Lors du symposium international de mariologie à Rome 2003 dédié au dogme de l'Immaculée Conception, deux femmes ont donné une approche féministe de la question.
Les femmes à l'époque du dogme
Maria Grazia FASOLI, (responsable nationale « coordinamento donne ACLI ») attire l'attention sur le contexte et l'ambiguïté des modèles féminins entre la révolution française et la restauration, juste avant la proclamation du dogme.
Au XIX° siècle les hommes abandonnent l'Eglise, la raison remplace la foi chrétienne par un vague déisme. La reconquête catholique de l'Europe doit beaucoup aux femmes, non par un rôle politique qu'elles n'ont pas encore mais par le biais de l'éducation, elles ont eu un grand rôle d'évangélisation. Le dogme souligne en Marie la mère qui protège l'Eglise de l'hérésie, exactement comme la femme du XIX° siècle éduque ses proches.
Par ailleurs, le dogme de l'Immaculée conception développe chez les jeunes filles la vertu de pureté mais une vertu interprétée de façon un peu étroite : individuelle, autonome, avec une préoccupation de maîtrise et de contrôle de la sexualité. C'est une vision juste mais sans doute encore trop étroite.
Le dogme et les femmes d'aujourd'hui
Isabel GOMEZ-ACEBO (Université catholique de Comillas - Madrid) attire l'attention sur ce que vivent nos contemporains.
Pourquoi aujourd'hui les pays les plus mariaux sont aussi ceux où les hommes sont les plus dominateurs ? Lorsque les hommes parlent de l'éternel féminin, ils évoquent une femme pure, passive, émotive, dépendante et fragile, c'est-à-dire avec toutes les qualités qui permettent de dominer facilement la femme. Et l'on peut dépeindre la Vierge Marie ainsi.
Le voile couvrait la tête de la femme. Elles doivent avoir les yeux baissés, elles ne regardent pas, elles sont regardées.
La femme devait être silence. On met en valeur « le silence de Marie ».
En outre, le plaisir est réservé aux hommes, et on produit une culture anorexique où le corps de la femme et toute sa personnalité sont atrophiés.
Un autre modèle de la femme est celui de la femme qui veut être comme l'homme dans une confusion des rôles.
Ce sont des femmes qui paraissent maîtres de leur vie, la tête haute. La femme ne naît pas femme mais elle se fait, dit-on.
Autosuffisante, elle soigne son corps pour avoir une vie saine.
Et pourtant elle est souvent comme « un serpent caché sous un visage innocent »
Quelle image de l'Immaculée ?
Selon les peintres de l'époque du dogme, l'Immaculée doit être peinte très belle, jeune et reine. On ne parle plus du serpent mais de la lune sous ses pieds.
Elle n'est pas confinée à la maison mais elle gouverne le monde entier, tout le cosmos. Marie apparaît seule, il n'est pas nécessaire que sa vie tourne autour de son univers familial. Son visage n'est pas marqué de la souffrance de la passion.
Mais dans ces images, la royauté et la féminité de Marie sont limitées par son jeune âge. Ses yeux baissés et son manteau expriment la virginité et non la maternité.
C'est l'image d'une femme chaste et docile alors que le Moyen âge représentait une femme forte et mère.
Nos contemporains ont besoin d'une image de l'Immaculée comme étant une femme qui a su développer sa potentialité, une femme libre, capable de donner son libre consentement. La grâce opère en elle, Marie et active et fait fructifier cette grâce, les images doivent être un modèle pour chacun de nous qui avons tous une mission à accomplir.
L'Immaculée a vaincu le mal à force de faire le bien. Tous peuvent suivre sa voie. Tous nous sommes au service des autres, et tous doivent vaincre l'égoïsme qui est fait partie du péché originel.
La société est pleine d'organisations caritatives pendant que les Eglises sont vides. Il faut une image de l'Immaculée qui ne soit pas passive, ni juvénile, mais forte et généreuse, pleine de grâce, pleine de charité.
Extrait de : conception-rome-2003>Françoise BREYNAERT Cronaca del XIV simposio internazionale di mariologia, Pontificia facoltà teologica Marianum, Roma 7-10 ottobre 2003, In Miles Immaculatae, Anno XXXIX fasc II, 2003, pp. 560-577, p. 572-573