L’histoire du Rosaire, prière mariale méditant les mystères de la vie du Christ et fondée sur le principe de la répétition, s’est élaborée au fil du temps, et a pris son essor et sa forme définitive sous l’influence des Chartreux et des Dominicains, à la fin du Moyen Age.
Dès les premiers siècles, les Pères du désert, plongés volontairement en un « désert du langage », pratiquaient une forme de prière répétitive. Ils enfilaient des cailloux sur un cordon pour guider le rythme et le nombre des récitations de passages bibliques.
Des « cordes de prières » se sont plus tard formées à partir de la récitation du Notre Père, d’où le premier nom connu du chapelet en Occident : le « paternostre ». En effet, dans les monastères cisterciens, les frères convers récitaient souvent des « Notre-Père » pendant que les frères moines, eux, psalmodiaient les psaumes. Ils avaient l’habitude de faire des nœuds sur la corde qu’ils portaient autour de la taille.
Couronne de fleurs placée sur la tête de la Vierge Marie
C’est au XIIès, au moment du grand essor de la dévotion mariale, avec l’influence de saint Bernard de Clairvaux, qu’apparut le mot de « chapelet », qui désignait la couronne de fleurs ou « chapel » (petit chapeau) que l’on plaçait sur la tête de la statue de la Vierge Marie. Aux « Notre- Père » furent bientôt ajoutés les mots prononcés par l’Archange Gabriel lors de l’Annonciation : cette prière prit le nom de « Psautier de Notre-Dame ». Les paroles de la salutation d’Élisabeth furent ajoutées plus tard.
La dévotion du psautier marial, déjà en usage chez les Cisterciens dès le XIIès[1], s’est développée sous la double influence des Chartreux et des Dominicains, principalement au XVès. La légende qui attribue la naissance du Rosaire à Saint Dominique, fondateur de l'Ordre des prêcheurs, repose sur une confusion entre le chartreux Dominique de Prusse et Saint Dominique[2].
Les Chartreux ont beaucoup œuvré pour le développement du psautier marial, qui prit peu à peu le nom de Rosaire. Au XIVès, c’est le chartreux Dom Henri Egher de Kalcar (1328 - 1408) qui fut gratifié d’une apparition mariale, lui demandant de réciter quotidiennement un Pater et ensuite dix Ave et ainsi de suite jusqu'à concurrence de 15 Pater et de 150 Ave.
Au XVès, le chartreux Dom Adolphe d’Essen (†1439) [3] écrivit deux petits traités sur le Rosaire, et fut également gratifié d’une apparition mariale.
Le chartreux Dominique Hélion (†1460), dit Dominique de Prusse, eut l’idée de rassembler en un seul ces deux exercices spirituels: la récitation des Ave et les méditations. Dominique composa alors 50 "formules" résumant les principaux mystères de la Vie de Jésus et de sa Mère, et les souda aux Ave. Cette nouvelle forme de psautier marial comprenait 50 Je vous salue Marie, chacun suivi d'une « clausule ». Les clausules sont de petits ajouts à la prière du Je vous salue Marie, qui suivent le nom de Jésus et aident à la méditation du mystère en cours[4] . Les clausules sont placées après le nom de Jésus, indiquant ce qu'il fit, dit, subit, etc. ("Jésus, qui fut adoré par les Mages, tenté par le démon, qui a lavé les pieds de ses disciples", etc.).Le double principe du Rosaire unissant la Vierge Marie et le Christ fut ainsi approfondi[5].
Le Bienheureux dominicain Alain de la Roche (1428-1478), découvrit par les Chartreux, avec lesquels il était en contact, la méthode du Rosaire de Dominique de Prusse. Il confondit sans doute celui-ci avec le fondateur de l’ordre dominicain et les récits de visions mariales rapportés dans la tradition cartusienne furent alors attribués à st Dominique, le fondateur de l’Ordre des Dominicains. Les 50 mystères furent également réduits aux quinze joyeux, douloureux et glorieux, supprimant tout ce qui concerne la vie publique du Christ[6]. Le Psautier de Marie, restauré par les Dominicains sous le nom de Rosaire, fut ensuite enrichi d'indulgences par les papes.
Alain de la Roche fut ainsi un véritable apôtre du Rosaire : il fit un grand travail de promotion du Psautier marial, par sa prédication et par les confréries du Rosaire qu'il fonda, et qui eurent un immense succès jusqu’en Italie et dans toute l’Europe occidentale. C’est à cette époque que le nom de « Chapelet de la Bienheureuse Vierge Marie » commença à être employé[7].
Un peu plus tard, le dominicain Alberto Castellano (1450-1523) simplifia le Rosaire ; il choisit en 15 passages évangéliques pour la méditation, et ajouta la courte prière de la fin de l’Ave Maria.
Au XVIe et XVIIe siècles la dévotion au Rosaire fit de nouveau progrès grâce à la protection des Souverains Pontifes : le pape dominicain saint Pie V[9], qui confia aux Dominicains le soin de guider les confréries créées par Alain de la Roche, Grégoire XIII et Clément XI.
Au XVIIIe le Rosaire trouva d'ardents propagateurs en les personnes de saint Louis-Marie de Montfort et saint Alphonse-Marie de Liguori, pour ne citer que les plus célèbres.
À partir du XIXe siècle, les papes Grégoire XVI et surtout Léon XIII, que l'on a surnommé le « pape du Rosaire » en raison des nombreux textes consacrés à la prière du chapelet, encouragèrent fortement les fidèles à la dévotion au Rosaire.
Rapidement, le Rosaire dépassa donc de beaucoup les confréries : cette prière devint un trésor de l'Église universelle : les papes Léon XIII, Paul VI et Jean Paul II ont actualisé cette très belle prière, et plusieurs saints l’ont pratiquée également et ont œuvré pour sa diffusion.
Il aura fallu attendre le Pape Jean-Paul II et sa lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae (2002)[10] pour que certains mystères, priés au Moyen Age et qui avaient été supprimés, soient réintroduits : Jean-Paul II appela les cinq nouveaux mystères les mystères lumineux. La pratique des clausules fut également retrouvée et encouragée par Jean-Paul II.
-sur le Rosaire et le chapelet, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la façon de prier le Rosaire et le chapelet, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la structure du Rosaire et du chapelet, dans l’Encyclopédie mariale
-sur les papes et le Rosaire, dans l’Encyclopédie mariale
-sur les saints et le Rosaire, dans l’Encyclopédie mariale
-sur les apparitions mariales et le Rosaire, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la spiritualité du Rosaire, dans l'Encyclopédie mariale
Françoise Breynaert et l’équipe de MDN.