« Le visionnaire voit la succession des grands empires du monde dans l’image de quatre bêtes énormes sortant de la mer, venues d’en bas, elles représentent un pouvoir reposant avant tout sur la violence, un pouvoir de nature bestiale.
Daniel dresse donc un tableau sombre et extrêmement inquiétant de l’histoire du monde.
Certes, la vision n’est pas seulement négative.
"La première bête est un lion avec des ailes d’aigle, à qui l’on arrache les ailes. Puis elle fut soulevée de terre et dressée sur ses pieds, comme un homme, et un cœur d’homme lui fut donné." (Dn 7, 4).
L’humanisation du pouvoir est donc possible, même en notre temps. Le pouvoir peut avoir un visage humain.
Ce salut, pourtant, est relatif, l’histoire, pour le reste, continue et elle deviendra par la suite plus sombre encore.
Mais après ce pic extrême, qui voit culminer le pouvoir du mal, se produit quelque chose de tout à fait différent. Le visionnaire aperçoit, comme de loin, le vrai maître du monde sous la forme d’un vieillard qui met fin à l’apparition. [Il voit aussi un « tribunal » et les « livres ouverts » (Dn 7, 10). Le fils de l'homme qui vient est le juge eschatologique :]
"Et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au vieillard, et on le fit avancer vers lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite." (Dn 7, 13-14).
Face aux bêtes venues des profondeurs se dresse l’homme venu d’en haut.
De même que les bêtes des profondeurs incarnent les empires qui se sont succédé dans le monde, de même l’image du Fils d’homme qui arrive sur les nuées du ciel annonce un royaume absolument nouveau, un royaume d’humanité, du pouvoir véritable venant de Dieu lui-même. Le Fils de l’homme, qui vient d’en haut, est ainsi celui qui se dresse en face des bêtes venues des profondeurs de la mer.
En tant que tel, il ne symbolise pas une figure individuelle, mais il est la représentation du royaume dans lequel le monde parviendra à son but.
Beaucoup d’exégètes supposent qu’il pourrait y avoir derrière ce texte une version où le fils d’homme était aussi une figure individuelle, mais, quoi qu’il en soit, nous ne connaissons pas cette version et elle demeure une hypothèse. Les textes souvent cités de IV Esdras 13 et de l’Ethiopien Enoch, dans lesquels le Fils de l’homme est représenté comme une figure individuelle, sont plus récents que le Nouveau Testament et ne peuvent donc être considérés comme une de ses sources. »
Extrait de JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p.354-355.