"Credo in remissionem peccatorum".
2. L'Ancien Testament nous parle, de diverses manières, du pardon des péchés. Nous trouvons à ce propos une terminologie variée: le péché est «pardonné», «effacé» (Ex 32, 32), «expié» (Is 6, 7), «jetté derrière soi» (Is 38, 17). Le Psaume 103 dit par exemple:
«Lui qui pardonne toutes tes offenses, qui te guérit de toute maladie» (v. 3); «Il ne nous traite pas selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses... Comme est la tendresse d'un père pour ses fils, tendre est YHWH pour qui le craint» (v. 10 et v. 13).
Cette disponibilité de Dieu au pardon n'atténue pas la responsabilité de l'homme et la nécessité de son engagement sur la voie de la conversion. Mais comme le souligne le prophète Ezéchiel, si celui qui est mauvais renonce à sa conduite perverse, son péché ne sera plus rappelé, il vivra (cf. Ez 18, vv. 19- 22).
Le Nouveau Testament met en relief la Miséricorde comme attribut de Dieu
3. Dans le Nouvau Testament, le pardon de Dieu se manifeste à travers les paroles et les gestes de Jésus. En remettant les péchés, Jésus révèle le visage de Dieu, Père miséricordieux. Prenant position contre certaines tendances religieuses caractérisées par une sévérité hypocrite à l'égard des pécheurs, il illustre à diverses occasions combien la miséricorde du Père envers tous ses fils est grande et profonde (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 1443). La parabole sublime que l'on a l'habitude d'appeler «du fils prodigue», mais qui devrait être appelée «du père miséricordieux» (Lc 15, 11-32), peut être considérée comme le sommet de cette révélation. L'attitude de Dieu y est présentée en termes vraiment bouleversants par rapport aux critères et aux attentes de l'homme.
Le comportement du Père dans la parabole peut être compris dans toute son originalité si l'on garde à l'esprit que, dans le contexte social de l'époque de Jésus, il était normal que les fils travaillent dans la maison paternelle, comme les deux fils du patron de la vigne, dont Il nous parle dans une autre parabole (cf. Mt 21, 28-31). Cette situation durait jusqu'à la mort du père, et ce n'est qu'alors que les fils se partageaient les biens qui leur revenaient en héritage. Dans notre cas, en revanche, le père consent à la requête du fils cadet, qui lui demande sa part d'héritage, et divise ses biens entre lui et son fils aîné (cf. Lc 15, 12).
Quand la pure légalité est dépassée par l'amour d'un Père
4. La décision du fils cadet de s'émanciper, en dilapidant les biens reçus de son père et en vivant de façon dissolue (cf. ibid., n. 15, 13), est un abandon impudent de la communion familiale. L'éloignement de la maison paternelle exprime bien le sens du péché, avec son caractère de rébellion ingrate et ses conséquences également humainement pénibles. Face au choix de ce fils, le bon sens humain exprimé d'une certaine façon dans la protestation du frère aîné, aurait conseillé la sévérité et une punition adéquate, avant une complète réintégration dans la famille. Mais tout au contraire, le Père l'ayant vu revenir de loin, court à sa rencontre plein d'émotion (ou mieux, «s'agitant dans ses viscères», comme le dit littéralement le texte grec: Lc 15, 20), le serre dans ses bras dans un geste d'amour et désire que tous fêtent son retour.
La miséricorde paternelle apparaît encore davantage lorsque ce père, admonestant tendrement le frère aîné qui revendique ses propres droits (cf. Ibid., n. 15, 29s), l'invite au banquet de réjouissance commun. La pure légalité est dépassée par l'amour paternel généreux et gratuit, qui va au-delà de la justice humaine et invite les deux frères à s'asseoir encore une fois à la table du père. Le pardon ne consiste pas seulement à recevoir à nouveau sous le toit paternel le fils qui s'en est éloigné, mais également à l'accueillir dans la joie d'une communion recomposée, en le rappelant de la mort à la vie. C'est pourquoi «il fallait bien festoyer et se réjouir» (Ibid., n. 15, 32).
Le Père miséricordieux qui embrasse le fils perdu est l'icône définitive de Dieu révélé par le Christ
Il est tout d'abord et surtout un Père. Il est le Dieu Père qui étend ses bras bénissants et miséricordieux, attendant toujours, ne forçant jamais aucun de ses fils. Ses mains soutiennent, serrent, donnent de la vigueur et dans le même temps réconfortent, consolent, caressent. Ce sont des mains de père et de mère dans le même temps. Le père miséricordieux de la parabole contient en lui, en les transcendant, tous les traits de la paternité et de la maternité. En se jetant au cou de son fils, il montre l'aspect d'une mère qui caresse son fils et l'entoure de sa chaleur. On comprend, à la lumière de cette révélation du visage et du cœur de Dieu le Père, la Parole de Jésus, qui déconcerte la logique humaine:
"Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt dix neuf justes, qui n'ont pas besoin de repentir" (Ibid., n. 15, 7).
Et également:
«Il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent» (Ibid, 15, 10).
5. Le mystère du « retour à la maison» exprime admirablement la rencontre entre le Père et l'humanité, entre la miséricorde et la misère, dans un cercle d'amour qui ne concerne pas seulement le fils perdu, mais qui s'étend à tous. L'invitation au banquet, que le père adresse au fils aîné, implique l'exhortation du Père céleste à tous les membres de la famille humaine afin qu'eux aussi soient miséricordieux. L'expérience de la paternité de Dieu implique l'acceptation de la «fraternité», précisément parce que Dieu est le Père de tous, également du frère qui se trompe.
En racontant la parabole, Jésus ne parle pas seulement du Père, mais il laisse également entrevoir ses propres sentiments. Face aux pharisiens et aux scribes qui l'accusent de recevoir les pécheurs et les publicains et de manger avec eux (cf. Ibid., 15, 2), il montre qu'il préfère les pécheurs et les publicains qui s'approchent de lui avec confiance (cf. Ibid., n. 15, 1) et révèle ainsi qu'il est envoyé pour manifester la miséricorde du Père. C'est la miséricorde qui resplendit en particulier sur le Golgotha, lors du sacrifice offert par le Christ en rémission des péchés (cf. Mt 26, 28).
Jean Paul II, Audience générale du 8 septembre 1999