Nous abordons la révolution française uniquement sous l'angle de "l'histoire de l'Eglise", ou de "l'Eglise dans l'histoire des hommes".
La crise religieuse avant la révolution.
A la veille de la révolution française, toute l'Europe connait une crise religieuse. Mais cette crise va se concentrer sur la France.
En France, l'Eglise possède de vastes propriétés foncières à laquelle s'ajoutent les rentes et les dîmes. Ce privilège a pour contrepartie la lourde charge de l'assistance (soupes populaires, hôpitaux, etc.) et de l'enseignement.
Cependant, la vie spirituelle est en crise : les monastères d'hommes sont pour la plupart décadents et sans vocations. Les erreurs du quiétisme de Mme Guyon conduisent à dévaloriser le pur amour. Quant à la dévotion au Sacré cœur, si apte à réchauffer la vie spirituelle, elle se heurte à une vive opposition.
La théologie connait aussi une crise : le Dieu des philosophes (le déisme) détrône le Dieu de Jésus-Christ. Certains orateurs laïcisent leur vocabulaire.
La franc-maçonnerie multiplie partout ses loges et recrute dans tous les milieux. Le pape interdit aux catholiques d'y participer.
Le jansénisme voulait revivifier la société chrétienne mais son hostilité contre Rome nourrit l'opposition à l'Eglise et sa doctrine dessèche les âmes. Il attise les tendances gallicanes et cherche à trouver l'appui des évêques en assurant que l'autorité n'appartient pas au pape seul mais à tout le corps épiscopal. Par la suite, il cherchera l'appui des curés en assurant que l'autorité n'appartient pas à l'évêque seul mais à tout le corps presbytéral.
L'inégalité est criante entre les curés, souvent pauvres, et les évêques, issus de l'aristocratie, généralement nommés sans avoir aucune expérience pastorale, et plus souvent présents à la cour du roi qu'à leur évêché.
Cependant, il n'y a en France qu'une minorité d'irréligieux.
Par-là s'explique l'échec de la révolution française en matière religieuse : ni la persécution, ni la déchristianisation systématique, ni le recours à des cultes nouveaux ne réussiront à détacher la nation de sa foi. A chaque accalmie, un peu partout le culte se rétablira avec une spontanéité significative. Le mouvement sera si fort qu'il impressionnera Bonaparte et lui imposera le concordat de 1801.
Venons-en aux évènements de la révolution française et leurs conséquences religieuses.
En 1789, le roi Louis XVI convoque les Etats généraux. Les aristocrates veulent plus de pouvoir. Le clergé présente des cahiers dans lesquels on remarque souvent le désir d'une réforme des ordres religieux, et une critique forte des ordres contemplatifs et mendiants. Le tiers ordre veut soulager la misère du peuple affamé.
La transformation des Etats généraux en assemblée constituante ne poursuivait pas la destruction de l'Eglise. Après la prise de Bastille le 14 juillet, une grande peur se répand dans tout le pays. Cette panique prend l'allure d'une révolution sociale.
Dans la nuit du 4 août 1789, une fièvre généreuse s'empare alors de tous les représentants : les nobles, les évêques et curés offrent leurs propriétés ou leurs dîmes. Les nobles réussiront ensuite à obtenir des compensations. Mais l'Eglise, non. Les biens ecclésiastiques sont donc vendus et sécularisés. Les couvents se trouvent anéantis. La déclaration des droits l'homme semble inscrire une neutralité vis à vis des confessions différentes.
Le 17 avril 1790, Dom Gerle réclame que le catholicisme soit déclaré religion d'Etat. Sa demande est rejetée. C'est alors que commence la fissure entre les patriotes et les représentants de l'Eglise gallicane.
La constitution civile du clergé (pour les fonctionnaires ecclésiastiques) est une synthèse des doctrines gallicanes. L'abus de compétence se manifeste très vite : l'assemblée prétend tout régler sans le pape. Une partie du clergé refuse de prêter le serment constitutionnel. L'assemblée constituante veut apaiser le conflit, et, le 10 août 1791, elle rend les lois religieuses indépendantes de la Constitution. Mais il est trop tard, l'assemblée législative, nettement défavorable au catholicisme, refusera de discuter les lois religieuses.
L'assemblée législative provoque la persécution des réfractaires et le serment de 1792 s'étend à tous les prêtres. La déclaration de guerre à l'Autriche aggrave la situation des réfractaires, considérés comme des traitres.
Tout le monde s'accorde sur l'horreur des massacres de la première terreur.
Le 20 septembre 1792, la politique religieuse de la Révolution frappe non seulement ceux qui ont refusé les serments, mais aussi le clergé patriote. On le prive de subside, on tarit ses ressources, on lui enlève la tenue des registres paroissiaux (qui tenaient lieu d'état civil) et le contrat civil constitue seul le mariage, ce qui obligerait les prêtres à donner la bénédiction nuptiale dans le cas de mariage de prêtres, de religieuses ou de divorcés.
La Vendée entre en guerre : les paysans veulent un clergé romain. Ils sont faibles et n'entendent pas sortir de chez eux, mais ils font peur à tout le pays. Ils obtiendront gain de cause.
La Convention (21 septembre 1792 au 26 octobre 1795)
De septembre 1792 à septembre 1793, la Convention est non seulement anticléricale, elle est antichrétienne. La déchristianisation ne part cependant ni de la Convention ni de la Commune, mais de la province, et notamment de Fouché. La Nature, nouvelle divinité, impersonnelle, vague, se confond avec l'Etre suprême, la Patrie, la liberté, l'Humanité, le Peuple. On change le calendrier avec un culte décadaire (tous les 10 jours).
Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793 place de la Révolution.
Robespierre encourage le mariage des prêtres et le décret de la Convention du 20 novembre 1793, stipule que s'ils se marient, ils échappent à la déportation, même s'ils ne prêtent pas serment. Robespierre estime aussi que le peuple a besoin d'une croyance, et que si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer, et il inaugure la religion de l'Etre suprême, avec deux dogmes : la croyance en l'Etre suprême et l'immortalité de l'âme.
Pendant ce temps, la persécution sévit non seulement contre les prêtres, mais aussi contre les fidèles. Les prêtres se cachent et se déguisent pour continuer leur ministère et des familles entières risquent leur vie pour les avoir abrités, tandis que les carmélites de Compiègne montent à l'échafaud en chantant le Salve Regina...
Le 18 septembre 1794, la Convention supprime le budget des cultes.
Et cependant, partout en France, l'église constitutionnelle réorganise le culte, et la Convention le « tolère »... En 1795, les prêtres réfractaires reviennent d'exil, mais avec leur mentalité de 1789... Difficiles réconciliations...
La période du Directoire (26 octobre 1795 - 9 novembre 1799)
En 1797, durant le second directoire, les décrets de 1792 et 1793 sont remis en vigueur, mais on ne met plus à mort les prêtres, on les envoie en Guyane, ce qui les expose à une mort lente...
Le gouvernement appui le culte décadaire, il appuie aussi la théophilanthropie et son étrange liturgie : les officiants ont une robe blanche serrée d'une ceinture bleue, avec une tunique bleu ciel, le service débute par une invocation du Père de la Nature que suit un examen de conscience, les textes vont de Socrate à Jésus en passant par Zoroastre ; le Coran succède à l'Evangile, et le tout se termine par une invocation à la Patrie... Ce culte tomba assez vite dans le ridicule.
Le pape Pie VI est enlevé, et meurt à Valence le 29 août 1797.
La période du consulat (9 novembre 1799 - 18 mai 1804)
La période du Consulat apporte un apaisement.
Le 14 mars 1800, le pape Pie VII est élu.
Et le jour de Pâques 1801, le bourdon de Notre Dame de Paris, muet depuis des années, en fêtant le concordat, annonce la résurrection de l'Eglise de France.
Sources :
Jean Leflon, Histoire de l'Eglise, tome 20 (1789-1846). Bloud et Gay, Paris 1951, p. 7 à 160.
Paul Christophe, L'Eglise dans l'histoire des hommes, Tome II, Droguet Ardent, Paris 1983, p. 250-334
Synthèse F. Breynaert