L’Église fête comme mémoire facultative Notre-Dame du perpétuel secours le 27 juin. Cette fête offre l’occasion de souligner le lien très fort qui unit souvent les images sacrées et leurs lieux de culte. L’église Sant’Alfonso all’Esquilino sur la via Merulana à Rome, bâtie sur le site de l’ancienne église Saint-Matthieu, est en effet devenue le sanctuaire de Notre-Dame du perpétuel secours, abritant l’icône miraculeuse, conformément à la volonté de la Vierge Marie, qui voulait que cette fameuse icône fût placée en ces lieux. L’histoire de cette icône nommée par la Vierge Marie, crée un lien fort entre l’Orient et l’Occident, car elle est vénérée dans le monde entier, et fêtée par les Orthodoxes le 13 août.
C’est le pape Pie IX qui, en 1866, voulut que l’Icône miraculeuse de Notre-Dame du perpétuel secours fût confiée aux soins de la congrégation des Rédemptoristes, dans l’église Sant’Alfonso all’Esquilino, qui venait d’être récemment bâtie en l’honneur de st Alphonse de Liguori, le fondateur des Rédemptoristes. Cette église venait en effet d’être construite sur le site même de l’ancienne église saint-Matthieu, dans laquelle était vénérée l’Icône, jusqu’à la destruction de l’église, en 1798 par les troupes révolutionnaires françaises, menées par Bonaparte, qui occupaient alors la ville de Rome. Fort heureusement, juste avant la destruction de l’église saint-Matthieu, les Frères Augustins sauvèrent l’Icône en la plaçant dans la chapelle du Monastère Sainte Marie in Posturela. On la redécouvrit en 1863, et c’est ainsi que l’icône put être installée en ce lieu, qui lui est maintenant dédié.
C’est la Vierge Marie qui a demandé que l’icône fût placée en ce lieu. Il faut remonter dans l’histoire de cette icône, qui est étonnamment liée à celle du Concile d’Ephèse. L’Empereur romain d’Orient Théodose II avait en effet, à la demande de Nestorius, patriarche de Constantinople, réuni, avec l’aide de st Cyrille d’Alexandrie (que l’on fête précisément le 27 juin), le concile d’Ephèse, en 431. Ce concile aboutit, entre autres, à l’acceptation par l’Église du titre de ‘Theotokos’, Mère de Dieu, pour la Vierge Marie. Quelques années plus tard, c’est ce même Théodose II qui reçut en présent une icône miraculeuse, venant de Jérusalem. Pour proposer cette icône à la vénération des fidèles, on construisit une église à Constantinople, dans laquelle cette icône fut vénérée, puis largement copiée et offerte à la vénération en différents lieux. On pense que c’est le moine st Lazare de Constantinople, peintre d’icônes, appelé st Lazare l’iconographe, martyr de l’époque iconoclaste ( v. 867) qui a ajouté les deux Archanges Michel et Gabriel que l’on voit sur l’icône, lui ajoutant ainsi une nouvelle dimension théologique, puissante. L’intention de saint Lazare l’iconographe était d’offrir cette icône au pape Nicolas 1er. Il entreprit le voyage, et il mourut en Crète, au cours du voyage. Mais l’église en laquelle cette icône était vénérée fut incendiée, lors de la chute de l’Empire romain et de l’invasion des Turcs, en 1453. C’est par l’intermédiaire d’un marchand génois qu’une copie de l’icône miraculeuse, ayant été dérobée en Crète, parvint ainsi à Rome à la fin du XVès. La Vierge Marie apparut à plusieurs reprises pour demander que cette icône soit placée dans un sanctuaire entre Sainte Marie-Majeure et Saint Jean-de-Latran. C’est ainsi que l’icône fut confiée aux Frères Augustins responsables de l’église Saint-Matthieu (actuellement Chiesa-sant’ Alfonso), en ce lieu choisi par la Vierge Marie, en 1499. Plusieurs guérisons miraculeuses eurent d’ailleurs lieu lors de l’installation de l’icône en ces lieux.
Une icône de la Passion
Il existe trois types canoniques de la ‘Vierge à l’Enfant’ (en grec ‘theotokos’) : La Vierge Glycophilousa ou Vierge Eléousa (en slave ‘Umilenie’), c’est-à-dire la » Vierge de pitié ou de tendresse » ; La Vierge Hodighitria (« celle qui indique la voie ») ; enfin la Vierge Orante. Chacun de ces trois types iconographiques a lui-même suscité de nombreuses variantes.
L’Icône de Notre-Dame du perpétuel secours appartient au type de la Vierge Hodighitria (« celle qui indique la voie »), puisque la Vierge Marie montre l’Enfant de sa main droite, pour nous inviter à Le suivre. Les cinq lettres grecques au-dessus d’elle « ΜΡ ΘΥ », sont des abréviations de l’expression « Mèter tou Theou», qui signifie « Mère de Dieu » et renvoie à l’affirmation de la Vierge Marie ‘Theotokos’, Mère de Dieu, définie lors du Concile Éphèse. Les lettres « ΙϹ XϹ », sont des abréviations de « Ièsous Christos», qui signifient Jésus-Christ.
Cette icône est cependant une variante de la Vierge Hodighitria. On l’appelle Vierge de la Passion (‘Strastnaya’ en russe).
En effet, l’Enfant ne regarde pas sa mère, mais Il a les yeux tournés vers l’un des deux Archanges, saint Gabriel, qui lui présente la Croix. Les deux Archanges saints Gabriel et Michel –ajoutés sans doute au IXès par l’iconographe st Lazare) sont désignés eux aussi par les abréviations : OAM pour saint Michel (abréviation de ‘O Agios Archangelos Michael’) et ΟΑΓ pour saint Gabriel (abréviation de ‘Ο Agios Archangelos Gabriel’). Saint Michel, le second Archange, présente la lance et le roseau surmonté de l’éponge, instruments de la Passion préfigurant le calvaire du Christ et le mystère de la Rédemption.
Il n’est pas rare de trouver des représentations de l’Annonciation et de la Nativité du Christ dans lesquelles figurent déjà la Croix. Ce type de représentations affirme que le Christ est venu pour sauver le monde par le sacrifice de Sa vie sur la Croix, qu’Il l’a pleinement accepté, et que rien ne le détourne de sa mission : donner sa vie pour sauver les pécheurs, afin d’en assurer la rédemption. L’icône a donc une portée théologique puissante, puisque le Christ se détourne de sa Mère pour regarder la Croix présentée par Saint Gabriel, l’Archange des Annonciations, le messager de Dieu. La Vierge Marie, Theotokos, Mère de Dieu, nous présente ainsi son Fils dans sa mission : elle est donc à plus d’un titre ‘Hodighitria’, car elle est Celle qui montre son Fils comme Celui qui est le Chemin, la Vérité, et la Vie, L’Enfant lui-même nous montrant sa propre Voie : celle de la Rédemption par la Croix. La présence de l’Archange Gabriel peut donc représenter pour nous comme une sorte d’ « Annonciation » de la Passion du Christ.
La sandale détachée du pied du Christ symbolise également le rachat. Il existait en effet une coutume juridique juive, qui consistait à donner sa sandale quand on achetait quelque chose. Le Livre de Ruth en parle explicitement (Ruth 4,7). Le symbole juridique de la sandale est significatif: par l’offrande que le Christ fait de sa personne, Il exerce le droit de rachat sur toute l’humanité. La sandale ôtée scelle notre rachat: elle est donc le symbole de notre libération.
L’inévitable distance qui s’établit du fait du détournement du Christ de sa Mère n’empêche pas l’iconographe de peindre la tendresse et la complicité qui unissent la Vierge Marie et Son Fils: ils sont représentés ‘mains dans la main’, petites mains du Christ lovées dans la grande paume de la Vierge Marie, se rejoignant autour de Son pouce protecteur. Dans les représentations de la Vierge dite ‘de tendresse’, le bras du Christ entoure souvent le cou de Sa Mère. Cette manifestation de tendresse est également visible dans à la fois notre icône, par l’union des mains, ce qui lui confère une grande douceur et une grande puissance : elle atténue la violence de ce détournement. De plus, cette intimité, symbolisée par l’union des mains, associe déjà la Vierge Marie à la Passion du Christ.
Le lieu dans lequel cette icône est vénérée à Rome-lieu choisi par la Vierge Marie- est donc parfaitement en accord avec la spiritualité des Rédemptoristes et de leur fondateur, saint Alphonse de Liguori, qui venait lui-même prier cette icône.
L’icône de Notre-Dame du perpétuel secours icône, d’origine byzantine, est ainsi devenue un véritable lien entre les Églises d’Orient et d’Occident : elle est vénérée dans le monde entier, et au cœur de Rome, dans le sanctuaire qu’a choisi la Vierge Marie pour elle. Elle nous ouvre la voie vers cette union possible des différentes Églises, par la vénération de cette icône, qui fait coexister le mystère joyeux de l’enfance du Christ et celui, douloureux, de sa Passion, ainsi que le rôle de Marie dans cet accomplissement.
-sur l’icône de Notre-Dame du perpétuel secours à Boston, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la neuvaine avec l’icône de Notre-Dame du perpétuel secours, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Notre-Dame du perpétuel secours à Haïti, dans l’Encyclopédie mariale
Isabelle Rolland