À une vingtaine de kilomètres au nord de Minya, en Moyenne Égypte, le « Rocher » de Gabal al-Tayr, sur la rive orientale du Nil, est le site d’un monastère marial copte orthodoxe renommé (le Deir Gabal al-Tayr ou Deir al-Baqara). Ce lieu est appelé aussi Gabal al-Kaff (la « montagne de la paume », car Jésus aurait marqué un roc de l’empreinte de sa main) ou encore, dès le X° siècle, Gabal Bouqihr.
Considérée comme l'une des plus belles d'Égypte, l'église de la Vierge Marie est taillée dans la roche, elle est constituée d'un seul bloc depuis les fondations jusqu'aux colonnes et à l'abside. Une inscription sur la porte indique qu'elle a été voulue par Hélène, la mère de l'empereur Constantin.
Elle est difficile à atteindre : il faut traverser le Nil de Bayahu à Gabal al-Tayr en felouque et la traversée peut prendre jusqu'à deux heures en fonction du vent. Il faut ensuite gravir 166 marches jusqu'à une falaise pour atteindre enfin l'église, au sommet d’un rocher d’où la vue est splendide. Des milliers d’oiseaux nichent dans les falaises, ce qui justifie le nom de ce lieu: Gabal al-Tayr (montagne aux oiseaux). En cette église, les Chrétiens coptes locaux font baptiser leurs enfants. Un très grand bâtiment a donc été récemment été construit à côté de l'église à cet effet, qui contient sept fonts baptismaux.
Les habitants du village sont des coptes orthodoxes, ils montrent une huche et des ustensiles de cuisine utilisés par la Vierge Marie lors de son étape en ce lieu[1].
Le patriarche d’Alexandrie Timothée II (dit aussi Timothée Aelure, patriarche de 457 à 460 et de 475 à 477), en route pour aller consacrer l’église de Pachôme à Pboou, aurait fait arrêter son bateau au Rocher. Un vieil anachorète vint lui prédire qu’il y édifierait un sanctuaire dédié à la Vierge Marie.
Or, Timothée vit peu de temps après, dans son sommeil, la Vierge Marie lui apparaître.
Prenant très longuement la parole, elle lui raconta son enfance et sa vie jusqu’à la naissance de Jésus, les épisodes de la fuite de la Sainte Famille en Égypte, et notamment leur passage au Rocher. Elle lui demanda enfin de construire une église en cet endroit. [2]
Nous connaissons ces traditions grâce à l’Homélie du Rocher, conservée
- en copte par quelques fragments des X°-XI° siècles (mais il s’agit manifestement de copies de modèles antérieurs),
- en arabe et en éthiopien par plusieurs manuscrits qui ne sont pas antérieurs au XVIII° siècle.
Cette homélie a de forts accents anti-chalcédoniens. De toute évidence, ce texte est inspiré par la fameuse Vision de Théophile[2] (voir Deir al-Mouharraq) et, comme elle, a probablement été forgé pour promouvoir la sainteté du Gabal al-Tayr et le pèlerinage qui s’y était développé. Le rédacteur du texte évoque d’ailleurs cette dépendance, puisqu’il fait dire à la Vierge Marie : «Aux choses que je t’ai révélées je n’ai rien à ajouter, et je les ai déjà expliquées à ton père Théophile.»[3]
L'église de la Sainte Vierge est le but d'un pèlerinage qui attire chaque année des dizaines de milliers de pèlerins qui viennent en felouques, trains, bus et autres moyens de transport de toute l' Égypte pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, qui est fêtée le 16 masari, (22 août), le 21 toubah (29 janvier), jour anniversaire de la mort de la Vierge Marie, ainsi que le jour de l’Ascension.
Sources :
- Attilio GALLI, Madre della Chiesa dei Cinque continenti. Udine : Ed. Segno, 1997, p. 664.
-Christian CANNUYER, « Gabal al-Tayr», In: René Laurentin et Patrick Sbalchiero. Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge : inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire. Paris: Fayard, 2007.
-G. Viaud, « Les pèlerinages coptes en Égypte », Bibliothèque d’études coptes, t. XV, Le Caire, 1979, 46-47. Ramez Boutros achève une thèse de doctorat sur le Rocher de Gabal al-Tayr.
-Jimmy Dunn. The Church of the Holy Virgin at Gabal al-Tayr near Minya, en ligne
-Sur La Vision de Théophile, dans l’article Deir al-Mouharraq de l’Encyclopédie mariale
-Sur la Vierge Marie chez les Coptes, dans l’Encyclopédie mariale
-Sur la liturgie copte et éthiopienne, dans l’Encyclopédie mariale
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