(Dans l'expression usuelle « saint empire romain germanique », l'adjectif « saint » n'est attesté qu'en 1157 et le complément « germanique » n'est ajouté qu'au XV° siècle).
Otton Ier, (Otton le grand) : un empereur protège et dirige l'Eglise.
Après Charlemagne, l'empire Carolingien est divisé en trois parties, occidentale, médiane, orientale. Du côté oriental, ou germanique, Otton Ier se fait couronner dans la cathédrale d'Aix-la-Chapelle (dédiée à Marie), le 7 août 936, et il fait vœu de protéger l'Église.
Après sa victoire sur les Hongrois en 955 à la bataille du Lechfeld près d'Augsbourg, le pape Jean XII l'appelle à Rome pour lui proposer la couronne d'empereur. À cette époque, le pape est menacé par les rois régionaux italiens et espère s'attirer les grâces d'Otton en lui faisant cette offre. Le cri à l'aide du pape montre également qu'Otton est le successeur légitime de Charlemagne.[1]
Otton Ier est ainsi couronné empereur à Rome, le 2 février 962.
Cette date est ordinairement retenue comme la date de fondation du Saint Empire romain.
Dès lors, l'empereur Otton Ier peut nommer tous les prélats de l'Empire. Il les recrute au sein de la chapelle royale, où ils ont été formés et où leur personnalité a été jugée. Une fois désignés, ils reçoivent du souverain l'investiture. Celui-ci leur remet les insignes de leur fonction, la crosse et l'anneau ; à leur mission spirituelle, il associe des tâches temporelles et leur délègue les pouvoirs nécessaires pour les remplir. Ainsi l'autorité impériale était-elle relayée par des hommes compétents et dévoués.
Non sans risque, l'Eglise de Rome s'est alors positionnée comme servante de l'Allemagne triomphante. Qu'adviendrait-il le jour où le souverain germanique ne voudrait plus ou ne voudrait plus lui donner son appui ? Et qu'adviendra-t-il de l'unité avec l'Eglise byzantine ?
Pire, à Rome, le pape Jean XII scandalise par ses mœurs dépravées, et rien ne parvient à le corriger. Or, l'Eglise, au lieu de le juger directement, demande à l'empereur de le chasser du siège apostolique. Précédent d'une incalculable portée ! Tous les antipapes créés par les empereurs durant les siècles suivants seront opposés aux pontifes légitimes par un procédé aussi sommaire. Un simple laïc, Léon fut rapidement élu, reçut tout aussi rapidement les ordres et devint pape (le pape Léon VIII)[2].
Piété mariale.
Durant le règne d'Otton Ier, le recours à la bienheureuse Vierge Marie est limité. Ses fêtes liturgiques sont bien sûr célébrées mais elle n'est mise en rapport ni avec les souveraines ni avec l'exercice du pouvoir.
A partir du règne d'Otton II (973-983), Marie devient un exemple de vertu pour l'impératrice ou un rempart pour l'empereur. Otton II.
Otton II épouse la jeune Théophano en faisant référence aux noces de Cana, et en 979, les époux créèrent à une abbaye bénédictine dédiée à la Vierge à Memleben[3]. Otton II meurt à Rome le 7 décembre 983, il n'a pas encore vingt huit ans.
Leur piété mariale se transmet aux générations suivantes. Conrad II[4], deux fois couronné roi - en Germanie en 1024 et en Bourgogne (1033) lors de fêtes mariales, choisit pour église dynastique Notre Dame de Spire dès le début de son règne, il y fait une forte donation et présente ce geste comme l'accomplissement d'une promesse, ce qui laisse à penser qu'il avait voué à la Vierge sa candidature au trône.
La querelle des investitures et la réforme grégorienne.
La "Protection" impériale sur l'Eglise est structurellement déplacée, elle dénature l'origine spirituelle de l'Eglise, elle dure trop longtemps et prend trop d'ampleur.
Avec Henri III et Henri IV, le rapport entre le pouvoir et la religion génère des tensions de plus en plus graves. Henri IV (1056-1106) est excommunié en l'an 1076 pour s'être estimé supérieur au pape. Après sa pénitence à Canossa, l'excommunication est levée mais le roi reste déchu. L'évêque de Mayenne a sacré un autre roi, Rodolphe. Henri IV se considère encore est roi et entre en guerre, dans sa débâcle, il se réfugie dans l'église de Spire ; ce choix se comprend pour une raison religieuse, Conrad II avait choisi pour église dynastique Notre Dame de Spire dès le début de son règne, mais aussi pour une motivation politique : Spire est une ville libre, c'est-à-dire directement subordonnée à l'Empereur et non à un État membre. Toujours est-il qu'il n'y eut point de miracle : l'empereur resta déchu.
La mainmise des laïcs sur le clergé est telle qu'elle finit par susciter une réaction de l'Église. En 1059, le pape Nicolas II réserve l'élection du pape au collège des cardinaux. Puis, en 1075, Grégoire VII, dans les dictatus papae, retire aux souverains la nomination des évêques. Cependant, il faut attendre 1122, pour que, par le Concordat de Worms, l'empereur accepte la libre élection des évêques, se réservant le droit de donner aux prélats l'investiture temporelle.
Le conflit rebondit encore sous le règne de Frédéric Barberousse puis de Frédéric II.
La fin de l'Empire.
L'empire disparaît complètement le 6 août 1806 lorsque l'empereur François II dépose sa couronne pour n'être plus qu'empereur d'Autriche.
[1] Cf. Francis RAPP, Le Saint Empire romain germanique. D'Otton le Grand à Charles Quint, Paris, 2000.
[2] Cf. E. AMMAN, A DUMAS, Histoire de l'Eglise tome VII, sous la direction de A. FLICHE et V MARTIN, L'Eglise au pouvoir des laïques, Bloud&Gay, Paris 1942, p.51-61
[3] Cf. Patrick CORBET, « Les impératrices ottoniennes et le modèle marial », dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p.129
[4] Patrick CORBET, p. 130
Synthèse F. Breynaert