Observons dans le langage de saint Paul:
- le langage de la croix,
- et le langage du chemin, ou de la course en avant (le « pas encore »).
Si nous voulons, nous ferons, dans le site, le lien avec Marie,
- en tant que mère debout dans la foi au pied de la croix,
- en tant que femme de l'Apocalypse qui chemine dans le désert, qui marche avec nous vers la Jérusalem céleste, "Notre Dame de l'espérance".
Il s'agit d'attitudes similaires.
La lettre aux Philippiens (Ph 3, 2-3) porte la marque d'une polémique dans la communauté de Philippe :
« Prenez garde aux chiens! Prenez garde aux mauvais ouvriers! Prenez garde à l'incision [la circoncision] ! Car c'est nous qui sommes les circoncis, nous qui offrons le culte selon l'Esprit de Dieu et tirons notre gloire du Christ Jésus, au lieu de placer notre confiance dans la chair. »
(Philippiens 3, 2-3)
Le mot « ouvrier » (Ph 3, 2) ne se retrouve chez Paul qu'en 2Co 11, 13 où il désigne les super-apôtres, prédicateurs itinérants, se targuant de leur ascendance juive.
Le « prenez garde aux chiens ! » suggère que la racine du message chrétien est menacé. En quoi le message est-il menacé ? Les adversaires se réclament de la circoncision, ils font valoir qu'ils sont des judéo-chrétiens. Paul pourrait se valoir du fait qu'il est fils d'Hébreux ou qu'il a été pharisien, mais il explique que tout cela est dépassé (Ph 3, 3-6). Le salut vient de la foi au Christ, et le but de Paul est de « le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d'entre les morts. » (Ph 3, 10-11).
Si Paul insiste sur le mystère pascal, c'est très probablement parce que les adversaires de Paul, les « mauvais ouvriers »,
sont tentés de croire que le but ultime est déjà atteint,
ils minimisent la place de la croix dans la vie présente,
et mettent leur gloire ailleurs que dans la croix.
C'est pourquoi Paul continue en insistant sur le cheminement caractéristique de la vie chrétienne :
12 Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. 13 Non, frères, je ne me flatte point d'avoir déjà saisi; je dis seulement ceci: oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être, 14 et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus.
15 Nous tous qui sommes des "parfaits", c'est ainsi qu'il nous faut penser; et si, sur quelque point, vous pensez autrement, là encore Dieu vous éclairera. 16 En attendant, quel que soit le point déjà atteint, marchons toujours dans la même ligne.
17 Devenez à l'envi mes imitateurs, frères, et fixez vos regards sur ceux qui se conduisent comme vous en avez en nous un exemple. 18 Car il en est beaucoup, je vous l'ai dit souvent et je le redis aujourd'hui avec larmes, qui se conduisent en ennemis de la croix du Christ: 19 leur fin sera la perdition; ils ont pour dieu leur ventre et mettent leur gloire dans leur honte; ils n'apprécient que les choses de la terre. 20 Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d'où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ, 21 qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire... »
(Ph 3, 12-21)
Ces versets donnent une vague idée des adversaires de Paul dans la communauté de Philippe :
Ils ont pour dieu leur ventre : cette expression peut viser un judaïsme légaliste, soucieux de la circoncision et de la pureté alimentaire, soit une gnose laxiste.
Ils mettent leur gloire dans leur honte : cette expression peut viser l'orgueil que chacun met dans les arguties qui divisent honteusement la communauté ; elle peut aussi viser l'orgueil lié à des « révélations », alors que l'espérance vraie vient de la conformité au Christ.
Faisons le lien avec ce que Paul dit ailleurs de la croix du Christ :
La Croix est au centre de la sagesse chrétienne :
« O Galates sans intelligence, qui vous a ensorcelés? A vos yeux pourtant ont été dépeints les traits de Jésus Christ en croix. »
(Ga 3, 1)
La Croix s'oppose au laxisme :
« ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. » (Ga 5,24)
Le salut vient de la Croix et non pas de la circoncision :
« Quant à moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté? C'en est donc fini du scandale de la croix! »
(Ga 5, 11)
La Croix est puissance de Dieu.
« Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. »
(1Cor 1, 18)
C'est une sagesse vécue par Paul (1Cor 2, 2-8)
« Nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. »
(1Cor 1, 23-24)
La Croix est source de paix et de réconciliation :
Juifs et païens, Jésus les a « réconcilié avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix: en sa personne il a tué la Haine. »
(Ep 2, 16, cf. Col 1, 20)
Françoise Breynaert,
Cf. Jean François Collange,
L'épître de saint Paul aux Philippiens, Neuchâtel 1973