L'entreprise économique, doctrine sociale de l'Eglise

L'entreprise économique, doctrine sociale de l'Eglise

La liberté économique

336 La doctrine sociale de l'Église considère la liberté de la personne dans le domaine économique comme une valeur fondamentale et comme un droit inaliénable à promouvoir et à protéger. [...]

La dignité des travailleurs

340 [...] Il est indispensable qu'au sein de l'entreprise la poursuite légitime du profit soit en harmonie avec la protection incontournable de la dignité des personnes qui y travaillent à différents titres.

Ces deux exigences ne sont pas du tout opposées l'une à l'autre. [...]

L'entreprise doit être une communauté solidaire qui n'est pas renfermée dans ses intérêts corporatifs; elle doit tendre à une « écologie sociale » du travail et contribuer au bien commun, notamment à travers la sauvegarde de l'environnement naturel.

L'usure

341 Si dans l'activité économique et financière la recherche d'un profit équitable est acceptable, le recours à l'usure est moralement condamné: « Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable ».714 Cette condamnation s'étend aussi aux rapports économiques internationaux, en particulier en ce qui concerne la situation des pays moins avancés, auxquels ne peuvent pas être appliqués « des systèmes financiers abusifs sinon usuraires ».

Le Magistère plus récent a eu des paroles fortes et claires contre une pratique dramatiquement répandue aujourd'hui encore: « Ne pas pratiquer l'usure, une plaie qui à notre époque également, constitue une réalité abjecte, capable de détruire la vie de nombreuses personnes ».

L'entreprise et les nations

342 L'entreprise agit aujourd'hui dans le cadre de scénarios économiques de dimensions toujours plus vastes, au sein desquels les États nationaux montrent des limites dans la capacité de gérer les processus rapides de mutation qui touchent les relations économiques et financières internationales; cette situation conduit les entreprises à assumer des responsabilités nouvelles et plus grandes par rapport au passé. Jamais autant qu'aujourd'hui leur rôle n'apparaît aussi déterminant en vue d'un développement authentiquement solidaire et intégral de l'humanité; tout aussi décisif, en ce sens, est leur niveau de conscience du fait que « ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus de régression même dans les régions marquées par un progrès constant. Ce phénomène est particulièrement symptomatique de la nature du développement authentique: ou bien tous les pays du monde y participent, ou bien il ne sera pas authentique ».

Le rôle de l'entrepreneur et du dirigeant d'entreprise

343 L'initiative économique est une expression de l'intelligence humaine et de l'exigence de répondre aux besoins de l'homme d'une façon créative et en collaboration. C'est dans la créativité et dans la coopération qu'est inscrite la conception authentique de la compétition des entreprises: cum-petere, c'est-à-dire chercher ensemble les solutions les plus appropriées, pour répondre de la façon la plus adéquate aux besoins qui émergent petit à petit. Le sens de responsabilité qui jaillit de la libre initiative économique apparaît non seulement comme une vertu individuelle indispensable à la croissance humaine de chaque personne, mais aussi comme une vertu sociale nécessaire au développement d'une communauté solidaire: « Entrent dans ce processus d'importantes vertus telles que l'application, l'ardeur au travail, la prudence face aux risques raisonnables à prendre, la confiance méritée et la fidélité dans les rapports interpersonnels, l'énergie dans l'exécution de décisions difficiles et douloureuses mais nécessaires pour le travail commun de l'entreprise et pour faire face aux éventuels renversements de situations ».

344 Les rôles de l'entrepreneur et du dirigeant revêtent une importance centrale du point de vue social, car ils se situent au cœur du réseau de liens techniques, commerciaux, financiers et culturels qui caractérisent la réalité moderne de l'entreprise. À partir du moment où les décisions de celle-ci produisent, en raison de la complexité croissante de son activité, une multiplicité d'effets conjoints d'une grande importance, non seulement économique, mais aussi sociale, l'exercice des responsabilités de l'entrepreneur et du dirigeant exige, en plus d'un effort continuel d'aggiornamento spécifique, une réflexion constante sur les motivations morales qui doivent guider les choix personnels de ceux à qui incombent ces tâches.

Les entrepreneurs et les dirigeants ne peuvent pas tenir compte exclusivement de l'objectif économique de l'entreprise, des critères d'efficacité économique, des exigences de l'entretien du « capital » comme ensemble des moyens de production: ils ont aussi le devoir précis de respecter concrètement la dignité humaine des travailleurs qui œuvrent dans l'entreprise. Ces derniers constituent « le patrimoine le plus précieux de l'entreprise », le facteur décisif de la production. Dans les grandes décisions stratégiques et financières, d'acquisition ou de vente, de restructuration ou de fermeture des établissements, et dans la politique des fusions, on ne peut pas se limiter exclusivement à des critères de nature financière ou commerciale.

345 La doctrine sociale insiste sur la nécessité pour l'entrepreneur et le dirigeant de s'engager à structurer le travail dans leurs entreprises de façon à favoriser la famille, en particulier les mères de famille dans l'accomplissement de leurs tâches; à la lumière d'une vision intégrale de l'homme et du développement, ils doivent encourager la « demande de qualité: qualité des marchandises à produire et à consommer; qualité des services dont on doit disposer; qualité du milieu et de la vie en général »; ils doivent investir, lorsque les conditions économiques et la stabilité politique le permettent, dans les lieux et les secteurs de production qui offrent à l'individu, et à un peuple, « l'occasion de mettre en valeur son travail ».


Conseil Pontifical Justice et Paix,

Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, 2 avril 2004,

§ 336-345

Chapitre : Le travail et les biens extérieurs