La foi chrétienne n'est pas opposée à la théorie de l'Evolution, mais elle est opposée à l'idéologie de l'évolutionnisme. Nous suivons l'enseignement du magistère.
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Dans le dialogue avec la science, il est utile d'observer que les conditions qui rendent la vie possible ne sont pas - et ne peuvent pas être - les causes créatrices de la vie.
Ceci dit, la théorie de l'Evolution est conciliable avec la Bible qui dit que la mer et la terre produisent des êtres vivants :
« Dieu dit: "Que les eaux grouillent d'un grouillement d'êtres vivants..." Dieu dit : "Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce: bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce" et il en fut ainsi. » (Gn 1, 20... 24).
Autrement dit, les êtres vivants ont une cause seconde, ils ne sont pas tous directement créés par Dieu.
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Darwin, le père de la théorie de l'Evolution, reconnaissait la limite de sa théorie :
« Pourquoi donc chaque formation géologique, dans chacune des couches qui la compose, ne regarde-t-elle pas de formes intermédiaires ? La géologie ne révèle assurément las une série organique bien graduée, et c'est en cela que consiste l'objection la plus sérieuse qu'on puisse faire à ma théorie. »[1]
Autrement dit, le fait qu'il y ait une évolution des formes du vivant n'explique pas tout : l'absence de formes intermédiaires suggère aussi une création continue, des créations intermédiaires de quelque chose de neuf. Un scientifique de la théorie de l'Evolution peut donc aussi accueillir la foi chrétienne qui croit que chaque créature a sa nature qui lui est propre, son agir propre.
Selon Ulrich Lüke, la « création continue » pourrait se comprendre aussi comme une mission d'entretien, d'amélioration, pour réparer, voire « réajuster » sa Création[2]. Et Léo Scheffczyk (†2005) explique qu'ainsi la foi en Dieu le Créateur explique la théorie de l'évolution : Dieu fait avancer le monde, pas à pas, selon son dessein, jusqu'à l'émergence de l'homme.
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L'évolutionnisme est une idéologie qui durcit la théorie de l'Evolution, elle voit tout comme un instantané dans le cours du temps. Pour l'idéologie de l'évolutionnisme, les espèces (l'espère humaine aussi) sont passagères (et sans valeur propre).
La théorie de l'évolutionnisme (à distinguer de la théorie scientifique de l'Evolution) se rapproche donc de certaines traditions philosophiques étrangères au christianisme et pour lesquelles il faudrait que tout soit Un (monisme), ou bien que tout émane de Dieu, ou que tout soit Dieu (panthéisme), mais toutes ces visions privent d'autonomie les réalités du monde, et finalement privent l'homme d'autonomie (et de dignité).
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La foi biblique en la création est inséparable de la foi en un Dieu qui fait Alliance (cf. CEC 288). Ce qui signifie que Dieu crée des natures qui lui sont différentes et qui sont appelées à se développer pour elles-mêmes, en Alliance avec Dieu. Si la nature de chaque créature est appelée à se développer pour elle-même, il y a assurément des essais et des luttes, des synergies et un gaspillage démesuré (par exemple : les tonnes de fruits ou de graines qu'un arbre ou une plante fabriquent, alors qu'une seule semence assurera sa reproduction), mais cette surproduction, avec tout ce qu'elle a d'imparfait et d'éphémère, est « un reflet de la dynamique de vie inépuisable du Créateur »[3].
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Toutes ces considérations expliquent que dans sa Lettre encyclique Humani generis (1950), Pie XII autorise les fils de l'Eglise à faire des recherches sur la « doctrine de l'évolution », mais cela d'une manière « prudente », « prête à se soumettre au jugement de l'Eglise ».
La raison de cette prudence vient des risques philosophiques liés à l'évolutionnisme :
Pie XII évoque « le postulat moniste et panthéiste d'un unique tout fatalement soumis à l'évolution continue. Or, très précisément, c'est de ce postulat que se servent les partisans du communisme pour faire triompher et propager leur matérialisme dialectique dans le but d'arracher des âmes toute idée de Dieu. »
Pie XII évoque aussi une pensée qui « renverse les fondements de toute vérité et de toute loi absolue dans le domaine de la philosophie et plus encore dans celui des dogmes chrétiens. »[4]
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D'un point de vue marial, on ne dira pas que la Vierge Marie est le fruit de l'Evolution : sa sainteté n'est pas le fruit d'un développement organique, biologique.
On dira que Marie est la fille de Sion, ou la fille de David, la fleur de Galilée, etc. Elle est le fruit d'une préparation et d'une maturation où la liberté humaine a joué sa responsabilité.
[1] DARWIN, De l'origine des espèces, Stuttgart, 1963, p. 438. Cité par Cardinal Christoph SCHÖNBORN Hasard ou plan de Dieu ? Cerf, Paris 2008, p. 56
[2] Cardinal Christoph SCHÖNBORN, Hasard ou plan de Dieu ? Cerf, Paris 2008, p.71-72
[3] Cardinal Christoph SCHÖNBORN, Hasard ou plan de Dieu ? Cerf, Paris 2008, p. 89
[4] PIE XII, Encyclique Humani generis, 1950
Le Cardinal Christoph SCHÖNBORN, dominicain, primat d'Autriche,
membre de la commission théologique internationale,
il a été l'un des maîtres d'oeuvre du catéchisme de l'Eglise catholique.
Synthèse Françoise Breynaert