28. Dans un langage hautement symbolique, riche en images scripturaires, le voyant de l'Apocalypse décrit la vision d'un signe dans le ciel comprenant une femme, un dragon et l'enfant de la femme.
Le récit d'Apocalypse 12 a pour but de donner au lecteur l'assurance de la victoire finale des fidèles de Dieu aux temps de la persécution et du combat eschatologique.
Au cours de l'histoire, le symbole de la femme a conduit à une variété d'interprétations.
La plupart des exégètes admettent que, dans son sens premier, la femme est une personnification collective : le peuple de Dieu, soit Israël, soit l'Église du Christ, voire les deux.
De plus, le style narratif de l'auteur suggère que la « pleine image » de la femme n'est atteinte qu'à la fin du livre quand l'Église du Christ devient la Jérusalem nouvelle triomphante (Apocalypse 21, 1-3).
Les difficultés réelles de la communauté de l'auteur sont placées dans le cadre de l'histoire dans son ensemble, qui est la scène où se poursuit la lutte entre les croyants et leurs ennemis, entre le bien et le mal, entre Dieu et Satan.
L'imagerie de la progéniture nous rappelle la lutte en Genèse 3, 15 entre le serpent et la femme, entre la descendance du serpent et celle de la femme.[1]
29. Cette interprétation essentiellement ecclésiale d'Apocalypse 12 admise, reste-t-il toujours possible d'y trouver une référence secondaire à Marie ?
Le texte n'identifie pas explicitement la femme avec Marie. Il renvoie à la femme comme à la mère de « l'enfant mâle qui doit régir toutes les nations avec une verge de fer », une citation du Psaume 2, appliqué ailleurs dans le Nouveau Testament au Messie aussi bien qu'au peuple croyant de Dieu (cf. Hébreux 1, 5 ; 5, 5 ; Actes 13, 33 ; Apocalypse 2, 27).
De ce fait, quelques auteurs patristiques en sont venus à penser à la mère de Jésus en lisant ce chapitre 5.[2]
Étant donné la place du livre de l'Apocalypse dans le canon de l'Écriture, dans laquelle les différentes images bibliques s'entrelacent, la possibilité se fit jour d'une interprétation plus explicite, à la fois individuelle et collective, d'Apocalypse 12, qui éclaire la place de Marie et de l'Église dans la victoire eschatologique du Messie.
[1] Le texte hébreu de Genèse 3, 15 parle de l'inimitié entre le serpent et la femme et entre la descendance des deux. Dans ces paroles adressées au serpent, le pronom personnel (hu'), « Il te meurtrira la tête » est au masculin. Dans la traduction grecque utilisée dans l'Église ancienne (LXX), le pronom personnel autos ne peut toutefois pas renvoyer à la descendance (neutre : to sperma) mais doit concerner un individu masculin qui pourrait alors être le Messie, né d'une femme. La Vulgate traduit (mal) l'expression par ipsa conteret caput tuum (« elle te meurtrira la tête »). Ce pronom féminin a appuyé une lecture du passage en référence à Marie, lecture qui est devenue traditionnelle dans l'Église latine. Toutefois, la nouvelle Vulgate (1986) revient au neutre ipsum, qui renvoie à semen illius : « Inimicitias ponam inter te et mulierem et semen tuum et semen illius ; ipsum conteret caput tuum, et tu conteres calcaneum eius ».
[2] Cf. Épiphane de Salamine († 402), Panarion 78. 11; Quodvultdeus († 454), Sermons sur le Symbole II, I.. 4-6 ; Oecomenius (env. † 550), Commentaire sur l'Apocalypse 6.
Commission internationale anglicane - catholique romaine (ARCIC),
« Marie : grâce et espérance dans le Christ », 2 février 2004, § 28-29