirée à Saül, que j'ai écarté de devant toi. 16 Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais."
17 Nathan communiqua à David toutes ces paroles et toute cette révélation. »
(2 Sam 7, 12-17)
"Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils" (2 Sam 7, 14)
« L’expression "fils de Dieu" provient de la théologie politique de l’Orient ancien. En Egypte comme à Babylone, on donnait au roi le titre de « fils de dieu ». Le rituel de l’accession au trône est considéré comme un engendrement qui le fait fils de dieu. En Egypte cet engendrement état sans doute compris au sens d’une mystérieuse origine divine, tandis qu’à Babylone, à ce qu’il semble, on comprenait déjà de façon beaucoup plus sobre comme un acte juridique, une adoption divine. […] A mesure que le royaume de David se renforce, c’est l’idéologie royale de l’Orient ancien que l’on reporte sur le roi de la montagne de Sion. Dans le discours de Dieu dans lequel Nathan prédit à David la stabilité éternelle pour sa maison, on trouve ces mots : "Je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté…. Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. S’il fait le mal je le corrigerai… Mais mon amour ne lui sera pas retiré." (2 Sam 7, 12.14-15 cf. Ps 89 (88), 27s).» [1]
"S'il commet le mal, je le châtierai" (2 Sam 7, 14) : en évoquant la possibilité du péché, cette seconde partie du verset montre bien l’insertion de l’oracle dans l’histoire de la maison de David.
Une ouverture messianique
Le livre de Samuel a une ouverture eschatologique : Dieu affermira pour toujours le trône de David.
Le livre de Samuel est ouvert à une interprétation messianique mais sans qu’il soit précisé s’il s’agit d’un messie personnel ou collectif (toute la maison de David au cours du temps).
Il n’est pas possible d’unifier les traditions sur l’Ancien Testament, il faut reconnaître leur part d’obscurité et leur pluralisme (qui prépare le pluralisme du judaïsme au temps de Jésus).
Une prophétie reprise dans le livre des chroniques
« ...et quand il sera pleinement temps de rejoindre tes pères je maintiendrai après toi ton lignage; ce sera l'un de tes fils dont j'affermirai le règne. C'est lui qui me bâtira une maison et j'affermirai pour toujours son trône. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils; je ne lui retirerai pas ma faveur comme je l'ai retirée à celui qui t'a précédé. Je le maintiendrai à jamais dans ma maison et dans mon royaume, et son trône sera à jamais affermi." Nathan communiqua à David toutes ces paroles et toute cette révélation. »
(1 Chr 17, 1-15)
Dans le livre des Chroniques, la promesse concerne un des fils de David. Le livre des Chroniques donne donc une interprétation messianique, visant un messie personnel.
La prophétie de Nathan est largement reprise, sauf la deuxième partie du verset 14 : "S'il commet le mal, je le châtierai" (2 Sam 7, 14). On s'éloigne donc de l'histoire pour s'orienter davantage dans la prophétie messianique.
Le livre des Chroniques garde une ouverture eschatologique : Dieu affermira pour toujours le trône de David.
Amos 9, 11
Le prophète Amos vit en un temps où le royaume d'Israël est divisé, le nord autour de Samarie, le sud autour de Jérusalem. Pire, les conquêtes des grands empires menacent son existence. Amos affirme que Dieu sera fidèle, et il annonce une restauration :
« En ces jours-là, je relèverai la hutte branlante de David,
je réparerai ses brèches, je relèverai ses ruines,
je la rebâtirai comme aux jours d'autrefois. »
(Amos 9, 11)
L'accomplissement en Jésus
La prophétie la prophétie de 2 Sam 7 s’accomplit dans le sens précisé par 1 Chr 17 : le messie est un messie personnel, « un » des fils de David.
Jésus fils de David ? l’accomplissement de 2 Sam 7 ; 1 Chr 17 ; Ps 110 ; Ps 2.
Par son explication du psaume 110, Jésus veut faire comprendre que le fils de David annoncé par l’oracle doit être beaucoup plus grand que son Père. C’est pourquoi il ne se définit jamais lui-même comme « fils de David ».
Mais Jésus accepte que ceux qui l’implorent l’appellent fils de David, notamment des aveugles (Mt 9, 27-29 ; Mc 10, 46-48 ; Lc 18, 26-43). Et il accepte qu’au seuil de sa Passion, les foules l’acclament comme fils de David (Mt 21, 9 ; Mc 11, 9-10). Mais toute la scène de Jésus devant Pilate (Jn 18, 28 – 19, 16) montre la vraie nature de sa royauté. L’accomplissement des prophéties concernant le messie royal doit donc être corrigée et complétée, ou du moins interprétée dans la lumière de Pâques.
Dans la lumière de Pâque, l’accomplissement d’Amos 9, 11-12
Or, dans la lumière de Pâques [2], on lit dans les Actes que la mission chez les païens pose problème .
Ce problème reposait sur la conviction que cette mission ne procédait pas suivant le déroulement attendu : Israël devait sûrement être restauré en premier. Selon Isaïe 1,1-2, Michée 4, 1-2, ou Amos 9, 11-12, cette restauration était nécessaire avant la conversion et le rassemblement des nations.
C'est alors qu'advient une réflexion du groupe des apôtres, assistés par l'Esprit Saint et par la Vierge Marie présente au cénacle (Ac 1, 6-14).
Le témoignage de Marie sur l'enfance de Jésus, qui a vécu l'Exode d'Egypte (Mt 2, 13-15) comme Israël, peut déjà inspirer d'identifier Jésus à Israël. La tentation au désert (Mt 4) est une autre manière pour Jésus d'assumer Israël, et en quelque sorte aussi, son baptême au Jourdain, comme la traversée du Jourdain.
Il devient alors possible de comprendre que la restauration d'Israël, c'est la résurrection de Jésus nouvel Israël. Héritier de David, il est maintenant élevé à la droite de Dieu. La restauration d'Israël, c'est aussi le fait que des Juifs (cependant peu nombreux) l'ont reconnu comme Messie.
Ainsi donc, les promesses de l'Ancien Testament concernant la restauration d'Israël ont été réalisées en Jésus. Malgré la très faible conversion des Juifs puis la chute de Jérusalem, tout est en ordre parce que la conversion des nations a commencé après Pâques, c'est-à-dire après la résurrection de Jésus nouvel Israël.
Et l'apôtre saint Jacques, en Actes 15, peut clore le débat et justifier la mission de Paul chez les païens avec un texte d'Amos sur la « restauration » (Amos 9, 11-12), c'est-à-dire sous-entendre qu'Israël avait déjà été restauré :
« Après cela je reviendrai et je relèverai la tente de David qui était tombée; je relèverai ses ruines et je la redresserai, afin que le reste des hommes cherchent le Seigneur, ainsi que toutes les nations qui ont été consacrées à mon Nom, dit le Seigneur [= Amos 9, 11-12] qui fait connaître ces choses depuis des siècles. C’est pourquoi je juge, moi, qu’il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se convertissent à Dieu. »
(Actes 15, 16-19)
[1] n_texte">Joseph RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 364
[2] Cf. P. W. L. WALKER, Jesus and the Holy land, B. Eerdmans Publishing Co, Michigan, 1996, p. 292-296
Synthèse Françoise Breynaert