Il faudrait être sans cœur pour tromper un enfant, pour le frustrer sans raison dans son désir, pour lui mettre en main un caillou et un serpent : des choses immangeables ou dangereuses.
Il nous faut parfois un effort pour nous montrer généreux envers un adulte, mais c'est tout naturellement que nous donnons aux enfants de bonnes choses, le meilleur des choses, celles qu'il nous demande, et même celles qu'ils ne savent pas demander parce qu'ils ne les connaissent pas encore.
Même quand notre cœur est dur, impatient ou soupçonneux dans la vie ordinaire, nous avons des trésors de tendresse tout prêts pour les enfants ; et par là, tout racornis que nous sommes, nous offrons pourtant une parabole de la tendresse de Dieu, "combien plus" grande et spontanée que la nôtre !
Et c'est une invitation à la confiance dans la prière : "Demandez, et vous recevrez".
Dans la vie courante, ce n'est pas habituel. Au contraire, on va de bureau en bureau, d'une maison à une autre, d'un ami à un autre, et souvent on n'obtient pas, on ne trouve pas, et personne n'ouvre, parce que les gens n'ont pas le temps d'accueillir ni d'écouter, parce qu'ils ne peuvent ouvrir ni leur porte ni leur cœur, parce qu'ils n'ont pas assez de liberté pour nous aider à devenir libres.
Dieu, lui, inverse le cours des choses :
Quand on lui demande, on reçoit, parce qu'il met sa joie à donner ; quand on le cherche, on le trouve toujours, parce que lui-même, le premier, se donne à voir et à entendre; quand on frappe à sa porte, il ouvre tout de suite, parce que déjà il attendait.
Cependant, cette certitude d'être entendus, exaucés, comblés, Dieu nous la fait vivre au niveau de la foi, et non pas de manière émotionnelle ; c'est pourquoi la prière demeure difficile.
Nous demandons, et Dieu répond dans la durée, selon son rythme à lui, qui pour nous est lenteur.
Nous cherchons, et parfois Dieu nous laisse avec notre question, parce qu'elle agrandit l'espace de notre cœur et qu'elle nous fait marcher vers lui.
Nous frappons : Dieu entend, Dieu répond, car il est déjà là, toujours là ; mais il nous laisse, librement, pousser la porte.
C'est bien ce que nous avons à faire avant tout, en carême, et pour le carême : pousser la porte que Dieu laisse toujours entrouverte, venir à lui comme le fils prodigue, lui redire, avec nos mots à nous, ce que Esther, dans sa détresse, lui disait si bien : "Viens me secourir, car je suis seule et je n'ai que toi, Seigneur, toi qui connais tout !"
Même la reine Esther n'avait que lui, le roi des dieux, le Dieu des rois ; et c'est le même Dieu qui nous exauce, nous, les tâcherons du Royaume, pas fiers de nous, mais fiers de lui : "Souviens-toi, Seigneur ; fais-toi connaître au moment de notre détresse !"
Souviens-toi, Seigneur, que tu as voulu l'Alliance avec nos pères ; souviens-toi, Jésus, de ces vingt siècles de la nouvelle alliance ; souviens-toi, Père, des humains que tu as choisis dans tous les temps, pour faire d'eux, en chaque temps, un peuple qui t'appartienne.
Nous-mêmes, Seigneur, nous nous souvenons que "tu as fait pour eux tout ce que tu avais promis", et nous faisons mémoire, en cette Eucharistie, de ta longue fidélité.
Il est bien vrai que nous n'avons que toi, comme tous tes pauvres sur la terre, mais avec toi, nous avons tout : il nous suffit de ton amour.
Quand vous serez au Ciel, vous vous nourrirez uniquement de Dieu. La béatitude sera votre nourriture. Mais, ici-bas, vous avez encore besoin de pain. Et vous êtes les petits enfants de Dieu. Il est donc juste de dire : “ Père, donne-nous du pain. ”
Avez-vous peur qu’il ne vous écoute pas ? Oh, non ! Réfléchissez : supposez que l’un de vous ait un ami et qu’il s’aperçoive qu’il manque de pain pour rassasier un autre ami ou un parent arrivé chez lui à la fin de la seconde veille. Il va trouver l’ami son voisin et lui dit : “ Mon ami, prête-moi trois pains, car il m’est arrivé un hôte et je n’ai rien à lui donner à manger. ” Peut-il s’entendre répondre de l’intérieur de la maison : “ Ne m’ennuie pas car j’ai déjà fermé la porte et bloqué les battants, et mes enfants dorment déjà à mes côtés. Je ne peux me lever et te donner ce que tu désires ” ? Non. S’il s’est adressé à un véritable ami et qu’il insiste, il obtiendra ce qu’il demande. Il l’aurait obtenu même s’il s’était adressé à un ami pas très proche, à cause de son insistance, car celui auquel il demande ce service, pour n’être plus importuné, se hâterait de lui en donner autant qu’il en veut.
Mais vous, quand vous priez le Père, vous ne vous adressez pas à un ami de la terre : vous vous tournez vers l’Ami parfait, qui est le Père du Ciel. Aussi, je vous dis : “ Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. ” En effet, à qui demande on donne, qui cherche finit par trouver, à qui frappe on ouvre la porte.
Quel enfant des hommes se voit présenter une pierre, s’il demande du pain à son père ? Qui se voit donner un serpent à la place d’un poisson grillé ? Le père qui agirait ainsi à l’égard de ses enfants serait criminel. Je l’ai déjà dit et je le répète pour vous encourager à avoir des sentiments de bonté et de confiance. De même qu’un homme sain d’esprit ne donnerait pas un scorpion à la place d’un œuf, avec quelle plus grande bonté Dieu ne vous donnera-t-il pas ce que vous demandez ! Car il est bon, alors que vous, vous êtes plus ou moins mauvais. Demandez donc avec un amour humble et filial votre pain au Père.