Contemple, homme sauvé, celui qui pour toi est attaché à la Croix ! Qui est-il ? quels sont ses titres ? quelle est sa grandeur ? lui dont la mort donne la vie aux morts et dont le trépas, pleuré par le ciel et la terre, fend les rochers les plus durs [...]
Pour que l'Église fût formée du côté du Christ mort sur la croix et afin que s'accomplît cette parole de l'Écriture : «Ils verront celui qu'ils ont transpercé» (Za 12,10; Jn 19,37), la Providence divine permit à un soldat d'ouvrir son côté très saint en le perçant de sa lance. Alors le sang coula mêlé d'eau, et le prix de notre salut fut versé ; ce prix qui, sorti au secret de son cœur comme d'une source, donna aux sacrements de l'Église la puissance de conférer la vie de la grâce et devint pour ceux qui vivent dans le Christ un breuvage d'eau vive jaillissant jusqu'à la vie éternelle (Jn 4,14).
Lève-toi donc, toi qui aimes le Christ, sois comme la colombe qui «pose son nid tout au fond de l'ouverture» (Jr 48,28), et là, comme le passereau qui a «trouvé sa demeure» (Ps 84,4), tu ne cesseras pas de veiller ; comme la tourterelle tu y abriteras tes petits et tu avanceras ta bouche pour «puiser de l'eau aux sources du salut» (Is 12,3). C'est en effet la source qui, jaillie au milieu de l'Eden, «se divise en quatre bras» (Gn 2,10) et, répandue dans les cœurs des croyants, arrose et féconde la terre entière.
Cours donc à cette source de vie et de lumière avec un vif désir, qui que tu sois, et, dans ton amour de Dieu, crie-lui de toute la force de ton cœur :
Ô beauté indicible du Très-Haut, éclat très pur de la lumière éternelle, Vie qui vivifies toute vie, clarté qui illumines toute lumière et conserves en l'éternelle splendeur les astres divers qui brillent devant le trône de ta divinité depuis l'origine des temps !
Ô flot éternel et inaccessible, limpide et doux, dont la source est cachée aux yeux de tous les mortels !
Ta profondeur est sans fond, ta hauteur sans limites, ta largeur sans bornes, ta pureté sans aucun trouble.
C'est de toi que découle «le fleuve qui réjouit la cité de Dieu» (Ps 46,5) pour que nous te chantions des hymnes de louange, dans l'exultation de la joie et de l'action de grâces (Ps 41,5), car nous savons par expérience qu'«auprès de toi est la source de la vie et que dans ta lumière nous verrons la lumière» (Ps 36,10)
Saint Bonaventure (XIIIème siècle), L'arbre de vie, § 29-30.
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