Le théâtre médiéval


 

Dès le X° siècle, dans la chrétienté médiévale, l'Église offrait à la population des fêtes-spectacles de plusieurs jours, destinées à mettre en scène l'Histoire Sainte (mystères) et la vie des saints (miracles), à des fins d’édificationParmi ces miracles, les Miracles de Notre-Dame occupent une place importante dans la littérature mariale médiévale.

 

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La mise en scène de l’Histoire sainte

Les récits bibliques furent une source de représentation, sous la forme de mystères sacrés. Les fêtes patronales, le culte des reliques, les processions et la présence des jongleurs encouragent en effet une évolution vers la représentation:  la Nativité du Christ, la Passion et  la Résurrection du Seigneur, la résurrection de Lazare, la délivrance de Daniel de la fosse aux lions, etc. vont être progressivement insérées comme des jeux liturgiques, dans les lieux sacrés. On s’inspirait également du martyrologe pour mettre en scène la vie des saints.

Ces représentations furent données d’abord dans le chœur des églises, puis au parvis des églises, et enfin dans la rue. Dès le XIIe siècle, il existait des représentations en langue vernaculaire, qui s’affranchirent peu à peu des cérémonies religieuses. 

Au XIIIe siècle, l’instauration de la  Fête-Dieu[1] par le pape Urbain IV, en 1264, permit d’organiser des processions, et des tableaux vivants qui représentent des scènes de l’Écriture sainte.

Les miracles                      

Les miracles faisaient également partie de cette littérature dramatique. Les miracles servaient d’exemplum, d’exemple à valeur argumentative[2], utilisé à des fins d’édification. Le plus fameux est le Miracle de Théophile, qui raconte l’histoire d’un jeune clerc sauvé de peu de la damnation, grâce à la Vierge Marie : il fait partie intégrante de la littérature mariale (Miracles de Notre Dame) : Gautier de Coinci[3] et Rutebeuf en sont, au XIIIe siècle, les écrivains les plus célèbres. La dévotion à la Vierge Marie était en effet en plein essor :

« elle inspira en Italie les laudes, sorte d'oratorios mi-narratifs mi-lyriques, empreints d'un ardent mysticisme, que des confréries d'obédience franciscaine présentaient dans leurs oratoires, et, en France, les « miracles de Notre-Dame »[4] .

Le  théâtre médiéval sacré comportait ainsi différents genres dramatiques : drame liturgique ou semi liturgique, miracles, mystères, etc.

Les Jeux

Au XIIe siècle apparut le Jeu, sorte de drame liturgique beaucoup plus long (100 à 1000 vers). Il se caractérise par l'introduction d'anecdotes ou de légendes populaires sur le thème religieux. On peut citer le Jeu de Daniel, ou Ludus Danielis, drame liturgique médiéval en latin datant du XIIe siècle (v.1140), basé sur le Livre de Daniel[5], et le Livre de Jeux de Fleury, qui nous offre une collection médiévale de drames liturgiques en latin, et qui date du XIIIe siècle. Ces premiers textes dramatiques en latin étaient chantés.

Le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, écrit vers 1200, est la première pièce non liturgique écrite en français; Adam de la Halle sera l'un des premiers à écrire des jeux profanes avec le Jeu de la Feuille (1276) et le Jeu de Robin et Marion : les actions s'exprimeront à travers le chant et la danse.

Les mystères

Le mystère, initialement orthographié mistère (du latin médiéval misterium, « cérémonie »), est un genre théâtral apparu au XVe siècle. Eustache Mercadé,  mort en 1440, est l'auteur présumé de l'un des premiers mystères français connus à ce jour:  Le Mystère de la Passion, appelé communément la Passion d'Arras, dont on sait qu'il a été joué à Arras vers 1420-1430 et à Metz en 1437. Ce mystère, qui compte 24 944 octosyllabes, se déroule en quatre journées. Le prologue met en scène  le « procès du Paradis » où Dieu entend les témoignages de Justice et Miséricorde sur les méfaits de Satan dans le monde. Dieu décide alors d'y envoyer son fils pour le rachat de l'humanité. Les trois premières journées sont consacrées à la vie de Jésus sur terre, de la naissance à la passion. Lors de la quatrième journée, il remonte au ciel pour rendre compte de son œuvre de rédemption[6].

Les farces et soties (XIVe et XVe siècle)

La farce, qui fait également partie de la littérature dramatique médiévale, est apparue au XIIIe siècle, pour se développer en France et en Allemagne aux XIV et XVe siècles : œuvre comique, elle présente des situations et des personnages ridicules qui permettent de représenter tromperies, mystifications et incompréhensions (badins).

La sotie, second genre du théâtre comique médiéval, met en scène des sots et sottes, confrontés à un tribunal, ou exploite un thème satirique par une action réaliste ou un événement.

Le comique s’est ainsi mêlé au sacré et l’a désacralisé. Le Diable devint un personnage de plus en plus important, la plupart du temps humoristique.

Dans un mystère de Noël, les bergers, au lieu d'apporter des cadeaux à l'enfant Jésus, lui en demandent, et se plaignent amèrement auprès de Marie de la méchanceté des loups qui ravagent leurs champs.

Ailleurs, la mère de Jésus se plaint de n'avoir pas de langes pour envelopper l'enfant. Joseph lui donne une vieille paire de pantalons, ce qui provoque la colère des deux servantes…

Source :

-Henri Rey-Flaud. « Mystères (théâtre médiéval), In : Encyclopaedia Universalis.

-Robert Pignarre. Histoire du théâtre occidental, In : Encyclopaedia Universalis.

- Pierre Lorson sj, « Notre Dame dans la littérature allemande », In :  Hubert du Manoir, Maria, tome 2, Beauchêne Paris 1952, p. 75.

 

[1] La fête-Dieu, ou fête du saint-Sacrement (2e dimanche après la Pentecôte) commémore la présence de Jésus-Christ dans le sacrement de l'Eucharistie.

[2] Les miracles étaient utilisés dans la liturgie.

[3] Les Miracles de Notre Dame de Gautier de Coinci comportent aussi des chansons.

[4] R.Pignarre. Histoire du théâtre occidental, In : Encyclopaedia Universalis.

[5] L’une des deux versions que nous conservons est accompagnée d'une musique monodique.

[6] On retrouve par la suite le thème du « procès du Paradis » dans d'autres mystères tel que Le Mystère de la passion d'Arnoul Gréban ; d’autres mystères mettent en scène le siège d’Orléans (1439),  les Actes des Apôtres (S.et A.Gréban), saint Martin (André de la Vigne, 1496), saint Louis (Pierre Gringore, 1514), etc.

 

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Pour en savoir plus

 

-sur chansons mariales des troubadours et trouvères (XIIIès), dans l’Encyclopédie mariale

-sur chansons mariales de Gautier de Coincy (XIIIès), dans l’Encyclopédie mariale

-sur légendes, miracles et mariales (littérature médiévale), dans l’Encyclopédie mariale

-sur le miracle de Théophile, dans l’Encyclopédie mariale

-sur les prières à Marie dans les chansons de geste des XII et XIIIe siècles, dans l’Encyclopédie mariale

-sur la poésie lyrique, le lied allemand (XVe s.), dans l’Encyclopédie mariale

-sur la Vierge Marie dans la littérature (et chansons), dans l’Encyclopédie mariale

 

Isabelle Rolland.