86 - Jésus parle avec le soldat Alexandre à la Porte des Poissons (mardi 6 juillet 27)

Evangiles

Pas de correspondance

Date :

Mardi 6 juillet 27

Lieu :

Jérusalem

 

Vision de Maria Valtorta :

86.1 Encore une aurore. Encore les défilés d’ânes qui se pressent près de la Porte des Poissons toujours fermée. Et encore Jésus avec Simon et Jean. Des marchands le reconnaissent et se groupent autour de lui.

Un soldat de garde accourt lui aussi vers Jésus, lorsque la porte s’ouvre et qu’il le voit. Il le salue :

« Salut, Galiléen. Dis à ces agités d’être moins turbulents. Ils se plaignent de nous, mais ils ne font que nous maudire et désobéir. En plus, ils prétendent que c’est pour eux un acte religieux. Quelle religion ont-ils si elle est basée sur la désobéissance ?

– Comprends-les, soldat. Ils sont comme ceux dont la maison est occupée par un hôte indésirable et plus fort qu’eux. Et ils n’ont que la langue et la réplique pour se venger.

– Oui, mais nous, nous devons faire notre devoir, donc nous devons les punir. C’est ainsi que nous devenons des hôtes toujours plus indésirables.

– Tu as raison. Tu dois faire ton devoir, mais que ce soit toujours avec humanité. Pense toujours : “ Si j’étais à leur place, qu’est-ce que je ferais ? ” Tu verras qu’alors tu éprouveras une grande pitié pour ceux qui vous sont soumis.

– Il m’est agréable de t’entendre parler. Pas de mépris, pas de hauteur de ta part. Les autres Palestiniens crachent derrière notre dos, nous insultent, montrent leur mépris pour nous… quand ils ne nous dépouillent pas consciencieusement pour une femme ou pour des achats. Dans ce cas, l’or de Rome n’est pas méprisé.

– L’homme est toujours l’homme, soldat.

– Oui, et plus trompeur qu’une guenon. Ce n’est pas agréable de vivre au milieu de gens qui sont comme des serpents aux aguets… Nous aussi, nous avons des maisons, des mères, des épouses et des enfants, et nous tenons à la vie.

– Voilà : si chacun se le rappelait, il n’y aurait plus de haine. Tu as dit : “ Quelle religion ont-ils ? ” Je te réponds : une religion sainte dont le premier commandement est l’amour pour Dieu et pour le prochain. Une religion qui enseigne l’obéissance aux lois, même s’il s’agit d’Etats ennemis.

86.2 Ecoutez donc, mes frères en Israël : rien n’arrive sans que Dieu le permette, même la domination d’un pays étranger, ce suprême malheur pour un peuple. Mais, presque toujours, si ce peuple s’interroge sincèrement, il peut dire que c’est lui qui l’a voulu par sa ma­nière de vivre opposée à Dieu. Rappelez-vous les prophètes. Combien de fois en ont-ils parlé ! Combien ont montré, par les événements passés, présents et futurs, que le conquérant est le châtiment, la verge du châtiment, sur les épaules du fils ingrat. Combien de fois n’ont-ils pas enseigné la manière de ne plus la subir : revenir au Seigneur. Ce n’est pas la révolte ni la guerre qui guérit les blessures, essuie les larmes et rompt les chaînes. C’est vivre en juste. Alors Dieu intervient. Et que peuvent les armes et les troupes armées contre l’éclat des cohortes angéliques lorsqu’elles luttent en faveur des bons ? Nous sommes frappés ? Nous méritons de ne plus l’être davantage par notre façon de vivre, nous, les fils de Dieu. Ne resserrez pas vos chaînes par des péchés toujours renouvelés. Ne donnez pas aux païens l’occasion de vous croire sans religion ou plus païens qu’eux par votre manière de vivre. Vous êtes le peuple à qui Dieu lui-même a donné la Loi. Observez-la. Faites que vos maîtres eux-mêmes s’inclinent devant vos chaînes en disant : “ Ils nous sont soumis, mais ils sont plus grands que nous, d’une grandeur qui ne tient pas au nombre, ni à l’argent, ni aux armes, ni à la puissance, mais qui est due au fait qu’ils proviennent de Dieu. En eux brille la paternité d’un Dieu parfait, saint, puissant. C’est là le signe d’une véritable divinité. Elle resplendit à travers ses enfants. ” Qu’ils méditent là-dessus et parviennent à la vérité du vrai Dieu en abandonnant l’erreur. Tous, même le plus pauvre, même le plus ignorant du peuple de Dieu, peut être un maître pour un païen, un maître par sa manière de vivre et de prêcher Dieu aux païens à travers les actes d’une vie sainte.

Allez, que la paix soit avec vous !

86.3 – Judas tarde, et les bergers aussi, constate Simon.

– Tu attends quelqu’un, Galiléen ? demande le soldat qui a écouté le discours avec attention.

– Des amis.

– Viens à l’ombre, dans l’entrée. Le soleil tape dur dès les premières heures. Tu vas en ville ?

– Non, je retourne en Galilée.

– A pied ?

– Oui, à pied, je suis pauvre.

– Tu as une femme ?

– J’ai une Mère.

– Moi aussi. Viens… si tu n’as pas pour nous le même mépris que les autres.

– Il n’y a que le péché qui me dégoûte. »

Le soldat le regarde, admiratif et pensif.

« Avec toi, nous n’aurions jamais à intervenir. Le glaive ne se lèvera jamais sur toi. Tu es bon. Mais les autres !… »

Jésus se tient dans la pénombre de l’entrée, Jean est tourné vers la ville, Simon est assis sur une pierre qui lui sert de banquette.

« Comment t’appelles-tu ?

– Jésus.

– Ah ! C’est toi qui fais des miracles même sur les malades ? ! Je te croyais seulement magicien… Nous en avons, nous aussi. Un bon magicien, cependant, car il y en a certains… Mais les nôtres ne savent pas guérir les malades… Comment fais-tu ? »

Jésus sourit et se tait.

« Tu emploies des formules magiques ? Tu as des onguents de moelle de morts, des serpents séchés et réduits en poudre, des pierres magiques prises dans les antres des Pythons ?

– Rien de tout cela. Je n’ai que ma puissance.

– Alors, tu es un vrai saint. Nous, nous avons les aruspices et les vestales… et certains d’entre eux font des prodiges… on prétend que ce sont les plus saints. Mais tu y crois, toi ? Ils sont pires que les autres.

– Alors, pourquoi les vénérez-vous ?

– Parce que… parce que c’est la religion de Rome. Et si un sujet ne respecte pas la religion de son Etat, comment peut-il respecter César et sa patrie, et tant d’autres choses ? »

Jésus regarde fixement le soldat.

« En vérité, tu es déjà bien avancé sur le chemin de la justice. Continue, soldat, et tu parviendras à connaître ce que ton âme a le sentiment de posséder en soi, sans savoir comment l’appeler.

– L’âme, qu’est-ce que c’est ?

– Quand tu mourras, où iras-tu ?

– Ma foi, je ne sais pas. Si je meurs en héros, sur le bûcher des héros… si je suis un pauvre vieux, un moins que rien, peut-être pourrirai-je dans ma tanière ou au bord d’un chemin.

– Cela vaut pour le corps, mais ton âme, où ira-t-elle ?

– Je ne sais si tous les hommes ont une âme, ou seulement ceux que Jupiter destine aux Champs Elysées après une vie prodigieuse, à moins qu’il ne les amène à l’Olympe comme il le fit pour Romulus.

– Tous les hommes ont une âme et c’est cela qui distingue l’homme de l’animal. Voudrais-tu être semblable à un cheval ? A un oiseau ? A un poisson ? Une chair qui, après la mort, n’est que pourriture ?

– Oh non ! Je suis homme et je préfère l’être.

– Eh bien, ce qui te fait homme, c’est l’âme. Sans elle, tu ne serais rien de plus qu’un animal doué de parole.

– Et où est-elle ? Comment est-elle ?

– Elle n’est pas matérielle. Mais elle existe. Elle est en toi. Elle vient de celui qui a créé le monde et retourne à lui après la mort du corps.

– Du Dieu d’Israël, selon vous.

– Du seul Dieu, unique, éternel, suprême Seigneur et créateur de l’univers.

– Et même un pauvre soldat comme moi a une âme qui retourne vers Dieu ?

– Oui, même un pauvre soldat, et son âme aura Dieu pour ami si elle a toujours été bonne, mais Dieu la punira si elle a été mauvaise.

86.4 – Maître, voici Judas avec les bergers et des femmes. Si j’y vois clair, c’est la jeune fille d’hier, dit Jean.

– je dois te quitter, soldat. Sois bon.

– Je ne te verrai plus ? Je voudrais savoir encore…

– Je reste en Galilée jusqu’en septembre. Si tu peux, viens. A Capharnaüm ou à Nazareth, tout le monde te renseignera sur moi. A Capharnaüm, demande Simon-Pierre. A Nazareth, Marie, femme de Joseph. C’est ma Mère. Viens. Je te parlerai du vrai Dieu.

– Simon-Pierre… Marie, femme de Joseph… Je viendrai si je peux. Et si tu reviens, souviens-toi d’Alexandre. Je suis de la centurie de Jérusalem. »

Judas et les bergers sont arrivés sous le porche.

« Paix à vous tous » dit Jésus.

Il voudrait ajouter autre chose, mais une toute jeune fille, maigre et souriante, fend le groupe et se jette à ses pieds :

« Ta bénédiction encore sur moi, Maître et Sauveur, et en plus un baiser pour toi ! »

Et elle lui baise les mains.

« Va, sois heureuse, montre-toi bonne : bonne fille, puis bonne épouse et bonne mère. Enseigne à tes futurs enfants mon nom et ma doctrine. Paix à toi et à ta mère. Paix et bénédiction à tous les amis de Dieu. Paix aussi à toi, Alexandre. »

Jésus s’éloigne.

86.5 « Nous sommes en retard. Mais nous avons été assiégés par ces femmes, explique Judas. Elles étaient à Gethsémani et voulaient te voir. Nous y étions allés – moi et les autres à notre insu – pour faire route avec toi. Mais tu étais déjà parti et, à ta place, on n’a vu qu’elles. Nous voulions les quitter… mais elles étaient plus collantes que des mouches. Elles voulaient savoir plein de choses… As-tu guéri la petite fille ?

– Oui.

– Et tu as parlé au Romain ?

– Oui, c’est un cœur honnête, et il cherche la vérité… »

Judas soupire.

« Pourquoi soupires-tu, Judas ? demande Jésus.

– Je soupire parce que… parce que je voudrais que ce soient les nôtres qui cherchent la vérité. Ils la fuient, au contraire, ou ils la méprisent ou encore ils restent indifférents. Je suis découragé. Je ne veux plus remettre les pieds ici et ne veux plus rien faire d’autre que t’écouter. Car, comme disciple, je ne réussis rien.

– Et crois-tu que je réussisse beaucoup ? Ne te décourage pas, Judas. Ce sont les luttes de l’apostolat : il y a plus de défaites que de victoires. Mais ici, ce sont des défaites. Là-haut, ce sont toujours des victoires. Le Père voit ta bonne volonté et, même si elle n’aboutit pas, il ne t’en bénit pas moins.

– Oh ! Tu es bon ! »

Judas lui baise la main.

« Mais moi, deviendrai-je bon, un jour ?

– Oui, si tu le veux.

– Je crois l’avoir été ces jours-ci… J’ai souffert pour l’être… car j’ai beaucoup de désirs… Mais je l’ai été en pensant toujours à toi.

– Persévère donc, tu me donneras beaucoup de joie. Et vous, quelles nouvelles m’apportez-vous ? demande-t-il aux bergers.

– Elie te salue ; il t’envoie un peu de nourriture et te dit de ne pas l’oublier.

– Ah ! Je porte mes amis dans mon cœur ! Allons jusqu’à ce petit village dans la campagne. Nous nous remettrons en route dans la soirée. Je suis heureux d’être avec vous, d’aller trouver ma mère et d’avoir parlé de la vérité à un homme honnête. Oui, je suis heureux. Si vous saviez ce que c’est pour moi que d’accomplir ma mission et de voir que les cœurs y viennent – c’est-à-dire viennent au Père –, ah ! Comme vous me suivriez toujours davantage spirituellement ! »

Je ne vois rien de plus.