Dans la chapelle des Scrovegni de Padoue, entre 1303 et 1306, Giotto di Bondone (1266-1337) a peint un ensemble de 53 fresques qui relatent, de façon chronologique, les vies de saint Joachim et sainte Anne, de la Vierge Marie et du Christ. La sixième fresque représente la rencontre de saint Joachim et de sainte Anne à la Porte dorée, image traditionnelle de la Conception de la Vierge Marie par ses parents.
Sainte Anne et saint Joachim- dont les noms signifient respectivement « la gracieuse » pour Anne et « Dieu accorde » pour Joachim- sont les deux parents de la Vierge Marie, et les grands-parents de Jésus. Leur nom et leur histoire ne figurent pas dans les Évangiles canoniques, mais ils apparaissent dans le texte apocryphe intitulé le Protévangile de Jacques, datant de la fin du IIès, puis dans sa version latine amplifiée que l’on nomme l’ Évangile du Pseudo-Matthieu ou le Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur (VIIe siècle) ; dans L’ Évangile de la Nativité de la Vierge, qui est une adaptation des deux précédents, et, enfin, dans la Légende dorée du dominicain Jacques de Voragine (XIIIès), texte qui a permis le grand développement de la dévotion envers sainte Anne.
Les mentions de sainte Anne et saint Joachim sont liés au thème de l’enfance de la Vierge Marie, et à l’attention donnée à la généalogie maternelle de Jésus.
L’histoire de sainte Anne et saint Joachim, telle qu’elle est rapportée, est celle d’un couple longtemps éprouvé par la honte qui s'attachait à la stérilité. Saint Joachim, de la tribu de Juda, homme riche et pieux, descendant de la lignée du roi David et né à Nazareth, et son épouse sainte Anne, de la tribu de Lévi, également de la descendance de David, étaient en effet privés de descendance. Après vingt années de vie commune, sainte Anne n’était plus en âge de procréer.
C’est alors qu’un incident grave fut, selon cette tradition, à l’origine de la conception de la Vierge Marie. Saint Joachim vit en effet son offrande refusée au Temple par le Grand Prêtre, sous prétexte qu’il n’avait pas d’enfant (l’infertilité étant le signe d’une malédiction de la Loi). Saint Joachim se retira alors dans le désert auprès de ses bergers pour jeûner et prier, tandis que sainte Anne restait seule et priait, pendant la longue absence de son époux.
Or, la visite d’un ange du Seigneur vint annoncer successivement à saint Joachim et à sainte Anne, en une sorte de pré-Annonciation, que malgré leur âge avancé, ils allaient enfin mettre au monde un enfant, une fille, qui, elle-même, enfanterait le Sauveur.
Les deux époux se retrouvèrent à la Porte d’or, à l’entrée de Jérusalem. Neuf mois plus tard, sainte Anne et saint Joachim devinrent les parents de la Vierge Marie[1].
Le thème iconographique des retrouvailles du couple à la Porte dorée de Jérusalem est symbolique : il représente, traditionnellement, la conception de la Vierge Marie, conception préservée du péché originel. Pour ce faire, les retrouvailles des époux sont représentées de plusieurs façons : parfois un simple geste de tendresse, une accolade amoureuse, ou, de façon plus réaliste, un baiser, qui prend une valeur éminemment symbolique, et reflète les nombreux débats théologiques qui ont existé au sujet de cette Conception de la Vierge Marie[2]. Cette représentation de la Conception de la Vierge Marie est fréquente dans l’art occidental, jusqu’au XVIès, le concile de Trente, comme l’explique Émile Mâle, ayant imposé des restrictions à la représentation des épisodes issus des apocryphes dans l’art de la Contre-réforme. Cette représentation de la Conception de Marie par la rencontre de saint Joachim et de sainte Anne a donc été peu à peu abandonnée, au profit d’une représentation de la Vierge Marie elle-même, en convertissant des représentations préexistantes, pour créer le type iconographique de l’Immaculée dans l’art.
-sur le Protévangile de Jacques, dans l’Encyclopédie mariale
-sur l’évangile du Pseudo-Matthieu, en ligne
-sur la Légende dorée de Jacques de Voragine, en ligne
-sur Anne et Joachim, les parents de Marie, dans l’Encyclopédie mariale
-sur l’Immaculée dans l’art, dans l’Encyclopédie mariale
Isabelle Rolland.