Avez-vous jamais rencontré quelqu'un qui ait été déçu par Dieu ?
Surpris, oui. Décontenancé par le mystère de ses choix, pris de court par ses décisions, remis cent fois en route au moment du repos, oui ; mais déçu ? – Non. C'est impossible.
Même lorsqu'il nous semble que c'est nous qui faisons les frais, nous qui nous sacrifions, nous qui sommes perdants, c'est toujours Dieu qui investit son amour dans l'aventure du salut du monde, et même dans l'aventure de notre propre salut :
"En vérité, dit Jésus, nul n'aura laissé maisons, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs, à cause de moi et à cause de l'Évangile, sans recevoir au centuple !"
Il est mystérieux, ce centuple du Seigneur. Impossible de compter, de vérifier, et pourtant le compte y est toujours, et notre cœur ne s'y trompe pas, même s'il est toujours trop petit pour les merveilles de Dieu. Et le centuple de Dieu nous vient en deux temps :
Ce temps-ci, le maintenant du monde, est encore le temps du mélange : des frères, des sœurs, des enfants, certes, à perte de vue, plus que notre cœur n'en peut contenir, du bon blé, trente, soixante, ou cent pour un, mais en même temps "des persécutions", donc de l'ivraie, des incompréhensions, des inimitiés, des lâchages, des solitudes, plus que notre cœur n'en pourrait supporter s'il n'était déjà livré "à cause de Jésus et de son Évangile".
Le deuxième temps, sans mesure, ce sera le repos en Dieu, et le centuple désormais sans mélange, ce que Jésus appelle la vie éternelle : la vie face à Dieu, avec Dieu, la vie en Dieu, qui récapitulera, multipliera, transcendera, tous les bonheurs et toutes les possessions.
"En vérité …"
(…) – Voilà ! Pour te suivre, nous avons tout quitté, même ce qui est le plus licite. Que nous arrivera-t-il donc ? Entrerons-nous dans ton Royaume ? demande Pierre.
– En vérité, en vérité, je vous dis que ceux qui m’auront suivi de cette façon, et qui me suivront — car, tant que l’on est sur la terre et que l’on a devant soi des jours où on peut réparer le mal commis, il est toujours temps de réparer sa paresse et les fautes perpétrées jusqu’ici — ceux qui me suivront seront avec moi dans mon Royaume. En vérité, je vous dis que, vous qui m’avez suivi dans la régénération, vous siégerez sur des trônes pour juger les tribus de la terre avec le Fils de l’homme, assis sur le trône de sa gloire. En vérité, je vous dis encore que personne n’aura, par amour de mon nom, quitté maison, champs, père, mère, frères, sœurs, époux et enfants pour répandre la Bonne Nouvelle et me continuer, sans recevoir le centuple en ce temps et la vie éternelle dans le siècle à venir.
– Mais si nous perdons tout, comment pourrons-nous multiplier nos biens par cent ? demande Judas.
– Je le répète : ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Et Dieu donnera le centuple de joie spirituelle à ceux qui, d’hommes du monde, auront su se rendre fils de Dieu, c’est-à-dire hommes spirituels. Ils jouiront de la vraie joie, ici et au-delà de la terre. J’ajoute que ce ne sera pas le cas de tous ceux qui semblent être les premiers et qui devraient l’être, ayant reçu plus que les autres. De même, ne seront pas derniers tous ceux qui semblent l’être, quand encore ils ne sont pas considérés comme moins que derniers, n’étant pas en apparence mes disciples et n’appartenant même pas au Peuple élu. En vérité, beaucoup de premiers deviendront derniers et beaucoup de derniers, de tout à fait derniers, deviendront premiers… Mais voilà Doco. Partez tous en avant, sauf Judas et Simon le Zélote. Allez m’annoncer à ceux qui peuvent avoir besoin de moi. (…)