[...] Dans les difficultés et les épreuves de la vie, l'homme est tantôt porté à la faiblesse et à l'abattement, tantôt poussé par une ardeur naturelle qui a sa source dans le tempérament ou dans la vanité. Cette double disposition avancerait peu la victoire dans les combats que l'âme doit livrer pour son salut.
L'Esprit-Saint apporte donc un élément nouveau, cette force surnaturelle qui lui est tellement propre que le Sauveur, instituant ses Sacrements, en a établi un qui a pour objet spécial de nous donner ce divin Esprit comme principe d'énergie.
[...] Deux nécessités se rencontrent dans la vie du chrétien: il lui faut savoir résister et savoir supporter.
Que pourrait-il opposer aux tentations de Satan, si la Force du divin Esprit ne venait le couvrir d'une armure céleste et aguerrir son bras? Le monde n'est-il pas aussi un adversaire terrible, si l'on considère le nombre des victimes qu'il fait chaque jour par la tyrannie de ses maximes et de ses prétentions?
Quelle ne doit pas être l'assistance du divin Esprit, lorsqu'il s'agit de rendre le chrétien invulnérable aux traits meurtriers qui font tant de ravages autour de lui ?
Les passions du cœur de l'homme ne sont pas un moindre obstacle à son salut et à sa sanctification: obstacle d'autant plus redoutable qu'il est plus intime.
Il faut que l'Esprit-Saint transforme le cœur, qu'il l'entraîne même à se renoncer, lorsque la lumière céleste indique une autre voie que celle vers laquelle nous pousse l'amour et la recherche de nous-mêmes. Quelle force divine ne faut-il pas pour « haïr jusqu’à sa propre vie », quand Jésus-Christ l'exige (s.Jean, XII,25), quand il s'agit de faire le choix entre deux maîtres dont le service est incompatible( S Matth, VI, 24 )?
L'Esprit-Saint fait tous les jours de ces prodiges au moyen du don qu'il a répandu en nous, si nous ne méprisons pas ce don, si nous ne l'étouffons pas dans notre lâcheté ou dans notre imprudence. Il apprend au chrétien à dominer ses passions, à ne pas se laisser conduire par ces guides aveugles, à ne céder à ses instincts que lorsqu'ils sont conformes à l'ordre que Dieu a établi.
Quelquefois ce divin Esprit ne demande pas seulement que le chrétien résiste intérieurement aux ennemis de son âme; il exige qu'il proteste ouvertement contre l'erreur et le mal, si le devoir d'état ou la position le réclament. C'est alors qu'il faut braver cette sorte d'impopularité qui s'attache parfois au chrétien, et qui ne doit pas le surprendre quand il se rappelle les paroles de l'Apôtre:
«Si j'étais agréable aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ» ( Gal, I, 10).
Mais l'Esprit-Saint ne fait jamais défaut, et lorsqu'il rencontre une âme résolue à user de la Force divine dont il est la source, non seulement il lui assure le triomphe, mais il l'établit pour l'ordinaire dans cette paix pleine de douceur et de courage qu'apporte la victoire sur les passions. [...]
Un don pour supporter les épreuves
[...] Il est des frayeurs qui glacent le courage et peuvent entraîner l'homme à sa perte. Le don de Force les dissipe; il les remplace par un calme et une assurance qui déconcertent la nature.
Voyez les martyrs, et non pas seulement un saint Maurice, chef de la légion Thébaine, accoutumé aux luttes du champ de bataille, mais ces Félicité, mère de sept enfants, ces Perpétue, noble dame de Carthage pour laquelle le monde n'avait que des faveurs; ces Agnès, enfant de treize ans, et tant de milliers d'autres, et dites si le don de Force est stérile en sacrifices. Qu'est devenue la peur de la mort, de cette mort dont la seule pensée nous accable parfois ?
[...] Et si l'homme à lui seul est peu de chose, combien il grandit sous l'action de l'Esprit-Saint ! C'est lui encore qui aide le chrétien à braver la triste tentation du respect humain, l'élevant au-dessus des considérations mondaines qui dicteraient une autre conduite. C'est lui qui pousse l'homme à préférer au vain honneur du monde la joie de n'avoir pas violé le commandement de son Dieu.
C'est cet Esprit de Force qui fait accepter les disgrâces de la fortune comme autant de desseins miséricordieux du ciel, qui soutient le courage du chrétien dans la perte si douloureuse d'êtres chéris, dans les souffrances physiques qui lui rendraient la vie à charge, s'il ne savait qu'elles sont des visites du Seigneur.
[...] Savoir être fort contre soi-même, est une rareté qui excite l'étonnement dans ceux qui en sont témoins : tant les maximes de l'Evangile ont perdu de terrain ! Retenez-nous sur cette pente qui nous entraînerait comme tant d'autres, ô divin Esprit !
Souffrez que nous vous adressions en forme de demande les vœux que formait Paul pour les chrétiens d'Ephèse, et que nous osions réclamer de votre largesse
«cette armure divine qui nous mettra en état de résister au jour mauvais et de demeurer parfaits en toutes choses. Ceignez nos reins de la vérité, couvrez-nous de la cuirasse de la justice, donnez à nos pieds l'Evangile de paix pour chaussure indestructible; munissez-nous du bouclier de la foi, contre lequel viennent s'éteindre les traits enflammés de notre cruel ennemi. Placez sur notre tête le casque qui est l'espérance du salut, et dans notre main le glaive spirituel qui est la parole même de Dieu» ( Eph VI, II-17),
et à l'aide duquel, comme le Seigneur dans le désert, nous pouvons venir à bout de tous nos adversaires. Esprit de force, faites qu'il en soit ainsi.
(Cf Les dons du Saint Esprit, Dom Prosper Guéranger, Ed. de Solesmes)