Jésus se donne lui-même le Nom de Dieu

Jésus : JE SUIS (Benoît XVI)

Dans les paroles de Jésus transmises par les , il y a -majoritairement chez Jean, mais aussi chez les synoptiques, même s'il s'agit de formulations moins précises et moins nombreuses -le groupe des expressions « Je suis », et sous deux formes. Dans un cas, Jésus dit simplement, sans aucun ajout : « Moi, Je Suis », [c'est moi], ou « Je Suis ». Dans un second groupe, le contenu du « Je suis » est précisé sous forme d'images.

« Je Suis » dans l'Ancien Testament

Le livre de l'Exode dit [comment Dieu lui-même se présente avec cette phrase] :

« Je suis celui qui suis. » (Exode 3, 14)

A l'heure de l'espérance d'un nouvel Exode à la fin de l'exil à Babylone, le deutéro-Isaïe a repris et développé le message du buisson ardent :

« C'est vous qui êtes mes témoins, oracle de YHWH, vous êtes le serviteur que je me suis choisi, afin que vous le sachiez, que vous croyiez en moi et que vous compreniez que c'est moi: avant moi aucun dieu n'a été formé et après moi il n'y en aura pas. » (Isaïe 43, 10)

A l'époque où Israël n'avait plus ni terre ni temple, Israël avait appris à comprendre la différence et la nouveauté de son Dieu : précisément il n'était pas seulement « son » Dieu, le Dieu d'un peuple et d'un pays, mais le Dieu par excellence, le Dieu de l'univers. Il se présente justement dans son unicité dans la formule « Je Suis ».

Quand Jésus dit « Je suis », il adopte cette histoire et la rapporte à lui-même.

Il manifeste son unicité. En lui, c'est le mystère du Dieu unique qui est personnellement présent. »

Heinrich Zimmermann souligne à juste titre qu'avec ce « Je suis », Jésus ne se situe pas à côté du Père, mais qu'il renvoie au Père.

Le « Je suis » dans le discours de Jésus en Jean 8

Jn 8, 28

« Jésus leur dit donc: "Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m'a enseigné". » (Jean 8, 28)

Sur la croix, on peut reconnaître sa condition de Fils, et son unité avec le Père. La croix est le vrai sommet. C'est le sommet de l'amour jusqu'au bout (Jn 13,1). Sur la croix, Jésus au sommet, à la même hauteur que Dieu qui est amour. C'est là qu'on peut le connaître, qu'on peut comprendre le « Je suis ». [...]

« Alors vous saurez que moi, Je suis » (Jn 8, 28) - quand cet « alors » sera-t-il réalisé ?

Il ne cesse de se réaliser dans l'histoire, et pour commencer, au jour de la Pentecôte, où les Juifs furent bouleversés en entendant le discours de Pierre (cf. Ac 2, 37), si bien que, selon le récit des Actes, trois mille personnes se firent baptiser et rejoignirent la communauté (cf. Ac 2, 41).

Ce dont parle le voyant de l'Apocalypse se réalisera pleinement à la fin de l'histoire :

« Et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé. » (Ap 1, 7)

Jn 8, 58

« Avant qu'Abraham ait existé, moi, Je Suis. » (Jn 8, 58)

Au monde des choses qui adviennent et qui disparaissent, qui surviennent et qui décline, s'oppose le « Je Suis » de Jésus. La prétention de Jésus à une façon d'être absolument unique, dépassant toute catégorie humaine, est clairement formulée.

Le « Je suis » de Jésus marchant sur les eaux et calmant le vent (Mc 6, 45-52)

Après la multiplication des pains, Jésus oblige ses disciples à monter dans la barque pour aller vers Bethsaïde. Lui-même se retire « sur la montagne » pour prier. Arrivés au milieu du lac avec leur barque, les disciples ne parviennent plus à progresser, victimes d'un violent vent contraire. Le Seigneur qui était en train de prier les aperçoit et vient à leur rencontre en marchant sur les eaux. On comprend l'effroi des disciples lorsqu'ils le voient marcher sur les eaux. Ils poussent des cris et sont « bouleversés ». Mais Jésus s'adresse à eux avec bonté :

« Confiance ! c'est moi [Je Suis] ; n'ayez pas peur. » (Mc 6, 50)

A première vue, on comprend ce « c'est moi » comme une simple formule permettant aux siens de l'identifier, ce qui leur enlève leur peur. Pourtant cette lecture n'est pas totalement satisfaisante.

Ce qui est remarquable, c'est qu'à ce moment là ils sont effrayés pour de bon : « Ils étaient complètement bouleversés de stupeur », note Marc d'une expression vigoureuse (Mc 6, 51).

Pourquoi donc ? La peur initiale des disciples de voir un fantôme s'avère sans objet, mais leur crainte n'est pas apaisée pour autant, elle augmente, au contraire, à l'instant même où Jésus monte dans la barque et où le vent tombe brusquement. Il s'agit là à l'évidence d'une crainte « théophanique », celle qui s'abat sur l'homme quand il se voit immédiatement confronté à la présence de Dieu même.

Les passages dans lesquels le contenu du « Je suis » est concrétisé par une image.

Je suis le pain de vie -la lumière du monde -la porte - le bon pasteur - la résurrection et la vie - le chemin, la vérité et la vie - la vraie vigne.

Schnackenburg attire l'attention que toutes ces images sont « une variation sur un thème unique, à savoir que jésus est venu dans le monde pour que les hommes aient la vie et l'aient en abondance (cf. Jn 10, 10). Il fait simplement le don unique de la vie et il peut le faire parce qu'en lui la vie divine est présente avec une abondance originelle et inépuisable. »

Du « Je suis » de Jésus au langage de l'Eglise naissante

Les trois expressions « fils de l'homme », « fils », « je suis » manifestent le profond enracinement de Jésus dans la Parole de Dieu, la Bible d'Israël, l'Ancien Testament.

Mais c'est en Jésus seulement que ces trois expressions prennent tout leur sens. [...]

Aucune de ces trois expressions ne pouvait donc devenir, en l'état, un langage de profession de foi de la communauté, de l'Eglise naissante.

L'Eglise naissante a placé de contenu de ses trois expressions centrées sur « le Fils », dans la locution « Fils de Dieu » [Mc 1,1 ; Mt 16, 16, etc].


Extraits de : glossaire_list%5Baction%5D=details&tx_ifglossaire_list%5Bcontroller%5D=Glossaire" title="Dans l’Ancien Testament, c’était l’un des fils de Jacob. Dans le Nou..." class="definition_texte">Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 375-383