Il y a deux hypothèses concernant les ancêtres de Marie : la première que Marie est de la maison de David ; la seconde que Marie est de la tribu sacerdotale de Lévi, ce qui donne à Jésus une ascendance sacerdotale par sa mère.
L’Écriture souligne avec force que Jésus est de la maison de David. Il est donc d’ascendance royale. De qui tient-il cette ascendance ? D’après les évangiles c’est Joseph qui donne à son fils adoptif Jésus la filiation davidique et royale. Ce sujet est de grande importance puisque le Messie doit être "fils de David".
Une première hypothèse, la plus simple, voudrait que Marie, épouse de Joseph, fût, elle aussi, d’ascendance davidique. En ce cas Jésus serait incontestablement
« issu de la lignée de David selon la chair » (Rom 1,3).
N’est-il pas assez probable que dans une civilisation où l’on se mariait volontiers entre personnes de la même tribu, voire du même clan, Joseph ait choisi pour épouse une fille de la même lignée davidique que lui ?
« Choisis une femme du sang de tes pères, dit Tobie à son fils, ne prends pas une femme étrangère à la tribu de ton père » (Tb 4,12).
Les évangiles apocryphes, le si vénérable Protévangile de Jacques notamment, affirment sans ambages que Marie est de la maison de David. Bède le Vénérable (+735) ne pense pas autrement et enseigne que Marie était de la maison de David aussi bien que Joseph
« Car aux termes de la Loi chacun devait prendre épouse dans sa tribu ou dans sa famille ».
Mais cette hypothèse se heurte à une difficulté : si Marie est fille de David, pourquoi les évangiles canoniques ne le mentionnent-ils pas clairement ? Pourquoi se privent-ils d’un argument qui abonde dans leur sens ? Leur souci de souligner la messianité de Jésus et la conception virginale devait les amener tout naturellement à mettre en relief la filiation davidique de la Vierge. Comment dès lors comprendre le silence des évangiles sur ce sujet ? La loi du mariage endogame était-elle assez évidente pour qu’il n’y ait-point besoin de mentionner la tribu de l’épouse une fois citée celle du mari ? Ce n'est pas sûr. D’ailleurs nous lisons au livre de l’Exode qu’Aaron lui-même avait pris dans la tribu de Juda une épouse dont le prénom était précisément Élisabeth ! (Ex 6,23) Preuve que les mariages exogames étaient également possibles.
Le silence des évangélistes jette donc un doute sur notre première hypothèse. C’est alors qu’il convient d’examiner la deuxième hypothèse. La Vierge ne serait pas de la maison royale de David (et donc de la tribu de Juda) mais plutôt de la tribu sacerdotale de Lévi. En effet Marie est la parente (Luc 1,36) d’Élisabeth qui est fille d’Aaron (Luc 1,5). Ne doit-on pas envisager alors que Marie est elle aussi de la tribu de Lévi, voire elle-même fille d’Aaron? Saint Ephrem (+373) n’hésitait pas à l’affirmer :
« Les paroles de l’ange à Marie : "Élisabeth, ta parente", présentent Marie comme étant de la maison de Lévi ».[1]
En ce cas Jésus lui-même serait d’ascendance sacerdotale par sa mère. Il unirait en sa personne les deux lignes de l’attente messianique : sacerdotale et royale. Il serait fils de David par Joseph et fils d’Aaron par sa mère. Il serait Roi et Prêtre tout à la fois.
Or, autrefois, la tradition juive, représentée par les Esséniens notamment, attendait non pas un mais bien deux messies. Le Messie royal devait venir d’abord comme descendant de David et chef de guerre eschatologique assurant la paix pour Israël en terrassant les ennemis de Dieu. Puis ce Messie Royal s’effacerait une fois sa mission de pacification accomplie, laissant la place au Messie sacerdotal, fils d’Aaron revêtu ultimement de la primauté. On trouve une trace de ce dualisme messianique dans plusieurs textes bibliques[2] . Certains écrits juifs pour fondre ces deux lignées messianiques affirment que l’unique Messie sera à la fois Roi et Prêtre, à la fois de la tribu de Juda et de celle de Lévi[3].
Ce serait le cas de Jésus si l’on admet l’hypothèse d’une ascendance lévitique pour Marie. Jésus n’a certes pas besoin de cela pour être le Grand Roi et le Grand Prêtre que notre foi confesse (cf. He3,1) mais cela conviendrait à sa messianité. Reste qu’il est impossible de trancher la question de l’appartenance de la Vierge à telle ou telle tribu. Même saint Luc qui se plait pourtant à souligner l’enracinement judaïque des personnages (Élisabeth fille d’Aaron, Joseph, fils de David, Anne fille de Phanuel de la tribu d’Aser…) ne nous dit rien à ce sujet.
Peut-être faut-il voir une signification spirituelle à ce silence ? Marie n’est d’aucune tribu en particulier parce qu’elle est la Mère de tous les vivants ; elle n’est ni de la maison de David ni de la maison de Lévi parce qu’elle est tout simplement de la maison de Dieu[4] . Aussi ne reçoit-elle pas de bénédiction particulière comme chacune des 12 tribus (cf Genèse 49). Elle est simplement « bénie entre toutes les femmes » ...
[1] Saint Ephrem, Commentaire du Diatessaron n°25 Voir Saint Grégoire de Naziance : « Vous vous demanderez peut-être : Comment le Christ descend-il de David ? Marie est évidemment de la famille d’Aaron puisqu’au dire de l’ange elle est la cousine d’Elisabeth. Il faut voir ici l’effet d’un dessein providentiel de Dieu, qui voulait unir le sang royal à la race sacerdotale, afin que Jésus-Christ qui est à la fois prêtre et roi, eût aussi pour ancêtre selon la chair, les prêtres et les rois » (cité in Catena Aurea p.40). En sens inverse Saint Augustin : « Puisque le même évangéliste nous dit que l'époux de Marie était Joseph, que la mère du Christ était vierge, et que le Christ est de la descendance de David, que reste-t-il à croire, sinon que Marie n'était pas étrangère à la parenté de David».
[2] « Ce sont les deux Oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre. » (Zacharie (BJ) 4,14).
[3] Voir le Testament des Douze patriarches (Sim.7,2)
[4] cf Ephésiens 2,19 : « Ainsi donc, vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. »
-sur la tribu dont Marie est originaire, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Anne et Joachim, les parents et la conception de Marie, dans l’Encyclopédie mariale
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