Écoutons de nouveau Gabriel parler d'un enfant qui va naître. Cette fois il ne s'agit plus du Précurseur, mais du Messie lui-même ; et l'annonce n'est plus faite à Zacharie incrédule, mais à Marie servante, forte et douce dans sa foi.
"Tu lui donneras le nom de Jésus", dit l'Ange. Première chose étrange : c'est Marie qui nommera son fils, en l'absence d'un père humain à qui cela reviendrait. Quant au nom, Jésus, "Dieu sauve", il était depuis longtemps courant en Israël, puisque déjà du temps de Moïse c'était le nom de Josué, fils de Nun.
Mais ce Jésus annoncé à Marie sera un personnage hors-série. D'abord il sera "grand" ; non pas seulement "grand devant le Seigneur", comme Jean-Baptiste, mais grand absolument. Et l'Ange le décrit aussitôt comme le Messie attendu : "il sera appelé le Fils du Très-Haut". Dans le langage biblique, le fils du Très-Haut, c'était le messie, le roi oint, le fils de David adopté par Dieu. Cependant Jésus fils de Marie sera Messie en un sens tout nouveau, car non seulement il aura le trône de David son ancêtre, mais "son règne n'aura pas de fin".
Jusque-là Marie a pu deviner plusieurs choses au sujet de son enfant à naître : Elle nommera elle-même son fils, il sera le Messie, mais un Messie définitif. Dieu renchérit donc sur son plan de salut tel qu'il l'avait annoncé par les prophètes ! Et Marie, déjà, entre dans le plan de Dieu. Sa réponse est l'obéissance d'une croyante pleinement responsable. Elle ne dit pas : "C'est impossible !" ; mais elle demande : "Puisque cela se fera, comment cela se fera-t-il ?"
Le messager de Dieu utilise alors la question posée par Marie pour lui dévoiler ce que sa maternité aura d'inouï : "L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut fera ombre sur toi". Comme la Nuée, dans le désert, reposait sur la demeure de Dieu ou sur le peuple (Ex 40,34 ; Nb 9,18-22), la puissance efficace de Dieu, qui n'est autre que son Esprit Saint, va reposer sur Marie et faire grandir en elle, nouvelle Ève, les prémices de la nouvelle création. C'est pourquoi l'enfant à naître "sera saint", de la sainteté même de Dieu, et "il sera appelé Fils de Dieu", non plus seulement comme le roi adopté par Dieu, mais comme le Messie né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu.
Voilà donc le mystère de Jésus, dévoilé à Marie avec les mots de l'Alliance.
Et Marie, parce qu'elle est sainte, ne se dérobe pas au mystère. Parce qu'elle est humble, elle ne s'effraie pas du choix de Dieu ; parce qu'elle est d'avance toute donnée, elle avance vers l'inconnu en tendant sa main à Dieu : "Je suis la servante du Seigneur !"
Elle n'a pas besoin de précisions, de délais, ni d'assurances supplémentaires ; elle n'a pas besoin d'autre force que celle de Dieu : "Qu'il m'advienne selon ta parole !"
Réalisme de la foi, engagement total au service de Dieu : tel est le message que Marie nous apporte, au cœur de l'Avent, pour préparer en nous le chemin du Seigneur.
Il nous faut oser vivre et oser croire. Oser vivre en croyants, oser vivre de la foi ; croire dans la vie et vivre de ce que nous croyons. C'est ce que Marie a fait, à longueur d'existence, sur la base d'une vie journalière tout aussi étroite et pesante que celle des femmes de son temps, et dans un environnement social et politique tout aussi précaire et décevant que le nôtre.
Les grandes choses que Dieu a faites pour elle, il les a réalisées dans l'ordinaire et le quotidien de sa vie, et elle est devenue le témoin privilégié de l'Évangile sans cesser d'être elle-même, sans quitter ses limites, en se situant jusqu'au bout comme une servante de Dieu.
Mais elle a su ne pas manquer le passage du Seigneur, le grand moment de la foi : elle a eu le courage d'admettre que rien n'est impossible à Dieu. Elle a osé, parce qu'elle a cru ; et sa vie en a été transformée.
Enseignement de Marie :
Lorsque j’eus compris la mission à laquelle Dieu m’appelait, je fus comblée de joie ; de joie, mon cœur s’ouvrit comme un lys fermé, et il en sortit le sang qui servit de terreau au Germe du Seigneur.
Joie d’être mère.
Je m’étais consacrée à Dieu dès mon plus jeune âge, car la lumière du Très-Haut m’avait éclairée sur la cause du mal du monde, et j’avais voulu, pour autant que c’était en mon pouvoir, effacer en moi l’empreinte de Satan.
J’ignorais que j’étais sans tache. Je ne pouvais l’imaginer. Cette seule pensée aurait été de la présomption, de l’orgueil, car, étant née de parents humains, il ne m’était pas permis de penser que c’était moi l’Elue appelée à être l’Immaculée.
L’Esprit de Dieu m’avait instruite sur la douleur du Père devant la corruption d’Eve qui, alors qu’elle était une créature de grâce, avait voulu s’abaisser au niveau d’une créature inférieure. J’avais le désir d’adoucir cette douleur en élevant ma chair à une pureté angélique par la volonté de me garder inviolée de toute pensée, de tout désir et de tout contact humain. Mon cœur ne battrait que pour mon Dieu, mon être tout entier ne serait qu’à lui. Mais si je ne connaissais pas la fièvre brûlante de la chair, il y avait encore le sacrifice de ne pas être mère.
Exempte de tout ce qui maintenant l’abîme, la maternité avait aussi été accordée à Eve par le Père créateur. Sans la pesanteur de la volupté, comme cette maternité était douce et pure ! J’en ai fait l’expérience ! De quoi Eve ne s’est-elle pas appauvrie en renonçant à cette richesse ! Plus que de l’immortalité ! Que cela ne vous paraisse pas exagéré. Mon Jésus et moi, sa Mère, avec lui, nous avons connu la langueur de la mort. Pour ma part, le doux affaiblissement d’une personne fatiguée qui s’endort, et lui l’atroce anéantissement du condamné. La mort est donc survenue pour nous aussi. Mais la maternité sans violation d’aucune sorte, je suis seule à l’avoir connue, moi la nouvelle Eve, afin de pouvoir dire au monde quelle est la douceur du sort de la femme appelée à être mère sans souffrance aucune. Et le désir de cette maternité pure pouvait exister et existait réellement dans la vierge toute donnée à Dieu, parce qu’elle fait la gloire de la femme. Si en outre vous pensez au grand honneur dans lequel les Juifs tenaient la femme mère, vous imaginerez d’autant mieux quel avait été mon sacrifice en acceptant par mon vœu cette privation.
Or la Bonté éternelle accorda ce don à sa servante sans m’ôter la pureté dont j’avais été revêtue pour devenir une fleur sur son trône. Et j’exultais de la double joie d’être mère d’un homme et mère de Dieu.
Joie d’être celle par qui la paix réconciliait le Ciel avec la terre.
Oh ! Avoir désiré cette paix par amour de Dieu et du prochain, et savoir que c’est par mon intermédiaire à moi, pauvre servante du Tout-Puissant, qu’elle venait au monde ! Dire : “ Ô hommes, ne pleurez plus. Je porte en moi le secret qui vous rendra heureux. Je ne puis vous le révéler, parce qu’il est scellé en moi, dans mon cœur, tout comme le Fils de Dieu est enfermé dans mon sein inviolé. Mais déjà je vous l’apporte, et chaque heure qui passe rapproche le moment où vous le verrez et en connaîtrez le nom saint. ”
Joie d’avoir rendu Dieu heureux : joie de croyante pour son Dieu empli de joie !
Avoir ôté du cœur de Dieu l’amertume de la désobéissance d’Eve, de son orgueil, de son incrédulité !
Mon Jésus t’a expliqué de quelle faute le premier couple s’est entaché. J’ai effacé cette faute en remontant à rebours les étapes de sa descente. L’origine de la faute se situe dans la désobéissance (…)