Saint Augustin est d'abord un pasteur, l'évêque d'Hippone en Afrique du Nord. C'est l'époque des invasions barbares et de la chute de l'empire romain (dont faisait partie la ville d'Hippone). Saint Augustin veut transmettre l'espérance chrétienne, non seulement pour l'au-delà, mais aussi pour aider les chrétiens à continuer de participer à la construction de la vie sociale, car le Verbe s'est fait chair, habitant parmi nous. Nous comprenons pourquoi, en pasteur de l'Eglise dans un contexte démobilisateur, saint Augustin insiste tant sur les perspectives terrestres de l'espérance chrétienne.
Nous suivons saint Augustin, « La Cité de Dieu », dont nous indiquons les références des livres.
Saint Irénée pensait les choses en trois temps (1- l'Eglise sur terre / 2- L'extermination de tous et la résurrection des justes 1000 ans / 3- La fin du monde et le jugement dernier.)
Saint Augustin pense les choses simplement en deux temps.
- Le temps présent (la première résurrection, temps de l'Eglise sur terre)
- le jugement dernier et l'éternité.
La première résurrection, temps de l'Eglise sur terre
Augustin unit l'affirmation que ceux qui croient en Jésus « sont passés de la mort à la vie et ils ont déjà maintenant la vie éternelle » (Jn 5, 24) avec la première résurrection et le règne des mille ans interprété comme étant le temps de l'Eglise où Satan étant lié, les hommes peuvent vivre dans la grâce.
L'Eglise est déjà le règne du Christ, mais cependant pas encore comme dans l'éternité, cf. Ap 20, 1-6.
N.B. Une telle lecture implique de comprendre Jn 5, 25 (les « morts... vivront ») comme une résurrection des âmes pendant la vie terrestre, en considérant que l'âme peut mourir, ce qui se produit quand elle est « abandonnée de Dieu » et « conserve un reste de vie propre qui la rend immortelle » (La Cité de Dieu, XIII, 1, 1). Pourtant, nous devons remarquer la Bible parle de survie de l'âme (Qohelet 12,1.7) mais jamais la Bible ne parle de mort et de résurrection des âmes pendant la vie sur la terre.
« Quiconque en effet, jusqu'au terme des mille ans, n'aura pas repris vie, c'est-à-dire quiconque, durant tout le temps où s'opère la première résurrection (Ap 20,6), n'aura pas passé de la mort à la vie, assurément, lors de la seconde résurrection, celle de la chair, il passera avec cette même chair à la seconde mort. » (Livre XX,9)
Ce règne des mille ans, royaume de Jésus-Christ, ne se confond pas avec l'accomplissement qui n'adviendra qu'après la fin du monde :
« L'Eglise est donc maintenant le royaume de Jésus-Christ et le royaume des cieux, de sorte que dès à présent les saints de Dieu règnent avec lui, mais autrement qu'ils ne régneront plus tard.
Néanmoins l'ivraie ne règne point avec lui, quoiqu'elle croisse dans l'Eglise avec le bon grain.
Ceux-là seuls règnent avec lui qui font ce que dit l'Apôtre: "Si vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, goûtez les choses du ciel, où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu; cherchez les choses du ciel et non celles de la terre" (Col 3, 1-2). [...]
Quant au pouvoir de juger qui leur est donné, il semble qu'on ne le puisse mieux entendre que de cette promesse: "Ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel" (Mt 18, 18). » (Livre IX)
Saint Augustin n'est pas « millénariste »
Saint Augustin dit qu'il est important de travailler au bien car la figure de ce monde passera mais le monde sera transformé à partir de ce qu'il est.
Cependant, saint Augustin souligne aussi que la terre disparaîtra avant que n'advienne la cité céleste. Ainsi, saint Augustin n'est pas « millénariste »[1].
L'ultime combat de l'Eglise
Satan est lié mille ans (Ap 20, 5-6) c'est-à-dire tout le temps de l'Eglise entre le premier et le second avènement (Livre XX,7), et ce temps s'achève par un temps très court où il faudra combattre contre Satan délié, dans les derniers temps.
« Et le Tout-Puissant le déliera à la fin (Ap 20,7) pour que la cité de Dieu voie sur quel puissant adversaire elle l'a emporté et en même temps l'immense gloire de son rédempteur, de son soutien, de son libérateur.» (Livre XX,8)
Le dénouement, la transformation
Advient alors le dénouement, la transformation : viendra un moment où les morts sortiront des tombeaux et ressusciteront, «ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement. » (Jn 5, 29; Cf. Ap 20, 12 ; Ap 21).
« C'est une fois le jugement prononcé, que cette terre et ce ciel disparaîtront (Ap 20,11-12), quand commenceront d'exister un ciel nouveau et une terre nouvelle. Car c'est dans la transformation des êtres et non par leur total anéantissement que ce monde passera. A ce sujet l'apôtre dit également : "La figure de ce monde passe, en effet, je veux que vous soyez sans inquiétude" (1Co 7,31-32), c'est donc la figure qui passe, non la nature. » (Livre XX,14).
Alors descendra du ciel la grande cité... (Ap 21,2-5), « Il est dit que cette cité descend du ciel parce que du ciel vient la grâce par laquelle Dieu l'a faite. » (Livre XX,17).
« Et ce feu (cf. 2 P 3,3-13) de l'embrasement universel, ils [les saints] n'auront pas à le craindre, devenus immortels et incorruptibles, puisque les corps corruptibles et mortels des trois jeunes hommes ont pu vivre sains et saufs dans la fournaise ardente. (Dn 3,24) » (Livre XX,18)
La mère de Jésus
Saint Augustin contemplait en Marie le membre le plus excellent de l'Eglise, et la mère de l'Eglise : elle est donc celle qui prépare les hommes pour qu'étant entrés dans la première résurrection, ils puissent entrer dans la seconde résurrection et la transformation finale.
[1] Le millénarisme qui consiste à dire que le règne du Christ s'accomplit sur cette terre est une imposture : Catéchisme de l'Eglise catholique § 676 ; Jean Paul II, Tertio Millenio Adveniente § 23
Synthèse Françoise Breynaert