Cette page de littérature paraphrase l'Ecriture et fait parler Marie. Ce "Je" nous rappelle ainsi que le récit de l'Evangile est -d'une manière dont nous ignorons le détail- le fruit du témoignage de Marie après la Pentecôte.
Comme chaque matin, j’étais allée au puits avant le réveil du village. J’aimais me retrouver dans cette atmosphère humide et tendre de l’aurore, quand la création innocente semble à nouveau sortir du souffle divin. Je venais à peine de rentrer lorsque, soudain, une lumière d’une intensité fulgurante envahit la maison. Et je crus voir, revêtu de splendeur, l’un de ceux qui se tiennent dans la gloire du Très Haut.
« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ».
Sa voix semblait celle de Yahvé. J’en reconnaissais l’ineffable douceur pour l’avoir si souvent perçue dans le fond de mon âme. Mais de l’entendre ainsi par l’ambassade de cet archange éblouissant me donnait une émotion voisine de l’effroi. Voyant mon trouble, il vint au-devant de ma crainte et, avec plus de référence encore, répéta :
« Voici que tu as trouvé grâce devant Dieu ».
Je sentais la présence de Yahvé, mais avec une intensité que seuls les esprits célestes avaient du connaître jusqu’alors. Mon Créateur me donnait la plénitude de son amour pour accueillir son propre message. L’ange, en effet, poursuivit :
« Tu concevras, tu enfanteras un fils. Tu l’appelleras du nom de Jésus. »
Jésus ! Yahvé sauve ! … C’était le Messie ! Le Tout puissant se déversait en moi. […]
« Il sera grand, il sera appelé Fils du Très- Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
La clarté qui s’irradiait en moi m’invitait à dissiper toute imprécision sur les deux états humainement inconciliables que Yahvé me proposait de vivre.
« Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange sembla sourire à cette question qu’il devait attendre et qui exprimait à Dieu la totalité de mon amour.
« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. » […]
Après un temps que je ne saurais définir car Yahvé m’avait comme aspirée dans son mystère, la voix d’en Haut reprit, non pas, certes, pour me convaincre mais pour me ramener sur terre avec douceur, dans le lieu précis où m’attendait désormais la volonté divine :
« Et voici qu’Elisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Je n'en doutais pas. De l'infinie grandeur à l'infinie petitesse, sa miséricorde avait comblé tous les abîmes.
"Je suis la servante du Seigneur, répondis-je, qu'il me soit fait selon ta parole."
Mais comme ces mots jaillissaient spontanément de mon âme, je les sentis soudain retentir dans l'éternité. Les rayons de l'amour me transperçaient. J'avais l'impression d'être immergée sans mourir dans le soleil.
Jacqueline DUPUY,
Extraits de : Magnificat, Nouvelle Cité, Paris 1973, p. 31-33