« La divinité de Jésus et la croix sont indissociables, et seule cette relation permet de bien comprendre Jésus.
Jean a su exprimer cette intrication entre la croix et la gloire, quand il dit que la croix est l'exaltation de Jésus et que son exaltation ne peut s'accomplir autrement que par la croix. » [1].
La Passion de Jésus est une Passion de gloire :
« Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom ! Du ciel vint alors une voix : "Je l'ai glorifié et de nouveau je le glorifierai." » (Jn 12, 27-28)
Peu après ces paroles, Jésus fait un service très humble, le lavement des pieds (Jn 13). Benoît XVI commente : « c'est précisément dans l'abaissement de Jésus, dans son humiliation jusqu'à la croix, que la gloire de Dieu se révèle, que Dieu le Père est glorifié, et, en lui, Jésus. »[2]
La Gloire ("Kabod" en hébreu) est un poids de présence.
Jésus est lourd, glorieux.
A l'opposé, Pilate est léger, inconsistant. La révélation de la gloire de Jésus est celle de sa royauté de lumière et d'amour.
Jésus donne sa vie. Il interroge les soldats qui se prosternent devant lui.
Sa Passion est majestueuse, glorieuse, elle est un roc solide qui fonde l'existence.
La gloire se manifeste dans le quotidien de la vie de Jésus :
« Il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire » (Jn 1,14)
Ses miracles manifestent sa gloire (Jn 2, 11), ou celle de Dieu (le Père) (Jn 11, 4. 40). Cette gloire est surabondance de vie divine.
La gloire de Jésus ne vient pas des hommes, mais du Dieu unique (Jn 5, 41.44 ; 8, 54). Jésus ne cherche pas sa gloire mais celle de Celui qui l'a envoyé (7, 18 ; 8, 50).
Les disciples sont tous concernés :
« C'est la gloire de mon Père, que vous portiez beaucoup de fruit et deveniez mes disciples. » (Jn 15,8).
Cette gloire est une communion intense :
« Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous sommes un. » (17,22).
Marie entre dans cette dynamique : mère du disciple, gardienne de l'unité.
Gloire, communion et vie sont inséparables. La guérison à Bethesda (Jn 5) est une œuvre de vie qui rend la dignité sociale à un exclu. L'enseignement de Jésus est source de vie : « Celui qui me suit... aura la lumière de la vie » (8, 12). Tout l'Evangile est écrit « pour que vous ayez la vie en abondance » (20, 30-31).
La perspective de Jésus est la Vie, la dignité, l'amour.
La Sagesse dit : « quiconque me hait, chérit la mort. » (Pr 8, 36).
La perspective de Jésus n'est pas la mort. Ceux qui s'opposent à Jésus sont aveuglés par leur péché et par leur propre attachement à la mort, ils sont incapables de comprendre l'orientation profonde de Jésus :
« Les Juifs disaient donc : "Va-t-il se donner la mort, qu'il dise : Où je vais, vous ne pouvez venir ?" Et il leur disait: "Vous, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, vous êtes de ce monde; moi, je ne suis pas de ce monde. Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Car si vous ne croyez pas que JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés." » (Jn 8, 22-24)
Jésus n'est pas le meneur d'une course au martyre :
« Si l'on vous pourchasse dans telle ville, fuyez dans telle autre, et si l'on vous pourchasse dans celle-là, fuyez dans une troisième. » (Mt 10, 23).
Le martyre est un don, il se reçoit, comme Jésus a reçu son « heure » (Jn 2,4 ; 17,1).
Benoît XVI réfléchit à l'annonce par Jésus du Royaume de Dieu, puis à ses annonces de la Passion dans la perspective d'expiation du Serviteur d'Isaïe :
« L'entrée dans une nouvelle voie de l'amour après l'échec d'une première offre, selon toute la structure de l'image biblique de Dieu et de l'histoire du salut est certainement possible [...]
Un certain développement dans le message de Jésus avec des décisions nouvelles est certainement possible. [...]
Par contre, nous ne pouvons avoir la présomption de comprendre les développements du cheminement de Jésus qu'avec seulement un degré de probabilité plus ou moins grand et sans jamais les saisir avec clarté. [...]
Il n'y a pas de contradiction entre le joyeux message de Jésus et son acceptation de la Croix, au contraire, c'est seulement dans l'acceptation et la transformation de la mort, que le joyeux message atteint toute sa profondeur. » [3]
[1] BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 333
[2] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 95Une Passion de gloire
3] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 144-149
Synthèse F. Breynaert