Icône de la protection de la mère de Dieu (Pokrov), Novgorod, début du XV°

Icône de la protection de la mère de Dieu (Pokrov), Novgorod, début du XV°

Généralités

L'icône de la Protection de la Mère de Dieu que nous avons devant nos yeux appartient à l'école de Novgorod et remonte aux débuts du XV° siècle.

L'iconographe a constitué une sorte de triptyque, surmonté par cinq dômes au-dessus des architectures symétriques, pour dire que nous nous trouvons à l'intérieur d'un sanctuaire avec trois absides. Tout semble se diriger vers le centre, où, de grande dimension, la Mère de Dieu est représentée avec les mains élevées.

Il s'agit d'une représentation très diffuse, expression visuelle de la fête liturgique du premier 1° octobre, très populaire dans les Églises byzantines slaves. L'institution de cette fête a été inspirée par la narration de la vision d'André le Fol en Christ.

Détails

André et Epiphane. Les témoins de la Vision ont été représentés par l'iconographe dans le quart inférieur droit de l'icône. Nous voyons, en effet, un personnage avec une la longue barbe, c'est André, la main levée, il désigne du doigt la Vierge, et il se tourne vers un jeune ayant un manteau rouge, au regard stupéfait (Épiphane).

Voici le récit du biographe d'André.

« Il y avait une veillée de prière au saint Soròs de Blacherne et le bienheureux André y était, comme de coutume ; il y avait aussi Épiphane et avec lui un des serviteurs. [...] C'était la 4ème heure de la nuit et le bienheureux André eut une vision claire de la très Mère de Dieu, triomphale, devant les portes royales, avec une suite terrible qui comprenait aussi le vénérable Précurseur [Jean Baptiste] et le Fils du tonnerre [Jean l'Évangéliste] qui la tenaient par la main sur les côtés ; beaucoup d'autres saints étaient avec elle, vêtus de blanc ; quelques-uns la précédaient, d'autres la suivaient avec des hymnes et des cantiques spirituels. [...]

Après cette prière, elle entra dans le sanctuaire où elle pria pour les fidèles. Elle détacha le voile qu'elle portait sur sa tête immaculée qui était éclatant de splendeur, elle le prit avec la beauté vénérable de ses mains immaculées et elle l'étendit, grandement et avec révérence, sur tous les fidèles qui étaient venus ; et ces deux témoins le virent longtemps étendu sur le peuple, et la gloire du Seigneur brillait comme l'éclair. Tant que la très Vierge était là, on pouvait voir le voile, mais quand elle disparut, le voile disparut aussi, elle l'avait sûrement pris avec elle, laissant à l'assistance sa grâce. »

- Les deux archanges Michel à notre gauche, et Gabriel à notre droite, comme des ministres célestes semblent étendre sur les fidèles le grand manteau de la protection divine.

- Dans le quart inférieur gauche, à côté de la porte, il y a Jean Baptiste, le plus grand des enfants nés d'une femme - et, presque symétriquement d'André, il se tourne vers l'évangéliste Jean, - le Théologien - dont on disait qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le retour de Jésus parmi les disciples - et qui élève ses mains en prière. Il y a ensuite Pierre, le chef des apôtres. L'iconographe a rendu le cortège des saints à travers la présence de Pierre et le jeu des auréoles qui donne l'impression d'une présence nombreuse.

- Au-dessus du groupe constitué par Jean Baptiste, Jean l'évangéliste et Pierre, il y a un autre trio de personnages. Il s'agit de Grégoire de Naziance, Basile, et de Jean Chrysostome. Ils sont représentés livre en main, vêtus d'habits pontificaux ornés par beaucoup de croix (polystavria), devant à un autel sur lequel il y a une patène, un livre, l'évangéliaire et un calice. À ces trois Pères on attribue les liturgies en usage dans les Églises de tradition byzantine, c'est pourquoi ils sont devant l'autel entrain de célébrer.

- En face d'eux, il y a symétriquement trois anges : ils ont les mains voilées et le buste incliné en signe de soumission. Ils sont trois comme ceux de l'icône de la Théophanie, trois comme ceux qui apparurent à Abraham, comme la préfiguration de la Trinité. L'un d'eux est caché, recouvert par l'aile rouge du premier, évoquant le visage pourpre de l'ange de la Grande Volonté, qui matérialise le Verbe incarné, la Sagesse divine.

Au centre, la Vierge avec les mains élevées comme une orante.

La Vierge, par son assentiment, a commencé le grand projet du salut. Le Fils-Dieu est au-dessus d'elle et il bénit avec les deux mains, de lui tout part et se réalise à travers la médiation de la Vierge-mère : « Le Seigneur est avec toi, le Seigneur qui donne au monde la grâce du salut par toi », chante-t-on aux vêpres de la fête.

Deux battants pourpres constituent la porte du sanctuaire, la porte orientale par laquelle le Christ entrera et sortira et elle restera fermé, selon tout ce qu'Ezéchiel prophétisait.

On chante aux vêpres : « En toi, Mère divine, se reconnaît le paradis planté par Dieu et qui possède à son centre l'arbre de la vie, irrigué par l'Esprit Saint, tu enfantes le Créateur qui nourrit avec le pain de vie tous les croyants. Prie-le pour nous et avec le voile vénérable couvre le peuple fidèle pour le protéger de tout mal. »

Cette icône et le temps liturgique

Nous l'avons dit, l'icône évoque directement la fête du Pokrov, 1° octobre.

On peut faire le lien avec la fête du 2 juillet à Constantinople, où on célébrait la Déposition du vêtement précieux de la Vierge.

De plus, cette icône peut soutenir lloffice de la Paraclisis chanté pour la guérison des âmes et des corps, en période d'affliction ou de péril. Le mot grec (para « auprès », clisis « appeler, nommer ») signifie à la fois intercession et consolation. La Paraclisis est aussi chantée tous les soirs du carême de la Mère de Dieu (1er au 14 août), à l'exception de la fête de la Transfiguration.


Gaetano PASSARELLI, L'icona della Protezione della Madre di Dio,

La Casa di Matriona Milano 1993,

Synthèse par F. Breynaert