Jean Paul II est la pape qui accompagné la période de la chute du communisme, sans pour autant tout accepter du libéralisme économique.
Dès 1981, Jean Paul II, dans l'encyclique Laborem exercens, critique le libéralisme et le marxisme dans leur vision du travail.
L'opposition capital/travail est transformée en idéologie par le marxisme pour défendre le travail, et par le libéralisme pour défendre le capital (§ 7, § 8, § 11).
Pour sortir de cette impasse, Jean-Paul II met l'homme au centre de l'enseignement social de l'Eglise : la personne est sujet de la société. La base de la valeur du travail n'est pas d'abord le travail lui-même, mais le fait que celui qui l'accomplit est une personne (§ 6, § 100).
« Il convient en effet d'observer que le simple fait de retirer ces moyens de production (le capital) des mains de leurs propriétaires privés ne suffit pas à les socialiser de manière satisfaisante. Ils cessent d'être la propriété d'un certain groupe social, les propriétaires privés, pour devenir la propriété de la société organisée, passant ainsi sous l'administration et le contrôle direct d'un autre groupe de personnes qui, sans en avoir la propriété mais en vertu du pouvoir qu'elles exercent dans la société, disposent d'eux à l'échelle de l'économie nationale tout entière, ou à celle de l'économie locale. Ce groupe dirigeant et responsable peut s'acquitter de ses tâches de façon satisfaisante du point de vue du primat du travail, mais il peut aussi s'en acquitter mal, en revendiquant en même temps pour lui-même le monopole de l'administration et de la disposition des moyens de production, et en ne s'arrêtant même pas devant l'offense faite aux droits fondamentaux de l'homme. [...]
Lorsque l'homme travaille, en utilisant l'ensemble des moyens de production, il désire en même temps que les fruits de son travail soient utiles, à lui et à autrui, et que, dans le processus même du travail, il puisse apparaître comme co-responsable et co-artisan au poste de travail qu'il occupe. »[1]
On remarque que les encycliques des papes émettent des critiques contre le communisme et contre le capitalisme, mais ce n'est jamais de manière symétrique. Le communisme marxiste, depuis Pie XI, est dénoncé comme étant intrinsèquement pervers[2]; le capitalisme est accusé d'être lié au péché social et à des structures de péchés[3], ce qui nécessite des réformes et des corrections, et l'effort politique de mettre sans cesse l'homme au centre.
Après la chute du régime d'Europe de l'Est (1989) et la chute du communisme soviétique (1991), l'encyclique de Jean Paul II « Centessimus annus » n'accepte pas pour autant n'importe quel capitalisme libéral :
« L'expérience historique de l'Occident, de son côté, montre que, même si l'analyse marxiste de l'aliénation et ses fondements sont faux, l'aliénation avec la perte du sens authentique de l'existence est également une réalité dans les sociétés occidentales. On le constate au niveau de la consommation lorsqu'elle engage l'homme dans un réseau de satisfactions superficielles et fausses, au lieu de l'aider à faire l'expérience authentique et concrète de sa personnalité. [...]
En revenant maintenant à la question initiale, peut-on dire que, après l'échec du communisme, le capitalisme est le système social qui l'emporte et que c'est vers lui que s'orientent les efforts des pays qui cherchent à reconstruire leur économie et leur société ? Est-ce ce modèle qu'il faut proposer aux pays du Tiers-Monde qui cherchent la voie du vrai progrès de leur économie et de leur société civile ?
La réponse est évidemment complexe.
Si sous le nom de "capitalisme" on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l'entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu'elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s'il serait peut-être plus approprié de parler d'"économie d'entreprise", ou d'"économie de marché", ou simplement d' "économie libre".
Mais si par "capitalisme" on entend un système où la liberté dans le domaine économique n'est pas encadrée par un contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale et la considère comme une dimension particulière de cette dernière, dont l'axe est d'ordre éthique et religieux, alors la réponse est nettement négative. »[3]
La chute du communisme a ouvert une nouvelle étape, celle de la « mondialisation ».
Benoît XVI, dans son encyclique « Caritatis in veritate » (2009) aborde cette problématique nouvelle.
« Le développement humain intégral suppose la liberté responsable de la personne et des peuples » (§ 17).
Le pape demande à chacun de faire un travail de vérité : « Outre la liberté, le développement intégral de l'homme comme vocation exige aussi qu'on respecte la vérité » (§ 18)
Il aborde les questions d'endettement et de corruption, ou encore la nécessité des réformes agraires dans les pays en voie de développement. Il dit souhaitable le développement, à côté des entreprises tournées vers le profit, « d'organisations productives qui poursuivent des buts mutualistes et sociaux » (§ 38).
Le respect de l'environnement ne va pas sans une écologie humaine et une tenue morale de la société dans son ensemble (§ 51).
C'est donc aussi le respect de la sexualité, de la liberté religieuse, le respect du migrant (§ 62) et le respect de l'embryon (§ 74).
Il affirme qu'il est nécessaire de corriger les « dysfonctionnements » de la mondialisation pour « orienter la mondialisation de l'humanité en termes de relationnalité, de communion et de partage » (§ 42), car « l'exaspération des droits aboutit à l'oubli des devoirs » (§ 43).
Et il aborde la question de la finance :
« Les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité afin de ne pas faire un usage abusif de ces instruments sophistiqués qui peuvent servir à tromper les épargnants. L'intention droite, la transparence et la recherche de bons résultats sont compatibles et ne doivent jamais être séparés. Si l'amour est intelligent, il sait trouver même les moyens de faire des opérations qui permettent une juste et prévoyante rétribution, comme le montrent, de manière significative, de nombreuses expériences dans le domaine du crédit coopératif. » (§ 65)
Avec Marie.
Vous trouverez dans ce site beaucoup d'extraits de cette importante encyclique "Caritatis in veritate", qui s'achève par ces mots :
« Que la Vierge Marie, proclamée par Paul VI Mère de l'Église et honorée par le peuple chrétien comme Miroir de la justice et Reine de la paix, nous protège et nous obtienne, par son intercession céleste, la force, l'espérance et la joie nécessaires pour continuer à nous dévouer généreusement à la réalisation du développement de tout l'homme et de tous les hommes »[4]
[1] Jean Paul II, Encyclique Laborem exercens (1981) § 14.15
[2]Pie XI, Encyclique Divino Redemptoris (1937) dénonce le communisme athée, engendré par les excès du libéralisme, comme intrinsèquement pervers et comme remède pire que le mal qu'il prétend extirper.
[3] Jean Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis (1987)
[4] Jean Paul II, Encyclique Centessimus annus (1991) § 41-42
[5] Benoît XVI, Encyclique Caritatis in veritate (2009) § 79
Synthèse F. Breynaert