[Le pape Léon XIII rappelle l'erreur païenne où un chef ou un empereur s'attribue une autorité divine et revendique les honneurs divins. S'appuyant sur la parole de Jésus, il montre que le pouvoir civil reçoit l'autorité comme un don de Dieu et doit donc exercer le pouvoir en se référant à Dieu.
Le pape Léon XIII permet un "mandat populaire" (les élections démocratiques) pour désigner le ou les représentants de l'autorité, mais cela ne change rien au fait que Dieu doit toujours apparaître "comme la source auguste et sacrée" d'où le pouvoir civil émane.
Le pape invoque la Vierge Marie "tutrice du genre humain" et saint Joseph, patron de l'Eglise.]
Bon nombre de Nos contemporains, marchant sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se sont décerné le titre de philosophes, prétendent que tout pouvoir vient du peuple ; que, par suite, l'autorité n'appartient pas en propre à ceux qui l'exercent, mais à titre de mandat populaire, et sous cette réserve que la volonté du peuple peut toujours retirer à ses mandataires la puissance qu'elle leur a déléguée.
C'est en quoi les catholiques se séparent de ces nouveaux maîtres ; ils vont chercher en Dieu le droit de commander et le font dériver de là comme de sa source naturelle et de son nécessaire principe.
Toutefois, il importe de remarquer ici que, s'il s'agit de désigner ceux qui doivent gouverner la chose publique, cette désignation pourra dans certains cas être laissée au choix et aux préférences du grand nombre, sans que la doctrine catholique y fasse le moindre obstacle. Ce choix, en effet, détermine la personne du souverain, il ne confère pas les droits de la souveraineté; ce n'est pas l'autorité que l'on constitue, on décide par qui elle devra être exercée. Il n'est pas question davantage des différents régimes politiques : rien n'empêche que l'Église n'approuve le gouvernement d'un seul ou celui de plusieurs, pourvu que ce gouvernement soit juste et appliqué au bien commun [...].
Quand le gouverneur romain se vante devant Notre Seigneur Jésus-Christ du pouvoir qu'il a de l'acquitter ou de le condamner, le Sauveur lui répond :
"Tu n'aurais sur moi aucune puissance si celle que tu possèdes ne t'avait été donnée d'en haut" (Jn 19, 11).
[...] Ceux qui administrent la chose publique doivent pouvoir exiger l'obéissance dans des conditions telles que le refus de soumission soit pour les sujets un péché. Or, il n'est pas un homme qui ait en soi ou de soi ce qu'il faut pour enchaîner par un lien de conscience le libre vouloir de ses semblables. Dieu seul, en tant que créateur et législateur universel, possède une telle puissance; ceux qui l'exercent ont besoin de la recevoir de lui et de l'exercer en son nom.
"Il n'y a qu'un seul législateur et un seul juge qui puisse condamner et absoudre" (Jc 4, 12).
[...] Ceux qui font sortir la société civile d'un libre contrat doivent assigner à l'autorité la même origine [...] Le pouvoir n'aura cet éclat et cette solidité qu'autant que Dieu apparaîtra comme la source auguste et sacrée d'où il émane. [...]
Si, en effet, l'autorité de ceux qui gouvernent est une dérivation du pouvoir de Dieu même, aussitôt et par là même, elle acquiert une dignité plus qu'humaine ; ce n'est pas, sans doute, cette grandeur faite d'absurdité et d'impiété que rêvaient les empereurs païens quand ils revendiquaient pour eux-mêmes les honneurs divins ; mais une grandeur vraie, solide, et communiquée à l'homme à titre de don et de libéralité céleste. [...]
Pour être plus sûrs d'être exaucés, prenons pour intercesseurs et pour avocats la Vierge Marie, Mère de Dieu, secours des chrétiens, tutrice du genre humain ; saint Joseph, son chaste époux, dont l'Eglise universelle invoque avec tant de confiance le patronage ; saint Pierre et saint Paul, princes des apôtres, gardiens et défenseurs de l'honneur du nom chrétien.
Léon XIII, Encyclique Diuturnum sur l'origine du pouvoir civil, 29 juin 1881
Une vingtaine d'année plus tard, en la fête de saint Joseph, Léon XIII répètera cet enseignement et insistera sur le danger de démagogie qui fait dégénérer la démocratie et l'éloigne progressivement de la référence à Dieu (Cf. Lettre apostolique « Parvenu à la vingt-cinquième année » (19 mars 1902)