Dans l'état final des Ecrits intertestamentaires (principalement retrouvés à Qumrân), nous trouvons une réinterprétation de la prédication judéo-chrétienne.
Des écrits post-chrétiens.
Deux exemples nous situent nettement après le Christ (d'autres passages sont parfois plus anciens) :
« Ceux-là seront sauvés au temps de la Visite mais les autres seront livrés au glaive, quand viendra le Messie d'Aaron et d'Israël, ainsi qu'il fut au temps de la première visite » (Document de Damas, manuscrit B 1, 10)
Qui dit seconde visite en suppose une première, il s'agit d'un texte post-chrétien.
« Dans la cinquième semaine, ils retourneront vers leur pays dévasté, et ils restaureront la Maison du Seigneur » (Testament de Lévi, 17, 10-11).
Restaurer le Temple ne peut s'envisager qu'après sa destruction, c'est donc là aussi un texte post-chrétiens.
On a souvent pensé que parce qu'ils étaient post-chrétiens, les Ecrits intertestamentaires contenaient des relectures chrétiennes. Mais c'est incohérent : les chrétiens ne peuvent cautionner la perspective de rebâtir le Temple de Jérusalem, Jésus est leur Temple non fait de main d'homme et leur grand-prêtre (Cf. Evangile selon saint Jean ; Lettre aux Hébreux).
E-M Gallez montre que ce sont des écrits post-chrétiens qui ne sont plus chrétiens (anti-chrétiens).
Jésus ?
Post-chrétiens, les écrits de Qumrân ne nomment pourtant pas Jésus.
Il faut se demander pourquoi.
Le prénom Jésus, en hébreu « Ieshoua » signifie « Il sauve » - à ne pas confondre avec Josué (Iehoshua) qui signifie « Dieu sauve ».
« Ieshoua » existait dans l'Ancien Testament (un père de famille lévite) mais ce prénom était compris dans le sens où « Il » est « Dieu ». Dès lors que les chrétiens comprennent que « Il » est « Ieshoua » lui-même, il n'est plus possible d'utiliser ce nom en dehors du christianisme.
Les écrits postchrétiens de Qumrân n'utilisent donc pas le nom « Jésus, Ieshoua » (pas plus que le Talmud, qui dit « Ieshu »[1] (et non pas « Ieshoua »), et pas plus que le Coran, qui dit « Issa »)[2].
Pour le courant messianiste, ce n'est que lors de sa seconde venue que le messie sauvera efficacement...
Une réinterprétation de l'Incarnation :
L'hymne de saint Paul aux Philippiens (Ph 2, 6-7) dit que « le Christ Jésus subsistant en forme de Dieu... a pris la forme d'un serviteur... et a été reconnu pour homme par son aspect. »
Le Testament de Zabulon (9, 8) dit simplement : « Et vous verrez Dieu sous l'aspect d'un homme » : l'enracinement trinitaire disparaît[3].
Même réduction dans l'Apocalypse d'Elie (1, 7) : « Dieu s'est transformé en homme ».
Une réinterprétation de la crucifixion :
« tes fils porteront les mains sur lui pour l'empaler » (testament de Lévi 4, 4). Jamais un disciple du Christ n'utiliserait un langage aussi scandaleux pour parler de la crucifixion[4].
Plus loin dans le testament de Lévi (16, 3-4), il est dit que « vous vous jetterez sur lui le tuer sans savoir s'il se relèverait [...] jusqu'à ce qu'il vous visite à nouveau et qu'ému de pitié il vous accueille dans la foi et l'eau ». Il n'est pas dit qu'il meure. Il n'est pas dit que le salut vienne de sa mort. Un chrétien aurait dit qu'il a donné sa vie pour le salut.
Une réinterprétation de la Parousie :
Nulle part dans les écrits de Qumrân, il n'est question de la mort du messie,... si ce n'est dans sa seconde venue. Le 4° livre d'Esdras enseigne que le messie de l'avenir établira le royaume de Dieu et mourra au bout de 400 ans de règne. Autrement dit, sur la croix, il n'est pas mort, il a été enlevé aux cieux, mis en réserve, et il revient dans la seconde venue où cette fois il parvient à établir son règne, un règne tout à fait terrestre, à coup d'extermination, et un règne éphémère. Ensuite, Dieu détruit la terre pour pouvoir créer le Paradis.
Jamais des chrétiens n'auraient écrit cela.
[1] Talmud de Babylone, Sanhédrin 43a ; Shabbat 104b.
[2] Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012, p. 171-177
[3] Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012, p. 190
[4] Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012, p. 193
Synthèse par F. Breynaert à partir de Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012.