L'eau changée en vin selon François Libermann (1802-1852)

Jn 2 : L’eau changée en vin - du judaïsme au christianisme (Libermann, 1840)

Libermann a vécu toute sa jeunesse dans le ghetto juif de Saverne et il voulait devenir rabbin, il est donc parfaitement à l'aise dans le symbolisme biblique de l'eau, de la Torah, du chiffre 6, et du vin messianique...

Lors de la fulgurante journée de novembre 1826, Libermann s'ouvrit à la foi chrétienne, sans raisonnement et par un seul mouvement de la grâce.

Libermann fut alors quelque peu abrupt : « j'ai reconnu qu'Israël a été infidèle tant qu'il a été la vraie religion, étant tenté à l'idolâtrie par Satan ; mais depuis qu'il est faux, il est fidèle ; Satan l'endort dans l'erreur. »[1]

Son Commentaire de l'évangile de saint Jean, écrit en 1840, est plus nuancé. En commentant le miracle de Cana (Jn 2). Il souligne que Jésus demande que les jarres soient remplies d'eau parce que la loi ancienne doit être accomplie (elle était la vraie religion) alors Jésus change cette eau en vin (le christianisme est maintenant la vraie religion).

« Ces vases étaient au nombre de six.

C'est le nombre des jours de la semaine qui représente l'ancienne loi, qui était une loi de travail et qui devait précéder le jour de repos de la nouvelle loi, qui est un jour seulement pour manifester qu'il n'y aura plus de changement jusqu'à la fin du monde, ce qui est représenté par l'unité. L'unité représente aussi la perfection de cette loi nouvelle.

« Ces vases contenaient deux à trois mesures:

C'était une mesure incomplète et à peu près. Cela signifiait l'imperfection de cette loi, l'incertitude et le peu de plénitude.

« Ces vases étaient vides, parce que la loi n'était presque plus observée du temps où Notre-Seigneur arriva dans ce monde.

Notre-Seigneur les fit remplir parce qu'il est venu pour l'accomplir et il s'y est soumis de la manière la plus parfaite, conformant la moindre de ses actions à ce qui est écrit: sicut scriptum est [comme il est écrit], dit-on souvent dans l'Evangile, ou: ut scriptura impleretur [pour que s'accomplît l'Ecriture]. Aussi les ministres, au nom de Notre-Seigneur, remplirent-ils jusqu'à leur plénitude ces vases vides.

Cela signifie encore que la loi par elle-même était vide, et elle tira toute sa plénitude de Notre-Seigneur, et qu'on ne pouvait l'observer même que par sa grâce et son soutien.

C'est pourquoi il a fallu qu'il ordonnât lui-même qu'on remplît ces vases. Il ne les remplit pas par lui-même mais par ses ministres, parce que l'ancienne loi et toutes les grâces que Notre [Seigneur] y accorda ne furent données que par le moyen et l'intermédiaire des Anges. Il y fit mettre de l'eau pour montrer quelle était la substance de l'ancienne loi, faiblesse et nullité. Tout le bien qui y était ne venait pas d'elle, elle n'avait que de l'eau.

« Jésus changea ensuite cette eau en vin, cette eau de la loi ancienne fut changée dans le vin de la loi nouvelle, dans la loi de la grâce qui est substantielle et possède en elle toutes les qualités que représente le vin. - Ce vin était incomparablement meilleur que le premier qu'on avait servi. Les grâces qui étaient communiquées dans la loi ancienne ne venaient pas de la loi, mais de Notre-Seigneur; c'était du vin, mais du vin médiocre en comparaison de celui de la loi de grâce. Cela représente la grande supériorité des grâces communiquées dans la loi nouvelle, sur celles communiquées du temps de la loi ancienne. »

Libermann, Commentaire de l'Evangile de saint Jean,

Paris, Desclée de Brouwer 1957,

texte disponible sur https://www.spiritains.org/


[1] Libermann, Notes et Documents, Paris, tome I, p.99, note.

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