La première affirmation explicite de la coopération de Marie au sacrifice rédempteur apparaît dans la théologie byzantine, de la part de Jean le Géomètre, moine de la fin du Xe siècle, auteur d'une « Vie de Marie ». Voici comment l'association à la Passion est décrite dans un hymne d'action de grâces adressé au Christ :
«Nous te rendons grâces d'avoir souffert pour nous de si grands maux, et d'avoir voulu que ta mère souffrît de si grands maux, pour toi et pour nous, afin que non seulement l'honneur de partager tes souffrances lui valût la communauté de gloire, mais aussi qu'il opère pour nous toujours davantage le salut, par la mémoire des douleurs endurées pour nous, et qu'elle nous garde son amour non seulement à cause de la nature mais encore en raison du souvenir de tout ce qu'elle a fait pour nous au cours de toute sa vie. Nous te rendons grâces, parce que tu t'es donné en rançon pour nous, et parce que, après toi, tu as donné ta mère en rançon à chaque instant, afin que toi tu meures une fois pour nous, et qu'elle meure des milliers de fois dans sa volonté, consumée dans ses entrailles comme elle le fut pour toi à l'intention de ceux pour qui, tout comme le Père, elle a donné son Fils, même l'a vu livré à la mort. Nous te rendons grâces à toi aussi, ô Souveraine, des peines et des souffrances endurées pour nous jusqu'à cette heure. »
(Discours d'adieu sur la Dormition de la Très Glorieuse Notre-Dame, Mère de Dieu).
L'association de Marie aux souffrances de Jésus est considérée dans cet hymne comme collaboration à l'œuvre du salut. Retenons la mention de trois aspects caractéristiques. D'abord les souffrances endurées par Marie au Calvaire font partie du plan divin ; elles ont été expressément voulues par le Christ dans son œuvre rédemptrice. A cette volonté divine a correspondu la volonté de Marie qui a donné son Fils : elle n'a pas été seulement accablée par une épreuve, mais elle a offert Jésus en sacrifice. La participation à la croix est au-dessus du drame de l'émotion d'un cœur maternel : il s'agit d'un sacrifice décidé par Dieu et volontairement ratifié par Marie.
En second lieu, l'intention rédemptrice est prédominante : Marie a souffert « pour nous» et cette souffrance a été le point culminant de «tout ce qu'elle a fait pour nous au cours de toute sa vie». Toute la vie de Marie est donc regardée dans la perspective d'une œuvre accomplie pour l'humanité. Le résultat de l'association aux souffrances du Christ est « d'opérer pour nous le salut ».
Enfin le rôle de Marie est présenté en strict parallèle avec celui du Christ, qui reste néanmoins au centre de l'œuvre rédemptrice. Jésus a souffert de si grands maux pour nous ; Marie a souffert de si grands maux pour lui et Pour nous. Jésus s'est donné en rançon ; de même il a donné sa mère en rançon. Jésus est mort pour nous ; Marie a eu l'équivalent de cette mort. Le geste maternel de donner son fils est comparé au geste du Père, livrant le Christ à la croix. La mission de Marie est donc définie par une analogie étroite avec l'action salvifique du Christ. La participation de Marie aux souffrances de Jésus opère maintenant notre salut.