Puisque c'est dans l'évangile de Luc (Lc 1, 48) que Marie a le titre d'humble servante il convient de chercher comment saint Luc (évangile et livre des Actes) comprend l'humilité.
L'humilité, c'est une position seconde devant Dieu :
La Vierge Marie exprime sa propre humilité en disant :
« Il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante ».
(Luc 1, 48)
Il s'agit d'être conscient d'occuper une position seconde. C'est Dieu qui est en premier.
Se reconnaître en position seconde n'est pas la source d'une aliénation, la Vierge Marie témoigne en effet aussi :
« Le Puissant fit pour moi des merveilles »
(Lc 1, 49)
L'humilité, c'est l'esprit filial :
« Une pensée vint à l'esprit [des disciples] : qui pouvait bien être le plus grand d'entre eux ? Mais Jésus, sachant ce qui se discutait dans leur cœur, prit un petit enfant, le plaça près de lui, et leur dit: "Quiconque accueille ce petit enfant à cause de mon nom, c'est moi qu'il accueille, et quiconque m'accueille accueille Celui qui m'a envoyé; car celui qui est le plus petit parmi vous tous, c'est celui-là qui est grand. »
(Luc 9, 46-48)
L'enfant exprime l'esprit filial.
Le Père est le grand secret de Jésus.
La prière du Notre Père est enseignée au chapitre 11 de saint Luc. Et le chapitre suivant développe encore ce secret de vie.
Nous avons besoin de sécurité, de pain, de maison, et d'honneur, et "votre Père sait que vous en avez besoin". (Luc 12, 30) C'est la relation confiante à Dieu le Père qui nous donne non seulement de vivre le partage, mais aussi de vivre l'humilité.
L'humilité, c'est de ne pas rechercher l'honneur :
« Lorsque quelqu'un t'invite à un repas de noces, ne va pas t'étendre sur le premier divan, de peur qu'un plus digne que toi n'ait été invité par ton hôte, et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire: Cède-lui la place. Et alors tu devrais, plein de confusion, aller occuper la dernière place.
Au contraire, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place, de façon qu'à son arrivée celui qui t'a invité te dise: Mon ami, monte plus haut. »
(Luc 14, 8-10)
Dans cette parabole, la recherche de la place d'honneur (« le premier divan ») conduit à la honte. Le mépris des honneurs (prendre la dernière place) conduit au contraire à trouver sa juste place (mon ami monte plus haut).
Le roi Hérode était honoré et pourtant sa vie était vaine et sans poids, il n'a rien laissé après lui. La mort de Jésus en croix en dehors des murs de Jérusalem est une mort déshonorante, mais elle est glorieuse et féconde. L'honneur ne mesure pas le réel. L'humilité nous enseigne à rejoindre le réel, comme pourrions nous dire, d'avoir les pieds sur terre, sur l'humus.
L'humilité, c'est le service :
« Il s'éleva aussi entre eux une contestation: lequel d'entre eux pouvait être tenu pour le plus grand? Il leur dit: "Les rois des nations dominent sur eux, et ceux qui exercent le pouvoir sur eux se font appeler Bienfaiteurs. Mais pour vous, il n'en va pas ainsi. Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ! »
(Luc 22, 24-27)
Nous retrouvons ici les précédentes dimensions de l'humilité :
Le service nous situe en position seconde : nous servons Dieu, nous servons Dieu en nos frères, nous dépendons de Dieu et de nos frères.
Le service n'est pas une apparence, un honneur, c'est un travail réel, humble (cf. humus).
A tout cela, le service ajoute une dimension constructive, donc un sens.L'humilité n'est pas la molle mais courageuse :
Dans le livre des Actes, quand saint Paul fait ses adieux aux anciens d'Ephèse, il dit avoir agi « en toute humilité » (Actes 20, 19). Le mot grec utilisé est tapeinophronusès, et signifie avoir le sens de sa petitesse, modestie.
Cette humilité n'est pas la mollesse :
« Je n'ai cessé de reprendre avec larmes chacun d'entre vous. » (Actes 20, 31).
Comme pour le Christ et sa mère, cette humilité est associée aux épreuves supportées pour la vérité :
« Vous savez vous-mêmes de quelle façon, depuis le premier jour où j'ai mis le pied en Asie, je n'ai cessé de me comporter avec vous, servant le Seigneur en toute humilité, dans les larmes et au milieu des épreuves. » (Actes 20, 18-19)
L'humilité, à travers le mystère pascal, est principe de salut.
« [Jésus-Christ] tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel » (Hébreux 5, 8-9)
L'humilité c'est reconnaître que l'on est pécheur et que Jésus est le roi, le Rédempteur :
Par exemple, un des deux malfaiteurs en croix dit à l'autre :
"Pour nous, c'est justice, nous payons nos actes; mais lui n'a rien fait de mal." 41 Et il disait: "Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume." (Luc 23, 40-41)
Et Jésus lui ouvre les portes du Paradis.
Françoise Breynaert