« Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler. A celui qui l’en informait Jésus répondit: "Qui est ma mère et qui sont mes frères?" Et tendant sa main vers ses disciples, il dit: "Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère." »
(Mt 12,46-50)
Le contexte :
Ce qui précède : une ample section, qui commence en Mt 11,2 et raconte la polémique avec les représentants du judaïsme: un désaccord qui atteint la rupture.
Ce qui suit : le discours en paraboles, qui marque la distance entre Jésus et les foules.
Située entre les deux sections, notre passage pourrait donner l’exemple d’une troisième forme de détachement, celui de Jésus à l’égard de sa famille. (1)
Mais la fonction prioritaire de cette péricope* est probablement différente : refusé par les autorités et abandonné par la foule, Jésus montre la présence de sa vraie communauté (celle des disciples) et il indique les conditions, offerte à tous, pour en faire partie.
*péricope = unité littéraire et unité de sens
Les disciples forment une famille :
Une famille : Pour Matthieu - comme aussi pour Marc - la mention simultanée de la mère, des frères et des sœurs veut suggérer l’image d’une vraie famille, et non pas simplement d’une quelconque fraternité. (2)
Universelle : Curieusement la péricope commence en disant que "Jésus parlait encore aux foules", mais ensuite celles-ci disparaissent et Jésus montre seulement les disciples. Ceci peut suggérer que les destinataires ultimes sont les foules, comme cela est confirmé par le "quiconque" de la fin.
Beaucoup plus que les liens du sang : Si Jésus se détache de sa famille, ce n’est pas parce qu’il en est incompris et rejeté (de cela il n’y a aucun signe en Matthieu), mais parce qu’il ne peut permettre aucune prétention à son égard de la part de personne, ni des parents ni d’autres. Il appartient totalement au Royaume et à sa mission.
C’est "faire la volonté de mon Père" - qui rend frères et mère: non pas seulement entre nous, mais à l’égard de Jésus.
La figure du Père émerge : il s’agit d’être de la famille de Jésus, mais pour cela, l’élément décisif c’est de faire non pas sa volonté, mais celle du Père.
Du reste l’obéissance au Père est constitutive aussi - si on peut dire - de la "filiation" de Jésus, comme cela est suggéré par les paroles des prêtres qui raillent le Crucifié : « Il a compté sur Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s’il s’intéresse à lui! Il a bien dit: Je suis fils de Dieu! » (Mt 27,43)
Compter sur Dieu dit l’obéissance confiante, l’attitude de celui qui remet sa vie dans les mains d’un autre. C’est la forme la plus radicale de l’obéissance. Les grands prêtres montrent qu’ils en ont l’intuition en rattachant l’obéissance de Jésus au Père et le fait qu’il se dise son Fils. C’est dans l’obéissance totale au Père que Jésus réalise sa filiation. (3)
Et Marie ?
L’évangéliste pose un principe : la primauté de l’obéissance à Dieu - qui vaut pour tous, et pour la mère aussi.
La riche théologie mariale de Matthieu est concentrée dans les deux chapitres de l’enfance. Et une lumière (que Marc n’a pas pu nous offrir) peut venir de ces deux premiers chapitres : Marie - et ceci le lecteur doit déjà le savoir, n’est pas seulement la femme qui a engendré Jésus mais la mère qui a parfaitement accompli la volonté de Dieu, en accompagnant le Fils dans son chemin (Mt 1-2).
(1) Ainsi pense P. BONNARD, L’Evangile selon saint Matthieu, Neuchâtel 1963, p. 186.
(2) Santi GRASSO, Gesù e i suoi fratelli. Contributo allo studio della cristologia e dell’antropologia nel Vangelo di Matteo, Bologna 1994, p. 31
(3) Cf. B. MAGGIONI, I racconti evangelici della Passione, Assisi 1994, p.286.
Bruno Maggioni
Extraits de Bruno MAGGIONI, Lettura sincronica di Mc 3,20-21.31-35 e par,
in Theotokos II (1994/2) p.11-26. Sintesi da Françoise Breynaert.
N.B. Cette revue est une revue interdisciplinaire de mariologie,
dirigée par Alberto Valentini, éditée par l’Association centro Mariano Monfortano,
via Romagna, 44 – 00187 Roma