Thérèse a reçu à 14 ans une grâce eucharistique, qui a révélé en elle un amour d'épouse pour le Christ et un amour de mère pour les pécheurs. Le criminel « Pranzini » devient ainsi, selon ce que lui a révélé Jésus, son « premier enfant ».
Thérèse de Lisieux est devenue "épouse et mère" à 14 ans, avant son entrée au Carmel. Dans son cœur féminin, la charité fait vibrer ces deux "cordes" les plus fortes et les plus belles que sont l'amour sponsal [= amour d'épouse] et l'amour maternel: amour sponsal de Jésus et amour maternel du prochain. Cette grâce est celle d'un nouveau regard vers Jésus Crucifié et vers le prochain, le plus pauvre pécheur pour lequel Jésus a versé son Sang. C'est une grâce eucharistique, reçue pendant la messe dominicale, à travers une simple image, mais qui devient pour Thérèse une véritable icône en lui faisant voir le Mystère de la Rédemption:
"Un Dimanche en regardant une photographie de Notre-Seigneur en Croix, je fus frappée par le sang qui tombait d'une de ses mains Divines, j'éprouvai une grande peine en pensant que ce sang tombait à terre sans que personne ne s'empresse de le recueillir, et je résolus de me tenir en esprit au pied de la Croix pour recevoir la Divine rosée qui en découlait, comprenant qu'il me faudrait ensuite la répandre sur les âmes... Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : " J'ai soif ! " Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive... Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes" [1]
Dans sa simplicité, ce texte éclaire profondément le sens de la co-rédemption et de la médiation de Marie et de l'Église. Il y a une vraie collaboration de la créature, comme épouse et mère, à l'œuvre accomplie par Jésus, l'unique Sauveur, l'unique Rédempteur, l'unique Médiateur. Cette collaboration ne consiste pas à ajouter quoi que ce soit au Sang de Jésus, mais à communiquer ce Sang aux hommes de tous les temps et de tous les pays.
Thérèse se tient près de la Croix comme l'épouse qui veut donner à boire à son "Bien-Aimé", et c'est alors qu'elle devient mère par la fécondité virginale du Sang Rédempteur qu'elle recueille. Elle raconte aussitôt comment Jésus lui donne comme "son premier enfant" le criminel Pranzini (Ms A 45v-46v).
C'est une des pages les plus belles et les plus fortes sur l'espérance en la Miséricorde.
Ce criminel condamné à mort est sur le point de mourir dans l'impénitence. Thérèse a conscience de l'extrême danger où il se trouve, mais en même temps, elle ne peut se résigner à la perte de ce frère pour qui le Christ est mort. Elle écrit:
"Je voulus à tout prix l'empêcher de tomber en enfer". L'unique prix est celui du Sang de Jésus. La jeune fille fait célébrer la Messe pour lui. Elle exprime la certitude de son salut de façon absolue: "même s'il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de repentir, tant j'avais de confiance en la Miséricorde infinie de Jésus" [2].
Avant d'être exécuté, Pranzini embrassera le Crucifix que lui présente l'aumônier de la prison. Ce simple signe ramène Thérèse à son point de départ, qui était la contemplation de Jésus Crucifié:
"N'était-ce pas devant les plaies de Jésus, en voyant couler son sang Divin que la soif des âmes était entrée dans mon cœur ? Je voulais leur donner à boire ce sang immaculé qui devait les purifier de leurs souillures, et les lèvres de " mon premier enfant " allèrent se coller sur les plaies sacrées !!!... Quelle réponse ineffablement douce !... Ah ! Depuis cette grâce unique, mon désir de sauver les âmes grandit chaque jour, il me semblait entendre Jésus me dire comme à la samaritaine : " Donne-moi à boire ! " C'était un véritable échange d'amour ; aux âmes je donnais le sang de Jésus, à Jésus j'offrais ces mêmes âmes rafraîchies par sa rosée Divine" ([3]).
En tout cela, Thérèse est singulièrement proche de Marie, Mère de tous les hommes rachetés par le sang de Jésus, Mère de Miséricorde et Refuge des pécheurs.
Source :
Père Lethel, carme. Extraits de "La coopération de Marie et de l'Église au mystère de la Rédemption, à la lumière de Thérèse de Lisieux" .
[1] Ms A 45v.
[2] Ms A 45v-46v
[3] Ms A 46v
sur Ste Thérèse de Lisieux (1873-1897), Docteur de l’Église, dans l’Encyclopédie mariale