Le peintre vénitien Domenico Veneziano (v. 1400 - 1461), surnom de Domenico di Bartolomeo, a vécu à Florence et à Sienne. Il a joué un grand rôle au sein de l’école florentine du quattrocento, car il est à l'origine de l'usage d’une palette de tons très clairs et lumineux, ainsi que de la création de grands espaces épurés. Son Annonciation, réalisée vers 1445, reflète cette esthétique.
L’Annonciation de Domenico Veneziano (1290-1348) est le panneau central de la prédelle qui constituait la base du retable de Santa Lucia dei Magnoli à Florence, appelé Sacra Conversazione.
Le décor ressemble à un palais. Le peintre n'a pas cherché à représenter la maison de Nazareth, car le décor ne cherche pas à être réaliste. La scène se passe-t-elle dans une cellule, une cour intérieure ou à l'entrée d'un jardin ? Le décor permet un jeu de perspective qui, comme nous l'expliquerons, permet de transmettre le message essentiel. Les couleurs sont lumineuses et confèrent également à cette scène, dont la représentation est épurée, une atmosphère surnaturelle.
La Vierge Marie incline la tête, en signe d’humilité. Elle est debout tandis que l'ange est agenouillé devant elle et attend sa réponse (cf. Lc 1, 38) et croise les mains sur sa poitrine.
L'ange lève son index, indiquant le ciel d’où il vient et auquel il se réfère pour transmettre son message. Son geste indique clairement qu’Il parle de Dieu. Il tient en main un Lys, symbole de la virginité de Marie.
Dans une peinture en perspective, les lignes perpendiculaires au plan de base convergent en un point (le point de fuite) et les éléments sont proportionnellement plus petits à mesure qu'ils s'approchent de ce point.
Les éléments que l'œil situe dans la perspective sont la Vierge Marie et l'ange Gabriel : ils représentent le récit de l'Annonciation, dans le monde créé, dans le temps de l'histoire.
La porte du fond dans la muraille crénelée est celle d'une ville (symboliquement la cité Sion), forcement très solide, qui ferme le jardin clos de la Vierge. L’Hortus conclusus est le symbole de la Virginité de la Vierge Marie.
Un détail échappe cependant aux lois de la perspective en ce tableau. La porte de la muraille cache le point de fuite ; son verrou a une proportion qui brouille l'effet de perspective ; deux fenêtres de même largeur que cette porte, flanquées sur l'arcade centrale, tendent à faire "venir" cette porte l'avant.
Ainsi, cette porte n'entre pas dans la perspective, elle lui échappe, elle est non commensurable parce qu'elle est la figure de l'Incarnation.
La porte est un symbole du Christ, selon ce qui est dit dans l’Évangile de st Jean :
"Jésus est la porte" (Jn 10, 9)
Mais la porte est également symbole de la Vierge (dont la virginité est également symbolisée par une porte fermée). La porte c'est Jésus dans la Vierge (tout le tableau représente donc ce qui se passe en Marie).
C’est également la maîtrise des lois de la perspective, et la capacité d'effacer la mise en perspective de cette porte, qui permettent au peintre de représenter l'entrée de l'éternité dans le temps, le contact entre le divin et l'humain.
Sources :
Daniel Arasse, l'Annonciation italienne, Edition Hazan, Paris 1999, p. 9-38.
Daniel Arasse, Histoires de peintures, chap. 5 : Perspective et Annonciation. Denoël, 2004.
-sur l’Annonciation, dans l’Encyclopédie mariale
www.mariedenazareth.com/index.php
-sur l’Annonciation dans l’art, dans l’Encyclopédie mariale
-sur le jardin clos (Hortus conclusus), figure de Marie, dans l’Encyclopédie mariale
F. Breynaert et l’équipe de MDN.