Frères et sœurs, cette année le dimanche de la famille est vécu dans un contexte un peu particulier, puisque nos évêques et avec eux, les responsables de toutes les religions mais aussi de nombreux spécialistes de l'enfance, pédopsychiatres, psychanalystes, défenseurs des droits de l'enfant, se mobilisent et prennent la parole pour qu'une loi ne vienne pas, sous prétexte de bonnes intentions, redéfinir totalement ce qu'est une famille. La structure de la société qu'est la famille risque d'être ébranlée comme jamais elle ne l'a été. Pourquoi ?
D'abord parce que le mariage, d'institution, devient un droit et un droit qui officialise un sentiment amoureux. C'est un leurre ! Bien sûr, et fort heureusement, toutes les personnes qui s'aiment ne pourront pas prétendre au mariage. Si le sentiment amoureux devient premier, alors tout le reste, y compris les enfants, devient secondaire. Le sentiment amoureux devient premier, cela signifie que si le sentiment amoureux disparaît, alors le mariage n'a plus de raison d'être.
Dans la conception traditionnelle du mariage, lorsqu'entre deux personnes mariés n'éprouvent plus de sentiment amoureux, lorsqu'ils ne sont plus attirés physiquement l'un par l'autre, c'est alors que l'institution joue son rôle pour que le couple dure, que la famille soit sauvée, et que le couple découvre qu'ils s'aiment d'une autre manière encore plus forte et plus solide. La vie d'un couple est émaillée de crises que le mariage doit aider à surmonter parce qu'il est une promesse commune, de fidélité.
L'épisode du Pacs nous a montré que les couples homosexuels étaient moins stables que les autres couples. Le divorce risque donc d'être encore plus fréquent et donc la fidélité encore plus banalisée voire ridiculisé. La finalité du mariage, ce n'est pas seulement l'union des époux, aussi importante soit-elle (notez que l'union des époux est une notion bien plus grande d'ailleurs que le sentiment amoureux !), mais aussi la procréation. La solidité de la société se mesure à la solidité de l'institution « famille » et à sa fécondité. Un pays est par exemple appelé à fortement s'affaiblir lorsque le taux de fécondité est inférieur à un peu plus de deux enfants par femme en moyenne. Mais tout cela c'est tellement du bon sens que j'ai presque honte de le rappeler !
Le deuxième grave problème que pose cette loi, c'est que l'enfant devient petit à petit un droit ! Déjà, avant même que la loi ne soit votée, certains lobbies revendiquaient un droit à l'enfant. Mais depuis quand l'enfant est-il un droit ? Si l'enfant est considéré comme un droit, cela signifie qu'il passe petit à petit du statut de sujet au statut d'objet. Les gens veulent leur enfant comme ils veulent leur objet. Il sera peut être l'objet de toutes les attentions, mais il restera un objet. Un sujet on le reçoit, un objet on le revendique, puis on le possède. C'est le point de départ d'un eugénisme dangereux qui rappelle les pires pages de l'histoire du XXème siècle. Je n'insiste pas, c'est tellement du bon sens !
Le troisième grave problème, c'est celui de l'acceptation des différences. La différence sexuelle est le fondement du respect de l'autre. La différence sexuelle est le seul vrai frein contre ma volonté de puissance et mon orgueil, parce que je sais qu'à moi tout seul je n'épuise pas la notion d'humanité. Je ne peux pas avoir la prétention de représenter l'humanité. L'humanité, c'est toujours, qu'on le veuille ou non, un homme et une femme.
Cette différence fondamentale, qui est aussi une complémentarité est un garde-fou puissant contre l'orgueil et la suffisance. Cette différence fondamentale me rappelle que j'ai besoin de l'autre, et que j'ai besoin de lui, justement parce qu'il est différent.
Si je recherche systématiquement celui qui me ressemble, je risque, non seulement de perdre toute fécondité mais aussi de me rechercher moi-même à travers l'autre, de refuser qu'on pense différemment de moi. Je risque petit à petit de rejeter tout ce qui ne me ressemble pas. Cela s'appelle le racisme et la xénophobie. La différence sexuelle est à la base de toutes les différences parce qu'elle est la plus fondamentale. Plus je suis capable d'accepter l'autre, de l'autre sexe, et l'accueillir dans ma vie, plus je suis capable d'accueillir l'autre d'une autre religion, d'un autre pays, plus je suis capable d'accueillir la personne âgée comme la personne handicapée, comme l'enfant à naître. Tout est lié ! Cette différence fondamentale qu'est la différence sexuelle est la garante d'une véritable ouverture d'esprit. Je suis ainsi davantage capable d'accueillir la contradiction, d'accepter qu'on ne pense pas comme moi. La dictature de la pensée à laquelle nous assistons et qui est justement la preuve qu'on est en train de glisser vers un refus de l'autre différent, est grave, parce qu'elle nous fait prendre des loups pour des agneaux et inversement. Les médias veulent nous faire croire que l'Eglise est rétrograde et fermée, qu'elle manque d'ouverture d'esprit, qu'elle n'accepte pas la différence. C'est une technique de désinformation qui a toujours été abondamment utilisée mais en particulier dans les sociétés dictatoriales : renverser les situations pour mieux imposer sa propre pensée et finalement pour écraser toute opposition et tout différence.
Jésus est né, a grandi, a progressé dans une famille aimante. Il a eu besoin d'un père et d'une mère pour devenir, humainement de plus en plus libre. Mais ce que je dis, c'est tellement du bon sens que je ne devrais pas avoir à le dire.
Jésus a été éduqué. Nos enfants ont besoin d'être éduqués, d'être encouragés mais aussi contredits, ils ont vraiment besoin d'être confrontés à l'autre tantôt semblable à lui, tantôt différent de lui. La fille a besoin de se confier à sa mère comme un fils a besoin de se confier à son père, pour parler en vérité et dans un grand respect mutuel de sa puberté, de sa sexualité. Ils ont besoin de trouver en chacun d'eux un exemple mais ils ont aussi besoin de se confronter, d'apprendre à recevoir, à accepter la différence, à reconnaitre qu'ils n'ont pas toujours raison. J'ai tellement eu besoin d'un père et d'une mère que je ne peux pas imaginer que des personnes soient assez stupides pour ne pas reconnaitre cela. L'éducation de nos jeunes est une œuvre tellement importante, tellement exaltante et en même temps tellement difficile ! Ne la rendons pas impossible !
Aujourd'hui la famille nous est donnée en exemple. Imitons là parce que je ne pense pas qu'il y ait eu une seule famille aussi ouverte d'esprit, aussi charitable et bienveillante.
Joseph est l'un des plus grands saints de l'Eglise, en tout cas le plus grand saint père de famille. L'humilité et la douceur de Joseph, en même temps que son sérieux dans le travail, l'amour profond qu'il portait à Marie et à Jésus doivent être pour nous un merveilleux exemple.
Il n'y a pas eu d'amour conjugal plus fort et plus profond que l'amour mutuel de Joseph et de Marie. Un amour conjugal réel, un amour conjugal profond, qui se réjouit, qui prie, qui accueille. Un amour conjugal qui n'est jamais imposant. Donc l'image que donnait la Famille en premier lieu, ce n'était pas d'abord l'image de la perfection. Même s'ils vivaient une certaine perfection, ils ne donnaient pas l'image de cette perfection un peu écrasante et repoussante tellement elle impressionne, mais l'image d'un amour qui accueille et qui pardonne, qui ne juge pas. Douceur, humilité, patience. L'amour de Joseph et de Marie était un amour attirant, accueillant. Je pense qu'ils savaient mettre un équilibre parfait dans le rapport entre intimité familiale, à trois, et accueil bienveillant de ceux qui les entouraient.
Marie ne faisait jamais peur. C'est la première chose que j'ai envie de dire pour la décrire. D'ailleurs les apôtres l'ont choisie pour qu'elle les rassure avant la Pentecôte, pour qu'elle les prépare à accueillir Jésus, dans cette chambre haute du Cénacle, quand ils avaient peur. Elle savait aussi se réjouir, voire s'amuser, nous le voyons aux noces de Cana, tout en restant à l'écoute des besoins, même les plus simples, de ceux qui l'entouraient. Elle savait participer à la vie de ses contemporains, elle discutait avec les femmes de Nazareth, elle éduquait Jésus, avec patience, douceur et humilité.
Il est important d'inviter dans nos familles la famille de Nazareth, pour qu'ils nous apprennent comment leur ressembler, comment vivre les difficultés.
Nous voyons dans l'Evangile d'aujourd'hui que la famille a connu des difficultés. Joseph et Marie se sont inquiétés, ils ont cherché Jésus puis ils lui ont parlé, ils ont accepté. Tout a été vécu sans violence mais avec douceur, et humilité.
Imitons les et nous serons de plus en plus libres, de plus en plus aimants, de plus en plus accueillants à l'autre différent. Demandons aujourd'hui au Seigneur de mettre dans notre cœur un amour intense pour la famille de Nazareth, un amour débordant pour nos propres parents, pour nos frères et sœurs pour nos enfants mais aussi pour tous ceux qui ne vivent pas toutes ces joies, qui vivent dans des familles sans repère, décomposées et croyons que, malgré tout, ils sauront se construire parce que la grâce de Dieu ne les abandonnera, pas même si la société les oublie.
Père Emmanuel Gobilliard, Homélie pour la fête de la Famille 2012, Le Puy en Velay,
dimanche-de-la--Famille_a766.html>https://www.cathedraledupuy.orgdimanche-de-la--Famille_a766.html consulté le 07.11.2013