« Et le vin manquant, la mère de Jésus lui dit: ils n'ont pas de vin. » (Jn 2, 3)
Le cœur de Marie est un vaste trésor, sa bouche est le canal de ce grand trésor, pour nous en faire voir quelque petite chose. Cette bouche pleine de miel, d'or et de pierres précieuses, ne s'ouvre pas bien souvent, c'est pourquoi il faut ouvrir son âme pour recevoir avec avidité chacune de ses paroles, et les bien considérer.
En ce moment Marie prie son fils. Elle prie en mère. Il faut faire bien attention à cela: depuis que Marie a dit: Ecce ancilla Domini [voici la servante du Seigneur], elle ne prie plus comme une servante, mais comme une Mère: il faut voir les yeux de Marie, quand elle regarde modestement son fils bien-aimé pour lui faire cette demande; il faut considérer son cœur et les sentiments qui s'y passent.
Elle veut deux choses: elle veut que la gloire de son fils se manifeste en cette circonstance, et elle veut le bien et la consolation des convives, deux désirs ou deux volontés dignes de l'amour parfait du cœur de Marie. [...]
La seconde chose qu'il faut observer: la vie de Marie est une vie de silence, tous les prodiges de son incompréhensible amour étaient renfermés au-dedans. Lorsqu'il fallait parler, elle le faisait dans le moins de mots possibles; même avec son fils, elle parlait dans le silence seulement. [...]
Marie nous apprend en trois mots une manière admirable de prier: elle ne fait que montrer les besoins, et dans son cœur et dans ses yeux Notre-Seigneur a bien vu son désir. C'est une manière très parfaite de prier, d'ouvrir les plaies de nos cœurs devant notre très doux Maître, reposer ensuite notre âme en lui, et nous abandonner à son très grand amour et à sa très grande miséricorde, et attendre ainsi dans une contemplation d'amour l'effet de sa tendresse pour nous.
« Et Jésus lui dit: Qu'importe à moi et à vous, femme ? Mon heure n'est pas encore venue. » (Jn 2, 4)
Le terme quid mihi et tibi est employé dans l'Ecriture comme plainte, comme mécontentement ou refus. Mais il peut s'employer avec respect. La femme de Sarepta, après la mort de son fils, dit à Elie: Quid mihi et tibi, vir Dei [qu'ai-je à faire avec toi, homme de Dieu ? : 1 Rois, 17,18]; et sans doute elle lui parlait avec respect.
[...]
Tout ce qui regardait sa vie privée, pendant les premiers trente ans, erat subditus illis [il leur était soumis: Lc. 2,51], mais pour tout ce qui regardait sa vie publique, il ne recevait d'ordre que de son Père directement [...].
C'est ce qu'il dit quand, dès son enfance, sa mère le retrouva dans le temple: Ne savez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des choses qui regardent mon Père ? [Lc. 2,49]. C'était un ministère public. Il s'en retourna ensuite: et erat subditus illis [et il leur était soumis] parce que c'était sa vie privée.
Dans un autre endroit, il manifeste la même chose, lorsque sa mère le demande pendant qu'il prêchait: Quae est mater mea et fratres ? etc... Qui fecit voluntatem Patris mei... hic mater, etc. [Qui est ma mère et mes frères ? etc... Qui fait la volonté de mon Père... celui-là est ma mère, etc.: Mt. 12,48 et 50]. [...]
C'est pourquoi il l'appelle mulier [femme], pour montrer que ce n'est pas en qualité de mère et comme par ordre qu'elle allait être exaucée, mais comme une prière. [...]
Marie qui avait été amenée là et inspirée par l'Esprit-Saint son Époux, n'avait pas non plus agi comme mère et voulu demander la chose comme par devoir, mais elle demanda cela comme grâce.
Et Jésus, connaissant parfaitement bien les sentiments du cœur de sa mère, puisque ce cœur adorable ne faisait qu'un avec le sien et que tous ses sentiments venaient de Jésus, [...] lui fit comprendre parfaitement qu'elle était exaucée et que son Père, eu égard à sa prière et pour la grande complaisance qu'il avait pour elle, a devancé l'heure de ses miracles et de sa prédication.
Ainsi ces paroles, en apparence si dures pour Marie, montrent à cette mère du divin amour la grandeur de la dilection du Père pour elle, et la grande fonction qu'elle a à exercer dans la Eglise par ses prières toutes puissantes. Elle ne commande pas au chef de l'Eglise par sa nature, mais lui commande par grâce, par le moyen de ses prières toujours exaucées.