Le genre littéraire de l’homélie trouve sa source dans la Bible (Esdras, premier modèle de prédication, et le Christ dans les évangiles). Il se développe dans les synagogues et, plus tard, dans la chrétienté, avec les Pères de l’Eglise (dont saint Augustin, auteur de près de 500 sermons, et saint Grégoire le Grand). À partir du XIe et surtout au XIIe siècle, va se développer un art de prêcher, véritable genre littéraire, utilisant les ressorts de la rhétorique et les sermonnaires. Cet art oratoire est transmis au moyen de manuscrits que les acteurs religieux vont s'échanger à travers toute l’Europe.
Les célèbres sermons latins de Raoul Ardent, chapelain de Richard 1er, de Gerbert, d’Aimoin de Fleury, d’Abbon de Saint-Germain-des-Prés, de saint Anselme de Cantorbery, le docteur magnifique, vont circuler et susciter une véritable littérature de sermons, en vue de l’édification des fidèles et pour lutter contre les hérésies.
Une véritable littérature de sermons, sous la forme de manuels de prédication, va naître au début du XIIe siècle, grâce à Bernard de Chartres, à Pierre Abélard, à l'abbé bénédictin Guibert de Nogent et au moine augustin Hugues de Saint-Victor. Foulques de Neuilly, Jean de Nivelle et Maurice de Sully, vont permettre la résurgence de l’art oratoire (artes prædicandi) par des procédés rhétoriques spécifiques, propres à diffuser les connaissances théologiques. Alain de Lille (XIIe siècle), qui fut recteur de l’université de Paris, puis se retira au monastère de Cîteaux, va développer l’art de prêcher dans sa Somme de prédication (Summa de arte predicatoria) : il y propose des plans types et des florilèges de citations de la Bible, de pères de l’Église et d’auteurs antiques, adaptés aux différents thèmes traités.
Les sermons vont se détacher peu à peu du cadre liturgique, et ne sont plus à proprement parler des homélies, mais des enseignements à caractère théologique. Les sermonnaires (auteurs de sermons et recueils de sermons) vont circuler et offrir des modèles aux prédicateurs, qui utilisent également des recueils de récits exemplaires (exempla), des analogies, des histoires tirées de la Bible, en vue de l’édification des fidèles : éducation morale et spirituelle vont donc de pair dans ces discours de vérité, construits de façon à captiver l’auditoire.
Saint Bernard de Clairvaux a composé plus de 120 sermons, Jacques de Vitry, cardinal-évêque des XIIe-XIIIe siècles, plus de 400.... Peu à peu, les moines des ordres mendiants, dominicains ou franciscains, parcourent l'Europe en prêchant dans les églises comme dans les rues. Leurs sermons ne sont plus obligatoirement liés à la liturgie du jour. Ainsi, saint Dominique et saint François d’Assise offrent à la prédication populaire un immense essor. L’art oratoire décline cependant dès le XIIIe siècle : le sermon, envahi par cet art oratoire, devient peu à peu de la pure rhétorique, au détriment de l’éloquence sacrée.
Il existe plusieurs cycles de sermons :
À ces grands cycles de sermons viennent s’en ajouter d’autres, dont ceux du cycle de la Vierge Marie : aux fêtes de la purification, de la Visitation, de l’Assomption et de la Nativité. Ce cycle est souvent intégré aux grands cycles comme Mariale.
Les théoriciens médiévaux articulaient le recours à l'inspiration divine et la rhétorique humaine. L’art de prêcher offrait ainsi une somme d’outils permettant de nourrir et d’illustrer les homélies : distinctiones[1], exempla[2], autorités[3], figures d’amplification telles que les similitudes et les métaphores...
[1] Le genre littéraire des distinctions bibliques est apparu à la fin du XIIe siècle avec Pierre le Chantre et Alain de Lille : ce sont des schémas qui s’appuient sur un réseau de citations de l’Écriture .Ces distinctions proposent ainsi des sens multiples pour chaque mot présent dans les récits bibliques et permettent l’interprétation.
[2] Les exempla étaient souvent tirés des recueils de miracles et permettaient d’illustrer les propos. L’un des plus célèbres est le Miracle de Théophile, souvent utilisé dans les sermons médiévaux pour exhorter les fidèles à la pénitence et à la confession.
[3] Le recours à des citations d’auteurs introduit une polyphonie dans le discours et une autorité fondée sur la tradition.
-sur les sermons marials (littérature médiévale), dans l’Encyclopédie mariale
Isabelle Rolland