Essayer de comprendre les mystiques protestantes nous ouvre la voie pour essayer de comprendre, de l'intérieur, comment les protestants vivent leurs réunions de prière et leur culte. La mystique protestante, complexe et paradoxale, est très rarement mariale.
La mystique de Luther est une mystique de la croix comprise comme étant l'expérience personnelle d'entendre Jésus dire « tes péchés sont pardonnés. » Luther exalte l'expérience de la justification, une justification reçue de l'extérieur (sola gracia), de telle sorte que la personne humaine se trouve comme vidée. Il y a bien un sommet mystique, mais il est difficilement possible de le tenir dans la durée.
Calvin, qui par ses études de l'Ecriture, a compris le sens de l'histoire du salut, intègre le sens du temps : à l'expérience de la justification il ajoute l'expérience de la sanctification qui se fait dans la durée.
L'une des plus belles figures de la postérité de Calvin est Gerhardt Tersteegen (1697-1769), qui est considéré comme un saint dans l'Eglise réformée. Pour Gerhardt Tersteegen, la mystique est la réalisation de la présence divine en nous, elle engendre grâce et transformation du cœur.
Le protestantisme (surtout le luthéranisme) valorisent la foi (sola fidei) jusqu'à un certain fidéisme. En réaction, la soif de connaître se répercutera dans le développement souvent anarchique de mouvements gnostiques, de nature moniste (par exemple, Jacob Boehme, Rudolf Steiner, etc.).
De même, la valorisation exclusive de la Parole extérieure (sola scriptura) va provoquer la réaction inverse, avec la valorisation de l'expérience de la Parole intérieure (charismatique ou illuministe) ou bien du sentiment religieux (piétisme).
La philosophie allemande, avec Kant, Shelling ou Hegel, ou encore avec l'importance récente donnée à maître Eckhart en milieu protestant, traduisent en concepts philosophiques ces recherches spirituelles souvent contradictoires.
Enfin, tout récemment, nous pouvons rappeler ce très grand chrétien que fut Martin Luther King, pasteur protestant qui traduisit sa spiritualité dans ses actes.
Source : H. JAEGER, « Mystique protestante et anglicane », dans Aa Vv, La mystique et les mystiques, DDB, Paris 1965, p. 257-407 .
Cet auteur donne une liste bibliographique très fournie pour chaque branche du protestantisme.
Synthèse F. Breynaert