La naissance de Jean Baptiste avait été marquée par des événements merveilleux, grandioses, gravés dans toutes les mémoires: naissance prédite au temple de Jérusalem, à l'heure de la prière du soir, en présence d'une foule de témoins; mère stérile et âgée au moment où elle l'a conçu; son père Zacharie est prêtre; condamné au mutisme après avoir douté, il retrouve l'usage de la parole au moment de la naissance de son fils et se met à chanter un cantique inspiré devant toute la famille et les voisins rassemblés pour la circonstance, dans sa maison. Dès lors, une chose était sûre: cet enfant serait un grand prophète.
Pour la naissance de Jésus, il n'y a pas eu d'effet d'annonce ; sa mère n'est qu'une jeune fille d'origine modeste; elle habite une bourgade de construction récente dans une zone redevenue païenne. Ses premiers compagnons sont des bergers, des gens méprisés parce qu'ils pratiquent un métier considéré comme impur (le tannage des peaux). Les bergers auraient dit qu'ils avaient vu des anges, mais comment croire des gens si loin de la pratique religieuse! Pour des grecs, Jésus est disqualifié par les conditions de sa naissance à l'inverse de Jean-Baptiste. Les chrétiens d'origine grecque veulent alors savoir toute la vérité sur l'origine de Jésus. C'est Luc, médecin, disciple de Paul, qui est chargé de mener l'enquête...
Le témoignage que Luc nous a laissé [Evangile de l'Annonciation Lc 1, 26-38] donne à penser qu'il a du rencontrer Marie, car il déclare par deux fois que Marie avait gardé tous les souvenirs de la naissance de Jésus dans le secret de son cœur.
Ce qui veut dire que le texte que nous avons entendu proclamer est le fruit d'une confidence de Marie dont personne encore n'avait eu connaissance à l'exception d'Élisabeth sa cousine et de l'apôtre Jean, qui ont eux aussi gardé le secret de Marie.
Une dernière surprise nous attend: le récit que l'évangéliste saint Luc nous livre est serti dans une forme liturgique, ce qui laisse penser que ce secret qui habitait le cœur de Marie ne fut révélé qu'au moment où les chrétiens ont voulu célébrer son départ de ce monde!
Chers amis, quel est donc le secret du cœur de Marie que Luc a reçu mission de nous révéler ?
Le voici... lorsque Dieu la regarde, il n'y a aucune ombre, aucune tâche, aucune souillure qui puisse ternir l'éblouissement de cette lumière divine qui vient la remplir... Et les mots que Luc emploie renvoient aux plus grandes prophéties de toute l'histoire qui prédisent la présence jubilante de Dieu au cœur de son peuple...
Marie reçoit de l'ange qui la visite cette révélation que la présence divine et toute puissante la prendra sous son ombre (Lc 1, 35) : cette expression est exactement celle qui décrit la descente de la nuée sur l'arche d'Alliance; cela signifiait que c'était Dieu lui-même qui venait demeurer dans l'Arche! Luc est donc en train de nous dire que le Dieu tout-Puissant et créateur repose en Marie comme en un vivant tabernacle!
Alors si ce soir, Marie veut bien nous prendre dans son cœur, il faut savoir que nous serons du même coup comme immergés dans cet amour de prédilection et que la joie et la plénitude de Marie, seront aussi notre plénitude et notre joie.
Marie apprend par l'ange qu'elle a trouvé grâce auprès de Dieu (Lc 1, 30). Cette expression ne se rencontre qu'en un seul livre de la bible, celui d'Esther (Esther 5, 16). Rappelons-nous l'histoire. Esther est une petite esclave juive au service du roi des Perses; son pouvoir est sans limites. Esther reçoit une lettre de son oncle qui lui apprend que le peuple juif fait l'objet d'un décret d'extermination du roi parce que son premier ministre Aman, un homme véreux, l'a trompé en lui faisant croire que le peuple juif était coupable d'un crime de lèse-majesté! Son oncle Mardoché lui écrit: la seule chance de salut pour notre peuple, c'est que tu réussisses a obtenir la faveur du roi. Alors, Esther se tourne vers le Seigneur et fait monter vers lui une ardente supplication pour obtenir le salut de son peuple et le pardon des péchés.
Si donc ce soir, Marie nous prend dans son cœur, c'est afin de nous porter plus intensément dans sa prière et dans sa supplication; et si le péché originel a épargné Marie, c'est afin qu'elle puisse ne jamais cesser d'intercéder en notre faveur, et afin que Dieu puisse se laisser toucher par la splendeur et la vérité de cette intercession!
Marie apprend par l'ange que la virginité qu'elle a choisie et qui la consacre entièrement à Dieu va devenir la source d'une fécondité divine: celui qu'elle va concevoir et enfanter sera le Fils du Dieu très-Haut. (Lc 1, 21-32)
Alors, si Marie nous prend dans son cœur, cela signifie que l'action de l'Esprit Saint qui ne cesse de se manifester en elle sous la forme d'une fécondité divine va immédiatement rejaillir en nous, susciter, faire grandir en nous le Verbe divin et la filiation divine. Nous serons conformés à Jésus, jusqu'à lui ressembler dans son humilité, dans son renoncement, dans son pardon, dans l'offrande de sa vie.
Chers amis..., avez-vous bien réalisé que le chemin qui s'ouvre dans son cœur de maman, mène tout droit au cœur de Jésus, que le cœur de Marie, c'est l'unique chemin que Dieu prend pour venir se donner à nous, et l'unique chemin pour que nous puissions nous donner entièrement à Lui.
Il voulait que cela ne fut découvert que par les petits et les humbles de cœur!...
... Vous le savez déjà, pour être dans le cœur de Marie, il suffit de réciter et d'habiter en permanence le Je vous salue Marie, parce que cette prière contient tout ce qui vient d'être dit !
Père André Merville, curé doyen de Douai (France)
Extraits de l'homélie du 8 décembre 2011, en l'honneur de l'Immaculée Conception
à laquelle la Paroisse St-Maurand - St Amé (Douai) est consacrée en ce jour.