Chartres : Marie et les verrières, vitraux, rosaces…


 

La Vierge Marie est représentée 175 fois dans la cathédrale de Chartres, à la fois dans la statuaire et dans les vitraux, et c’est notamment la vertu de Sagesse de Marie qui est exaltée. Marie, en ce lieu, nous présente son fils. La cathédrale tout entière célèbre ainsi l'incarnation, par une catéchèse mariale que l’on peut qualifier de christocentrique.

 

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La Vierge Marie dans les vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Chartres

La Vierge Marie est présente dans les vitraux, en différents lieux et de différentes façons : dans sa vie, de façon narrative, mais aussi dans des représentations symboliques, conformes à la mariologie[1].

Dans l’axe même de l’église, au sommet d’un vitrail consacré à l’Annonciation et à la Visitation (vitrail haut dans l'axe du chœur, baie n°100), la Vierge apparaît portant l’Enfant sur ses genoux. Comme l’écrit Émile Mâle[2],

« Sa haute couronne, ses yeux démesurés, sa solennité hiératique lui confèrent une grandeur surnaturelle. Elle perpétue un type archaïque, car elle ressemble à la Vierge sculptée au portail royal et à Notre-Dame de la Belle Verrière. Elle est vraiment Notre-Dame de Chartres, et on la retrouve plusieurs fois sous le même aspect dans les roses ou dans les verrières ».

Lancettes de la rosace Ouest (XIIe siècle)

La Vierge Marie en majesté, sous forme de Sedes sapientiae, entourée d'une mandorle, tenant deux sceptres fleuris, signe de sa double royauté sur les Anges et sur la Terre. Les sceptres sont fleuris de fleur de lys, symbole de virginité. Lancette centrale de la rose Ouest (vitrail de l’enfance du Christ, n° 50). Cathédrale de Notre-Dame de Chartres : Michelet- (talk) 07:01, 6 November 2016 (UTC), Public domain, via Wikimedia Commons.

Les vitraux de la rose ouest  datent du XIIe siècle. Elles représentent trois temps liturgiques :

- l'attente du Messie, grande verrière de l'arbre de Jessé ;

- le temps de l'Avent et de Noël, grande verrière de la Vierge et l'enfance de Jésus ;

- le temps de Pâques dans la troisième grande verrière.

L'Ancien et le Nouveau Testament sont ainsi reliés à travers la grande verrière de la Vierge et de l'enfance de Jésus.

La Vierge Marie est représentée plusieurs fois dans le vitrail de l’enfance du Christ : Annonciation et Visitation, Nativité, adoration des mages, Fuite en Égypte, et enfin en haut du vitrail, sous forme de Vierge en majesté (sedens sapientiae, cf illustration ci-dessus).

Elle est également représentée dans l’arbre de Jessé (lancette de droite).

Le vitrail de la mort et de l’Assomption de Marie (XIIIe s.)

Détail du vitrail de l’Assomption de Marie (n°42). Le Christ couronnant la Vierge. XIIIe siècle. Cathédrale de Notre-Dame de Chartres : Michelet- (talk) 07:01, 6 November 2016 (UTC), Public domain, via Wikimedia Commons.

 

Le vitrail de la mort et de l’Assomption de Marie, appelé aussi vitrail du Couronnement de la Vierge, de la Glorification de Marie, ou de la Dormition de la Vierge (n°42),  est situé dans le bas-côté sud de la cathédrale (4è vitrail).

Ce vitrail, conforme la tradition orientale et au récit apocryphe judéo-chrétien appelé "Transitus »[3] rapporte la fin de la vie terrestre de Marie (Dormition), son élévation au ciel (Assomption[4]) et son couronnement par Jésus[5].

 

Ce vitrail représente :

  • Les apôtres au chevet de Marie
  • Le Christ recevant l'âme de la Vierge
  • Un catafalque est porté en procession
  • Des anges encensent la scène des funérailles
  • La Mise au tombeau
  • L’Assomption
  • Le couronnement de la Vierge
  • Les anges apportent une couronne

 

Notre-Dame de la belle Verrière (XIIe siècle)

Le vitrail de la belle verrière (voir illustration en haut de la page) est situé dans le déambulatoire sud de la cathédrale. Il représente Marie comme «Sedes Sapientiae», trône de la Sagesse. La Vierge est assise sur un trône et sert elle-même de trône à son Fils, lui qui est la Sagesse du Père. Elle est également présentée dans son rôle d’intercession, avec la représentation dans le miracle des Noces de Cana, qui se site dans la partie inférieure de ce même  vitrail.  La partie de ce vitrail qui représente la Vierge Marie illustre le fameux « bleu de Chartres », du XIIe siècle, réalisé à base d'oxydes de cobalt, ainsi que les vitraux  de l'Arbre de Jessé, de l’enfance du Christ et de la Passion du Christ du portail ouest.

La rose Nord

Rose Nord de la cathédrale de Chartres : glorification de la Vierge. Michelet, Dom. pub., via Wikimedia Commons.

La rose est le symbole de la matière épanouie et vivante. Par son parfum, elle rappelle la grâce et la sainteté, les états impalpables de l'existence.

Au Moyen Age, la rosace gothique marque le passage du symbolisme de la rose à celui de la roue. La roue exprime la perfection, mais aussi le mouvement du devenir, de la création continue. Les rosaces sont à la fois des roues de la vie et des roses de lumières. Une rosace s'épanouit à partir de son centre, point de vie.

La rosace nord, associée à l'étoile polaire et à la nuit et reliée à l’Ancien Testament[6], représente la glorification de la Vierge[7] et de son Fils. La Vierge Marie, tenant son Fils sur les genoux, en occupe le centre. Le 1er cercle qui entoure la Vierge Marie est occupé par des colombes et des anges : des thuriféraires, des céroféraires et des séraphins. Dans le 2e cercle trônent les rois de l’Ancien Testament des royaumes de Juda et d’Israël[8], dont David et Salomon, les ancêtres du Christ, portant ici couronne et sceptre. Au-dessous de la rose, les lancettes représentent sainte Anne au centre[9], entourée de Melchisédec[10], d’Aaron et de son bâton fleuri, symbole de la maternité virginale de Marie, du roi David et de Salomon. Le roi saint Louis est représenté sous les traits de Salomon, en hommage à sa sagesse légendaire, et pour figurer la continuité du royaume d’Israël dans la monarchie française. Toutes ces figures de l'Ancien Testament représentent également l'humanité qui attend la lumière du Christ, et mettent en valeur la façon dont la Vierge est annoncée dès l’Ancien Testament. En outre, la rose est située non loin du voile de la Vierge Marie, qui se trouve dans le déambulatoire Nord. Toute la rosace est dans les teintes bleues. 

Le vitrail des miracles de la Vierge (XIIIe siècle)

Détail du vitrail des Miracles de la Vierge (n°38) : La Vierge en majesté. Michelet, Dom. pub., via Wikimedia Commons.

Le manuscrit latin des Miracles de Notre-Dame de Chartres (Miracula B. Marie Virginis in Carnotensi ecclesia facta), conforme à la tradition médiévale des Miracles de la Vierge Marie, a été la source d’inspiration de ce vitrail (n°38), appelé vitrail des Miracles de Notre-Dame. Il se situe  dans la nef (sixième et dernier vitrail du bas-côté sud),  entre la chapelle de Vendôme et le transept.

La Vierge Marie y est représentée plusieurs fois :

  • deux fois dans le groupe de médaillons du bas:
    • dans le médaillon central, la Vierge, priée par les pèlerins, est représentée conformément à  la vierge dorée qui se trouvait sur le maître autel de Chartres ;
    • dans le médaillon du haut, qui évoque le miracle de l'apparition de la Vierge à Chartres un samedi soir. Marie apparaît en majesté, portant l'enfant Jésus sur les genoux, entourée de deux anges. La statue est similaire à celle de Notre-Dame du pilier (qui se trouve à l'entrée nord du déambulatoire.
  • Une fois dans le groupe de médaillons du haut du vitrail, qui, dans le médaillon central, représente la Vierge en majesté, conformément à la représentation de Notre-Dame sous-terre (voir illustration ci-dessus)[11].

Source :

-Emile Mâle. Notre-Dame de Chartres. Paris : Flammarion, 1994.

- Felix F. Schwarz, Symbolique des cathédrales, visages de la Vierge, éditions du huitième jour, Paris 2003, p. 120-164

 

[1] Dans le médaillon du bas sont représentés les deux saints évêques Yves de Chartres et Fulbert de Chartres, qui sont liés à la reconstruction de la cathédrale de Chartres après l’incendie de 1020. Fulbert tient une maquette de sa cathédrale ; à gauche de la Vierge, les deux prophètes Isaïe et Jérémie, et à droite les deux prophètes Ézéchiel et Daniel ; en haut, deux anges thuriféraires encensent la Vierge à l'Enfant.

[2] E.Mâle. Notre-Dame de Chartres. Paris : Flammarion, 1994.p.150.

[3] Selon cette tradition, Marie rencontre sur le mont des Oliviers un ange qui lui remet une palme de l'arbre de vie et lui annonce sa mort prochaine. Marie rentre chez elle et fait part de la nouvelle à son entourage. Miraculeusement, les apôtres reviennent des différents endroits où ils sont partis prêcher, afin de l'entourer. Jésus apparaît entouré d'anges pour recevoir l'âme de sa mère, qu'il confie à l'archange Michel. Les apôtres enterrent le corps au pied du mont des Oliviers. Quelques jours plus tard, Jésus apparaît de nouveau et emporte le corps au Paradis, où l'âme et le corps de Marie sont réunis.

[4] En Occident, la Dormition est célébrée à partir du VIIe siècle, et l’Assomption, c’est-à-dire la résurrection de Marie et son élévation au ciel, se répand au VIIIe siècle. La fête de l'Assomption, a été fixée au 15 août dès le VIe siècle par l'empereur byzantin Maurice. Cette baie témoigne ainsi de la longue antériorité de la tradition dans l'Église catholique de ce qui deviendra le dogme de l'Assomption, qui sera proclamé par Pie XII en 1950. La rose Nord a été offerte par Blanche de Castille et saint Louis.

[5] Le couronnement de Marie est également représenté au tympan et au linteau du portail nord.

[6]En effet, les représentations qui se situent au nord sont dédiées à l’Ancien Testament ou à tout ce qui n’’appartient pas au Nouveau Testament.

[7] La rose Nord a été offerte par Blanche de Castille et saint Louis.

[8]Deux royaumes antiques et rivaux qui occupaient l’actuel Israël.

[9]En 1204, la cathédrale avait reçu, suite à la prise de Constantinople, la relique du crâne de sainte Anne – relique qui ajoutait au prestige du sanctuaire de Chartres. Sainte Anne est d’ailleurs représentée à l’extérieur du portail Nord, portant Marie, sur le  trumeau de la baie centrale.

[10]Melchisédec est représenté portant le pain et le vin, symboles de l’eucharistie.

[11]Dans le médaillon du bas sont représentés les deux saints évêques Yves de Chartres et Fulbert de Chartres, qui sont liés à la reconstruction de la cathédrale de Chartres après l’incendie de 1020. Fulbert tient une maquette de sa cathédrale ; à gauche de la Vierge, les deux prophètes Isaïe et Jérémie, et à droite les deux prophètes Ézéchiel et Daniel ; en haut, deux anges thuriféraires encensent la Vierge à l'Enfant.

 

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Pour en savoir plus

 

-sur la cathédrale de Chartres, dans l’Encyclopédie mariale

-sur l'art marial gothique, dans l’Encyclopédie mariale

-sur la vie de la Vierge, dans l’Encyclopédie mariale

-sur légendes, miracles et mariales (littérature médiévale), dans l’Encyclopédie mariale

 -sur Marie, trône de la Sagesse, dans l’Encyclopédie mariale

-sur l'arbre de Jessé, dans l’Encyclopédie mariale

-sur Assomption, humilité et intercession de Marie (St Ambroise d'Aupert †778), dans l’Encyclopédie mariale

-sur Ct 3, 11 : Il posa sur sa tête le diadème royal (St Antoine de Padoue + 1231), dans l’Encyclopédie mariale

-sur l'Assomption de Marie, dans l’Encyclopédie mariale

 

F. Breynaert et Isabelle Rolland.