Les deux Mères des vivants (Dom Guéranger)

Les deux Mères des vivants

Considérons les rapports de Marie avec l’Église de son fils ; cette vue nous découvrira de nouveaux aspects sur ces deux Mères (Marie et l'Eglise) du genre humain.

Marie, représentante du genre humain

Avant que l’Homme-Dieu entrât en possession de l’Église qui devait être inaugurée devant toutes les nations au jour de la Pentecôte, il avait préludé à cette possession royale en celle qui mérite par dessus tout d’être appelée la Mère et la représentante du genre humain.

Marie, Mère des vivants

Formée du plus noble sang de notre race, du sang de David, d’Abraham et de Sem, pure dans son origine comme le furent nos premiers parents au sortir des mains de leur Créateur, destinée au sort le plus sublime auquel Dieu puisse élever une simple créature, Marie fut sur la terre l’héritage et la coopératrice du Verbe incarné, la Mère des vivants.

Son rôle de Mère de Dieu dépasse sans doute en dignité toutes ses grandeurs ; mais nous ne devons pas pour cela fermer les yeux aux autres merveilles qui brillent en elle.

Marie tint la place de l’Église chrétienne, avant que celle-ci fût née

Marie fut la première créature qui répondit pleinement aux vues du Fils de Dieu descendu du ciel. En elle il trouva la foi la plus vive, l’espérance la plus ferme, l’amour le plus ardent. Jamais la nature humaine complétée par la grâce n’avait offert à Dieu un objet de possession aussi digne de lui.

En attendant qu’il célébrât son union avec le genre humain en qualité de Pasteur, il fut le Pasteur de cette unique brebis, dont les mérites et la dignité dépassent d’ailleurs ceux de l’humanité toute entière, quand bien même celle-ci se fût montrée en tout et toujours fidèle à Dieu. Marie tint donc la place de l’Église chrétienne, avant que celle-ci fût née.

Chez elle le Fils de Dieu trouva non seulement une Mère, mais l’adoratrice de sa divinité dès le premier instant de l’Incarnation. Nous avons vu, au Samedi saint, comment la foi de Marie survécut à l’épreuve du Calvaire et du sépulcre, comment cette foi, qui ne vacilla pas un instant, conserva sur la terre la lumière qui ne devait plus s’éteindre, et qui bientôt allait être confiée à l’Église collective chargée de conquérir toutes les nations au divin Pasteur.

Dans une même oblation avec son Époux divin

Il n’entrait pas dans les plans du Fils de Dieu que sa Mère exerçât l’apostolat extérieur, au delà du moins d’une certaine limite; d’ailleurs Il ne devait pas la laisser ici-bas jusqu’à la fin des temps ; mais de même que, depuis son Ascension glorieuse, il associa son Église à tout ce qu’il opère pour ses élus, de même voulut-il, dans sa vie mortelle, que Marie entrât en partage avec lui dans toutes les œuvres qu’il accomplissait pour le salut du genre humain.

Celle dont le consentement formel avait été requis avant que le Verbe éternel se fît homme en elle, se retrouva, comme nous l’avons vu, au pied de la croix, afin d’offrir comme créature celui qui s’offrait comme Dieu Rédempteur.

Le sacrifice de la Mère se confondit dans le sacrifice du fils, qui l’éleva à un degré de mérite que notre pensée mortelle ne saurait pénétrer. Ainsi, quoique dans une mesure inférieure, l’Église s’unit-elle dans une même oblation avec son Époux divin dans le sacrifice de l’autel.

La Mère des hommes accueille la mère future : l'Eglise

En attendant que la maternité de l’Église à naître fût proclamée, Marie reçut du haut de la croix l’investiture de Mère des hommes ; et lorsque la lance vint ouvrir le côté de Jésus, pour donner passage à l’Église qui procède de l’eau et du sang de la rédemption, Marie était là debout pour accueillir dans ses bras cette "mère" future qu’elle avait représentée avec tant de plénitude jusqu’alors.


Dom Guéranger, "Notre Dame dans l'année liturgique", ed. de Solesmes