Loin de l'idéalisme, une conception complexe de la personne apporte à l'individu un surcroît de dignité.
La complexité de la personne[1]
Trois tentations particulièrement actuelles
La personne est complexe. Le monde n'est pas transparent.
La Raison ne transcende pas les évènements de l'histoire, il faut inverser la logique des Lumières.
Pour sortir de cette complexité, nous avons trois tentations :
- la tentation du formalisme des valeurs qui se soumet aux principes,
- la tentation du sensualisme des sentiments qui se soumet aux passion,
- la tentaion du fantasme politique qui se soumet aux plans planifiés.
Face à ces trois tentations, il importe de revenir à une conception complexe de la personne apporte à l'individu un surcroît de dignité.
L'homme décide ce qui vaut le coût (et non le formalisme des valeurs)
Il n'est pas possible de se substituer à autrui pour désigner ce qui fait sens pour lui.
Nul autre que l'individu ne peut lui mesurer ses plaisirs et ses peines. Le formalisme des valeurs est une tentation. Ce ne sont pas seulement des calculs qui décident si quelquechose "vaut le coût".
Les valeurs donnent sens à un coût : une valeur "vaut le coût", et c'est l'homme qui le décide.
L'homme décide ce qui vaut le coup (et non les passions désordonnées)
En écoutant les passions désordonnées, aucune décision n'est possible, les passions sont une tentation. Mais les sentiments peuvent aussi conduire au seuil des décisions rationnelles : un conseiller en ressources humaines recommande de choisir là où je sens un enthousiasme, un « fighting spirit » (un désir de me battre)[2].
Les valeurs valent aussi le coup.
La subsidiarité (et non le fantasme politique, la volonté de puissance)
Le pouvoir vise l'intérêt général, les biens et les services publics. Il établit un plan, littéralement plans, tabula rasa, en est absent tout relief et tout obstacle.
L'autorité fait croître le bien commun : la paix, la fraternité, l'hygiène publique, la sécurité, autant de choses qui n'existent pas l'engagement de tous membres de la communauté.
L'autorité respecte la subsidiarité.
Jésus est « livré aux mains des hommes ».
Le Traité de Maastricht dit que « Celui qui à l'échelon inférieur (sub - sedo) et qui reçoit des subsides, ne laisse l'échelon supérieur décider que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres (l'échelon subordonné).
La subsidiarité est un défi, elle suppose la bonne volonté de l'échelon supérieur, elle se risque sur la liberté d'autrui.
En présence de saint Joseph
Joseph prend des décisions qui ont un coût
Au nom de certaines valeurs, Joseph décide de répudier Marie, cela a un coût pour lui, à commencer au plan humain et relationnel. (Mt 1, 19)
Au nom de certaines valeurs encore, Joseph décide de prendre Marie chez lui (Mt 1, 18-5). Cela aussi l'entraînera sur des chemins inattendus et aura aussi un coût, y compris matériel dans la fuite en Egypte.
Accepter de prendre Marie chez lui va conduire Joseph à « prendre quelques coups », le mépris de certains qui se vanteront auprès de Jésus de ne pas être nés de la prostitution (Jn 8, 41) ; la fuite en Egypte pour fuir les massacres d'Hérode ; l'angoisse quand Jésus âgé de douze ans se comporte en Fils de Dieu.
Joseph a été capable de prendre des décisions qui ont un coût et valent le coup.
Dieu a respecté la conscience de Joseph.
Au début, Joseph a pris une décision, en conscience, de répudier Marie. Avec un autre éclairage, il prend une autre décision. Dieu respecte sa raison, mais il éclaire sa raison : « ne crains pas ... l'enfant est conçu de l'Esprit Saint ». Et Joseph prend chez lui Marie son épouse, il prend la mère avec l'enfant (Mt 1, 18-25).
Ensuite, l'ange semble donner des mots d'ordre à Joseph « prend la mère et l'enfant et va en Egypte », « prend la mère et l'enfant et retourne », mais la décision fondamentale de prendre la mère et l'enfant a déjà été prise par Joseph, l'ange ici ne fait qu'éclairer le chemin, Joseph a déjà décidé de suivre (Mt 2, 13-15 et 19-23).
[1] Etienne Perrot, sj, La complexité de la personne, dans : Sous la direction de : Paul H. Dembinski, Nicolat Buttet, Ernesto Rossi di Montelera, Car c'est de l'homme dont il s'agit, Parole et Silence, DDB 2007., 97-109
[2] Denis Sesboué, le Figaro économie, 4 janvier 1993.
Synthèse F. Breynaert