Il est tout à fait compréhensible que l'Eglise de Jérusalem, puis l'Eglise universelle, honora et prit soin des souvenirs matériels de la mère de Jésus, le Rédempteur.
Avec l'amour, qu'un peu de légende se soit mélangée à l'histoire, c'est possible aussi.
L'histoire des reliques vestimentaires a commencé en Orient, et a gagné ensuite l'Occident.
La relique des vêtements funèbres (manteau et ceinture) de Marie
Au milieu du V° siècle, « les souverains [de Constantinople] demandèrent à l'archevêque [de Jérusalem] Juvénal de leur envoyer lui-même, dûment scellé, ce saint cercueil avec les vêtements funèbres de la glorieuse et toute Théotokos Marie, qui s'y trouvaient. L'ayant reçu, ils le déposèrent dans le sanctuaire élevé aux Blachernes en l'honneur de la Théotokos. »[1]
C'est ainsi que le sanctuaire Marie de Blacherne (Constantinople) conserva les reliques du manteau de Marie jusqu'au sac de la ville par les Croisés, en l'an 1204.
Le sanctuaire de Chalcoprateia (Constantinople) conserva les reliques de la ceinture de Marie jusqu'à l'arrivée des Turcs en l'an 1453.
Les autres reliques vestimentaires de la Vierge Marie
Bien avant la chute de Constantinople, Charlemagne reçut de l'empereur d'Orient trois reliques du voile de Marie, et il les conserva à Aix la Chapelle.
Son petit-fils Charles le Chauve les dispersa ainsi :
La chemise de Chartres[2]
Au X° siècle, on ne parlait pas d'un voile, mais de la Tunique ou, mieux, de la Chemise, la tradition voulant que la Vierge l'ait portée le jour de l'Annonciation, lorsque le Verbe fut conçu.
C'est pourquoi des chemises de toile étaient offertes aux femmes enceintes après avoir été mises en contact avec la châsse : ainsi, aux XVIIe siècle, le chapitre avait coutume d'offrir aux reines de France et aux dauphines, lorsqu'elles étaient dans cet état, une chemise posée sur la châsse pendant une neuvaine faite à leur intention.
En 1194, le brasier qui anéantit la plus grande partie de la cathédrale fit craindre pour elle pendant trois jours. Soudain, on vit surgir dans le chœur des clercs portant la châsse, par un escalier venant de la crypte où ils avaient survécu. Ce qui fut jugé comme un miracle et fut peut-être à l'origine de l'enthousiasme avec lequel la reconstruction de la cathédrale fut entreprise.
Pendant la révolution française, en l'an 1793, le reliquaire fut ouvert, le voile coupé en petit morceaux dont certains sont vénérés à Rouen et en d'autres endroits, etc...
Il s'agit d'une étoffe de soie, tissé en Orient à une époque sans doute très ancienne. La Vierge Marie était humble (cf. le Magnificat), elle était aussi l'épouse de Joseph, humble lui aussi (charpentier) mais fils de David et donc de la tribu royale, et on ne peut exclure qu'elle ait pu posséder de telles étoffes.
Le voile de Compiègne
A l'abbaye de Saint-Corneille, au centre du retable inférieur de l'autel, et dans une magnifique chasse en émaux champlevés se trouve, enroulé, notre trésor inestimable, le « Voile de la Vierge » appelé aussi, "Voile de Compiègne".
La chasse actuelle date de 1930. Mais un inventaire de l'an 1666 affirme que le voile fut donné à l'abbaye par l'empereur Charles le Chauve.
Le voile est décrit comme un linge de toile fort claire, façon toile de lin, avec les quelques tâches anciennes et les lettres I. P. M. I. N. I. R. V. -(Id Proprium Matris Jesu Nazareni Judaeorum Regis Velum : C'est le propre voile de la Mère de Jésus de Nazareth, roi des Juifs.). Il est long de 4m 20[3].
Actuellement, nous pouvons encore l'observer. Une lisière, qui mesure effectivement 4m20 de long, n'a ni bout, ni couture, montrant ainsi, que le voile devait avoir la forme d'un cylindre et devait se porter double, ou bien, une partie reposant sur la tête, et, l'autre, sur les épaules. Et "se voient, très nettement, les deux taches brunes "que l'on a toujours cru être du sang de Jésus, tombé sur le voile de Marie, aux pieds de la Croix"[4].
Chaque année la précieuse relique est portée solennellement en procession, le jour de l'Assomption, et chaque jour de nombreux fidèles viennent efficacement se mettre sous sa protection.
[1] Saint Jean Damascène, Extraits de la "Deuxième homélie sur la Dormition de Marie".
[2] Trintignac (André) Découvrir Notre-Dame de Chartres - Ed. du Cerf, Paris 1988
[3] Archives de l'Oise. H.2168 : "Procès-verbal de la translation du Voile de la Vierge, 15 août 1666" -et- Chanoine Morel : "Les Saintes Reliques vénérées dans l'église Saint-Jacques de Compiègne", p. 21
[4] "Description Historique des Reliques et Reliquaires de Saint-Corneille", 1770 - Chanoine Morel : "Les Saintes Reliques vénérées dans l'église Saint-Jacques de Compiègne", p.25.
Françoise Breynaert