Une anaphore très ancienne[1]
L'anaphore « Charar » est remarquablement proche de l'anaphore d'Addaï et Mari de l'Eglise Syro-orientale (chaldéenne), nestorienne après l'an 431 et dès lors séparée, sans plus de relation avec les autres jusqu'aux accords oecuméniques récents. Ce fait donne à penser que les deux anaphores ont une origine commune datant de l'Eglise indivise d'Antioche (III° siècle ?).
Ensuite, chacune a ajouté sa note propre, l'anaphore « Charar », dans « les mémentos » fait explicitement mention des « quatre purs et saints conciles œcuméniques », donc Nicée (325), Constantinople (381), Ephèse (431) et Chalcédoine (451).
Un document dit que l'anaphore « Charar » fut proclamée par saint Pierre lors de la transmigration de la Vierge Marie[2], ce n'est pas à prendre à la lettre, c'est plutôt une manière de recommander l'usage de l'anaphore pour la fête de la Dormition.
L'ordo :
La préparation des Oblats.
Le prêtre verse le vin dans le « calice du salut ». Il ajoute l'eau « symbole de l'eau qui a jailli pour nous du flanc de ton Fils bien-aimé ». Et il prit pour lui-même.
L'office de pénitence.
L'office de pénitence comporte le psaume 50 et l'hymne du pardon (Sedro).
L'hymne du pardon (Sedro) est remarquable : après avoir fait mémoire de « l'oblation » du Seigneur qui nous « délivré des mains du péché », l'hymne fait mémoire des « justes qui ont porté » le Seigneur et préfiguré son offrande :
Abel, Noé, Abraham, Jacob, Moïse, Aaron, Esdras, Gédéon, Elie, Josias, Ezéchiel, Jérémie, Job, Zacharie.
L'histoire de l'Ancien Testament se trouve résumée en quelques couplets.
Le Trisagion et les lectures.
[Au moment du Trisagion, l'Ancien Testament est évoqué comme une typologie du Christ : ]
« Celui que Moïse vit dans le Buisson et Ezéchiel sur le Char, le voici posé sur l'autel du sanctuaire : les nations le reçoivent et vivent.
Celui que les Chérubins et les Séraphins servent dans une immense crainte, le voici posé sur l'autel du sanctuaire : les nations le reçoivent et vivent
O Dieu qui agréa dans ta miséricorde les offrandes des anciens justes, agrée dans la même miséricorde notre offrande, et que nos prières te soient agréables ».
[Lectures... homélie].
La liturgie eucharistique.
I Pré-anaphore.
[La pré-anaphore comporte les oraisons de la Paix, et les mementos].
« Les Oraisons de la Paix »
Paix lumineuse que les anges du ciel ont transmise aux hommes de la terre avec de glorieux cantiques de reconnaissance, et par laquelle l'Eglise fidèle s'est enrichie et les yeux de la conscience de ses enfants furent illuminés.
Paix qui fut envoyée à la Vierge , la Mère de Dieu, Marie, par l'intermédiaire de l'ange Gabriel qui lui dit « Paix à toi, le Seigneur est avec toi, de toi naîtra le Sauveur des enfants d'Adam.
Paix qui réconcilia le haut et le bas et que les anges sont venus proclamer sur terre en disant : Gloire à Dieu dans les hauteurs, et sur terre paix et bonne espérance pour les hommes.
Paix chargée de vie que notre Seigneur donna à ses disciples dans le saint Cénacle de Sion en leur disant : Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, la paix du Père qui m'a envoyé, je la laisse parmi vous,
que cette paix qui fut avec eux et parmi eux soit, ô notre Seigneur, avec nous et parmi nous et tous les jours de notre vie, et que, dans la compassion de ta Divinité, Seigneur, tu pardonnes et effaces tout ce qui nous fait commettre, volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, offense et mal, les uns à l'égard des autres, car tu es le sel victorieux ; et que tes miséricordes, Seigneur de la concorde et de la paix, soient avec nous tous ; gloire à toi dans les siècle des siècles.[3]
Les mementos font mémoire :
- du Christ depuis l'Annonciation jusqu'à son Ascension ("sa session à la droite de son Envoyeur dans les hauteurs sublimes"),
- de la Vierge Marie ("Dame Marie, la Vierge qui l'a enfanté")
- de Jean Baptiste, des saints, des patriarches etc.
II. Anaphore[4].
[L'anaphore proprement dite comporte une invocation trinitaire :]
Actions de grâces au Père (extraits)
Le célébrant commence en adorant les bras en croix et dit :
Devant Dieu qui est plus vivant que les mondes et qui est plus ancien que les âges [...] Etc.
[et il prie à diverses intentions.]
Le diacre apporte l'encens, le célébrant impose l'encens et dit :
Que par ton amour, Seigneur de tous, notre prière soit agrée devant toi, et que nous soyons nous-même des encens suaves, parla pureté de nos pensées ; que le feu de ton amour véritable répande son parfum dans nos membres et que la senteur de notre imploration soir douce à ton essence [...] Etc.
Mémorial du Fils (extraits).
Nous faisons mémoire de ta passion, Seigneur, comme tu nous l'as appris [...].
Ce pain est mon corps [...] Prenez, mangez-en, et il vous sera pour la vie à jamais. [...] ceci est le calice de mon sang, nouvelle alliance, qui est répandu pour beaucoup en vue de la rémission des péchés [...] »
Nous nous prosternons devant toi, Fils unique du Père, premier-né de l'Eternité, Agneau spirituel qui es descendu des hauteurs dans les profondeurs pour être immolé en vue de la purification de tous les hommes [...]
Le célébrant invoque ensuite la mère de Dieu en disant secrètement :
Mère de notre Seigneur Jésus-Christ, intercède pour moi auprès de ton Fils unique qui est né de toi, afin que, grâce à tes supplications en ma faveur, ô Mère, il pardonne mes fautes et péchés et accepte de mes pauvres et pécheresses mains ce sacrifice offert par mon indignité sur le saint autel de saint N. [...]
Invocation de l'Esprit (extraits).
Le célébrant se met à genou et dit :
Exauce-moi, Seigneur. Exauce-moi, Seigneur. Exauce-moi, Seigneur, et que ton esprit vivant et saint se pose et se repose sur cette offrande de tes serviteurs, et qu'elle soit, à ceux qui la reçoivent, pour le pardon des fautes, la rémission des péchés, la bienheureuse résurrection d'entre les morts et la vie nouvelle dans le royaume du ciel à jamais.
N.B. Cette invocation de l'Esprit Saint (épiclèse dirions-nous) est presque identique à celle que l'on trouve dans l'anaphore d'Addai et Mari, datée du III° siècle, dans l'Eglise chaldéenne.
III. La communion Le plus ancien Ordo et l'anaphore Charar
[Les prières de la communion soulignent la très grande proximité de Dieu, nous lisons par exemple : ]
Gloire au Père qui a consacré. Gloire au Fils qui a pardonné. Gloire à l'Esprit qui a plané : Commencement, perfection et Achèvement de tout ce qui est et sera au ciel et sur la terre ; lui qui, dans sa miséricorde, s'est mû, et dans sa pitié, a daigné venir consacrer notre offrande, et marquer l'Eglise et ses enfants de la grande puissance de la croix, qu'il pose la droite de sa miséricorde sur cette localité et sur tous ses habitants fidèles [...].[5].
IV. La prière d'action de grâce
Purifie, Seigneur, les bouches, lèvres et les mains qui ont porté ton Corps ; sanctifie les corps, les âmes et les esprits de qui ont reçu ton Sang ; clarifie leurs cœurs, leurs consciences, leurs esprits, leurs sens et leurs membres, marque-les de ta croix et instaure en eux ta puissance cachée [...].[6].
[1] Michel HAYEK, Liturgie maronite, histoire et textes eucharistiques, Mame, Paris 1964, p. 80-82
[2] Par. Syr. 71, 14a.
[3] Ibid., p. 302-303
[4] Ibid., p. 306-312
[5] Ibid., p. 315
[6] Ibid., p. 317-318
Extraits par Françoise Breynaert