Je ne veux plus aimer que ma mère Marie.
Tous les autres amours sont de commandement
Nécessaires qu'ils sont, ma mère seulement
Pourra les allumer aux coeurs qui l'ont chérie.
C'est pour elle qu'il faut chérir mes ennemis,
C'est par elle que j'ai voué ce sacrifice,
Et la douceur de coeur et le zèle au service,
Comme je la priais, elle les a permis.
Et comme j'étais faible et bien méchant encore,
Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins,
Elle baissa mes yeux et me joignit les mains,
Et m'enseigna les mots par lesquels on adore.
C'est par elle que j'ai voulu de ces chagrins,
C'est pour elle que j'ai mon cœur dans les Cinq Plaies,
Et tous ces bons efforts vers les croix et les claies,
Comme je l'invoquais, elle en ceignit mes reins.
Je ne veux plus penser qu'à ma mère Marie,
Siège de la Sagesse, et source des pardons,
Mère de France aussi, de qui nous attendons
Inébranlablement l'honneur de la Patrie.
Marie Immaculée, amour essentiel,
Logique de la foi cordiale et vivace,
En vous aimant qu'est-il de bon que je ne fasse,
En vous aimant du seul amour, Porte du ciel.
Paul Marie Verlaine, Sagesse (1880)