L’un des versets du Magnificat (Lc 1, 53) évoque les pauvres et les riches. Aristide Serra, des Servites de Marie, spécialiste de mariologie biblique et co-auteur d'un Dictionnaire de mariologie, explique qui sont ces pauvres et ces riches dans la tradition biblique.
"Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides." (Luc 1, 53)
Les prophètes ont souvent averti que lorsque l’homme a répudié la Loi du Seigneur il devient un loup pour ses semblables, et alors,
« Quelle paix peut exister entre l’hyène et le chien ? Et quelle paix entre le riche et l’indigent ? » (Si 13,18)
Outre la carence de biens matériels, la pauvreté (‘tapeinosis’ dans le grec de la Septante) désigne :
Sur chacune de ses formes de pauvreté, personnelle ou communautaire, le Seigneur veille, attentif au cri qui monte vers lui. Le pauvre est écouté par Dieu.
Finalement le terme « pauvre » désigne celui qui est écouté par Dieu : pendant l’exil, les déportés comprirent que leur force n’est pas de faire alliance avec des nations païennes mais qu’elle consiste en une fidélité totale à la Loi de Dieu.
Est « pauvre » celui qui adhère de tout son cœur au Seigneur, obéit à la Loi et refuse d’assurer sa sécurité en opposition avec la volonté divine :
« Celui sur qui je porte les yeux, c’est le pauvre et l’humilié, celui qui tremble à ma parole » (Is 66,2)
Il s’agit d’une pauvreté selon l’esprit, par cette attitude, l’homme se dépouille de ses propres vues pour revêtir et embrasser celles de Dieu.
Il ne faut pas croire que cette notion de pauvreté selon l’esprit élude le problème épineux de la justice sociale, au contraire ! Le pauvre selon l’esprit est fidèle à la Loi qui contient de nombreuses règles en faveur des indigents, orphelins, veuves, étrangers, esclaves, et demande :
« Qu’il n’y ait donc pas de pauvre chez toi. Car YHWH ton Dieu ne t’accordera sa bénédiction dans le pays qu’il te donne en héritage pour le posséder que si tu écoutes vraiment la voix de YHWH ton Dieu, en gardant et en veillant à pratiquer tous ces commandements que je te prescris aujourd’hui. » (Dt 15,4-5)
Les textes plus tardifs, à partir du IIe siècle avant J-C, sous l’occupation grecque puis romaine, désignent l’oppresseur par les termes d’orgueilleux, impies, ou fils des ténèbres.
Antiochus IV est le type même de l’orgueilleux (1 Mac 1,24 etc…) ; il pensait changer les temps et la loi et abolit le sacrifice perpétuel. Ivre de puissance, il insulta le Très Haut et s’acharna contre le peuple qui lui était consacré (Dn 7,25 ; 8,11). Mais Dieu mit un terme à son orgueil.
En face de cet orgueil, il y a l’attitude pauvre et humble de la communauté juive qui, dans le creuset de ces tribulations, vit une fidélité illimitée à la loi du Seigneur et une prière persévérante.
Dans le livre de Judith, Holopherne représente Antiochus, il est l’orgueilleux (Jd 6,19). Judith dont le nom signifie Judée, est la figure des pauvres du Seigneur (Jd 6,19). Elle est fidèle à la loi et entraîne le peuple à cette même fidélité ; elle est conscience que son arme est la prière et entraîne le peuple à la prière.
Le Targum[1] commente dans la liturgie le texte « la femme entourera l’homme » (Jérémie 31,22), il écrit :
« Le peuple de la maison d’Israël s’appliquera à la loi ».
Cette interprétation s’appuie sur le fait que le mot homme signifie aussi force, et que la force d’Israël, c’est la Loi. En revenant à la pratique de la Loi, la femme Israël retrouve la vigueur perdue.
Dans l’Évangile de Luc et dans le livre des Actes nous retrouvons la figure des pauvres du Seigneur, fidèles à sa loi et fervent dans la prière :
Source :
-Aristide SERRA, Myriam, fille de Sion, Médiaspaul, Paris,1999.
[1] Le Targum est la version du texte hébreu de l’Ancien Testament accompagnée de commentaires en araméen.
- sur la structure et le sens du Magnificat, dans l’Encyclopédie mariale
-sur le Magnificat dans la Tradition de l'Église, dans l’Encyclopédie mariale
-sur le Magnificat en musique, dans l’Encyclopédie mariale