L'Eglise suit le Christ. Or, son enseignement sur le divorce n'a pas dû plaire aux foules : peu après, Jésus entre dans sa passion, rejeté aussi bien par les chefs religieux, l'autorité politique et les foules. Avant lui, pour avoir dit à Hérode qu'il n'a pas le droit de vivre avec la femme d'un autre (cf. Lv 20, 10), la femme de son frère (Lv 20, 21), Jean Baptiste a été décapité (Mc 6, 18 et Mt 14, 4-12) ! Pourtant Jésus, nous le savons, est celui qui guérit, pardonne, reconstruit le bien, donne la vie.
Jésus a clairement appelé « adultère » le remariage qui suit un divorce :
« Et il leur dit: "Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère." » (Marc 10, 11-12)
« Tout homme qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. » (Luc 16, 18)
« Eh bien! moi je vous dis: Tout homme qui répudie sa femme, hormis le cas de "prostitution"*, l'expose à l'adultère; et quiconque épouse une répudiée, commet un adultère. » (Matthieu 5, 32)
« Or je vous le dis: quiconque répudie sa femme -- pas pour "prostitution"*-- et en épouse une autre, commet un adultère. » (Matthieu 19, 9)
* *N.B. L'Ancien Testament (Lévitique 18) interdit la consanguinité. Les mariages consanguins n'étant pas valides, Jésus ne parle pas de ces cas quand il parle du remariage.
Jésus n'envisage pas non plus le cas des relations corporelles sans engagement de mariage, ce qui se dit en araméen « zeniouta », c'est le mot utilisé dans l'évangile araméen de Matthieu qui dit « quiconque répudie sa femme - sauf pour "zéniouta" - et en épouse une autre... »[1]. Ces relations sont illicites, mais elles peuvent être rompues et suivies d'un mariage avec une autre.
« Quant aux personnes mariées, voici ce que je prescris, non pas moi, mais le Seigneur: que la femme ne se sépare pas de son mari -- au cas où elle s'en séparerait, qu'elle ne se remarie pas ou qu'elle se réconcilie avec son mari -- et que le mari ne répudie pas sa femme. » (1Corinthiens 7, 10-11)
Les enfants
Dans le contexte de saint Matthieu et de saint Marc, juste après la parole sur le divorce vient une parole sur les enfants - la juxtaposition de ces paroles fait penser que le Seigneur et l'Eglise primitive ont pensé et senti ensemble ce qui concerne le divorce et ce qui concerne les enfants :
« On lui présentait des petits enfants pour qu'il les touchât, mais les disciples les rabrouèrent. Ce que voyant, Jésus se fâcha et leur dit: "Laissez les petits enfants venir à moi; ne les empêchez pas, car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis: quiconque n'accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n'y entrera pas." Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains. » (Marc 10, 13-16 // Mt 19, 13-15)
"Jésus demande aux disciples de ne pas rabrouer les enfants. Jésus demande d'entendre leur appel. Or une séparation affecte l'enfant. L'enfant ne peut pas remplacer la source de son être par une sorte de vide.
Soulignons-le, si l'enfant perçoit que son parent remarié ne communie pas en mémoire du premier mariage qui l'a vu naître, c'est une source d'unité intérieure. Pensons à lui expliquer la vie sacramentelle et sa cohérence, pour favoriser sa croissance spirituelle.
Si l'adolescent(e) réalise que son parent vit l'abstinence vis à vis du nouveau conjoint, il (elle) perçoit son parent absent honoré.
La discipline eucharistique de l'Eglise, en ses deux stades (communion physique différée, ou communion et abstinence) est la vivante mémoire du parent absent ! L'enfant voit son parent absent honoré. L'enfant voit que la vie commune de ses parents n'est plus envisagée, la séparation a été jugée nécessaire, mais l'enfant (ou l'adolescent) comprend que l'un de ses parents respecte profondément, intimement, la mémoire de l'autre. Jésus bénit les enfants. L'Eglise est disciple de Jésus." [2]
Dans le contexte plus large de la prédication de Jésus
Saint Matthieu a placé entre les deux une parole sur la grâce de la continence. Cet appel évangélique, qui est aussi un don de Dieu, Jésus la désigne par l'expression « eunuques pour le royaume ». Placé par saint Matthieu juste après la parole sur le divorce, elle ouvre une espérance.
Au cas où il y ait séparation, Jésus a prévu un appel, une grâce, et c'est celle de la continence. Or la grâce du Christ, c'est sa façon de faire de miséricorde : Jésus pardonne en reconstruisant le bien et en donnant de vivre une réalité bonne, en Lui, dans son Esprit.
L'éclairage de la Samaritaine
Jésus ne détruit pas l'amour. Jésus ne détruit pas l'amour de quelqu'un pour celui ou celle avec qui il ou elle s'est remarié(e). Jésus dit à la Samaritaine : « celui que tu as n'est pas ton mari » (Jn 4, 18). Cette attitude de Jésus, très peu complaisante, n'a pas effondré la Samaritaine. La Samaritaine a senti que celui qui lui parlait était Amour, était l'époux qui vient au puits de l'Alliance. La femme venait puiser seule par peur du regard d'autrui, maintenant elle trouve en elle-même l'audace de témoigner. Le Christ ne lui a pas donné une parole d'absolution, mais il lui a ouvert l'avenir.
[1] L’évangile en araméen. L’enseignement de Jésus au sommet de la montagne (Mt 5-7), Traduction de la Peschitta et commentaire par Monseigneur Alichoran, Spiritualité orientale n° 80, abbaye de Bellefontaine. p.127
[2] Françoise Breynaert, Si tu savais le don de Dieu, Vien en Eglise des divorcés-remariés, éditions Fleurus-Mame, Paris 2011.
Françoise Breynaert